La sortie, c'est par là ! Les motos et la guerre
La moto remplacera le cheval
Pour tirer sur l'ennemi comme un cow-boy (ici une Harley-Davidson de 1916). Pour patrouiller dans les steppes russes à la manière cosaque. En 1930, les jeunes officiers qui prônent la mécanisation de l'armée se heurtent à un conservatisme intransigeant: rien ne saurait remplacer le cheval et la cavalerie, affirment péremptoirement les états-majors.

Pourtant, tous les rapports établis vers les années vingt étaient formels: "Le cheval est condamné à plus ou moins brève échéance", pouvait-on lire. "Traîner des chevaux sous le feu de l'ennemi est une hérésie.

Il ne faut pas moins de six chevaux pour tirer une pièce de 75. La même pièce, ses servants et ses munitions peuvent prendre place dans un seul camion".

Au manège, la moto prend la place du cheval. La moto-école est une René Gillet.

Mais la tradition de la cavalerie est la plus tenace ; et si, bon gré mal gré, on accepte des motos, ce n'est qu'à la condition de les considérer comme des chevaux... et encore de mauvais chevaux. Dans le journal la France militaire de 1939, à quelques mois de la guerre, on lit avec stupéfaction: "Le cheval n'offre que des avantages par rapport aux véhicules motorisés, coûteux d'achat et d'entretien et de courte existence, très vulnérables aux attaques aériennes, inaptes à parcourir tous les terrains, incapables de franchir les lignes d'eau, de circuler par verglas ou sans lumière dans l'obscurité, de traverser bois et marécages".

Le stick de l'officier-instructeur. Une ambulance qui ressemble un peu trop à un corbillard.

La France, en gérant la tradition, est en train de perdre la guerre. En Allemagne, si l'on sait qu'une moto n'est pas capable de sauter les haies ou de se nourrir en broutant l'herbe des fossés, on prouve chaque jour qu'elle peut accomplir des prouesses qu'aucun cheval n'est capable de réaliser.

Un manège comme pour les chevaux Ces photos ont été faites à la caserne de Bourgoin en 1943. Même à cette période très avancée de la guerre, on continuait à apprendre à monter à moto sur des principes rigoureusement calqués sur ceux de la cavalerie. Cette méthode, discutable, ne permettait pas d'apprendre l'équilibre, mais servait à familiariser les motards avec les différentes manettes de la machine: débrayage, gaz, décompression, changement de vitesse, freins, etc.
Mieux qu'un cheval
(A gauche) Imaginez les mêmes à cheval. Leur masque serait inutile puisque le cheval ne pourrait pas en porter. (A droite) Sur la même monture, trois cavaliers (armés) au lieu d'un.

Ceux qui y croient s'imaginent que la moto peut faire beaucoup mieux que le cheval: aller plus vite et plus loin, transporter plus de charges. A cette époque, on croit même que le servant du fusil-mitrailleur pourra se servir de son arme fixée sur le side-car.

On met au point un système de fixation qui permet de tirer dans tous les azimuts, y compris à la verticale contre les avions. On découvre aussi les possibilités du side-car qui, bien aménagé, joue le rôle d'une véritable camionnette.

Cet engouement pour la moto a sans doute fait oublier aux états-majors la nécessité de concevoir un véhicule de reconnaissance à quatre roues motrices telle la jeep.
La Sevitame
Présentation du prototype de la SEVITAME au camp de Satory en 1938.

Vers 1935, à la demande du service technique des armées, Marcel Violet construit une moto amphibie tout terrain pesant 120 kg. Le projet accepté, la Sevitame (sigle Sevitame: Société d'Etude des Véhicules Issus de la Technique Automobile Moderne et Economique (sic)) est commandée à 40 000 exemplaires aux usines Simca.

A la fin de l'année 1939, une centaine d'exemplaires sont réalisés. Lors de l'invasion Allemande, l'usine est occupée et tout le matériel est réquisitionné. Un seul exemplaire connu resta en France, celui dont s'empara un ouvrier pour s'enfuir et qui fut ensuite donné au musée de Cleres.
Motocyclette "Type armée" S.E.V.I.T.A.M.E. (Publicité faite en 1938)
Sur un cheval, impossible de fixer une mitraillette pour tirer au galot. La machine est une Norton culbutée. Prototype de side-car pour transporter un canon antichar de 25. La moto est une Gnome et Rhône 750. Pour traîner un tel canon, il faudrait deux chevaux et leurs servants.

Conçue pour passer partout et remplacer le cheval. Circule sur n'importe quel terrain: friches, labours, herbes, bois, raidillons, remblais de chemin de fer. Les organes mécaniques sont protégés de façon à pouvoir franchir desgués. Le bloc-moteur peut-être immergé soit partiellement soit même totalement. Pas de chaîne. Transmission directe sur la roue. Silencieuse. En quelques minutes la machine se démonte en trois tronçons.

Une quantité importante d'huile (huit litres) circulant à l'intérieur du bloc moteur assure un refroidissement parfait, et permet à l'ensemble d'être utilisé dans des conditions de lenteur et de température exceptionnelles, sans avoir à redouter jamais ni échauffement ni congélation.

La moto gravit sans effort ni élévation de température une rampe de 45° (100%). S'arrête au milieu de ladite rampe, et, compétement arrêtée, repart sans difficultés: ceci grâce au bloc-moteur à refroidissement par huile permettant une vitesse-treuil spécialement étudiée allant de 2 à 8 km à l'heure.

Vitesse normale: 75 à 85 kilomètres
Poids toute équipée: 120 kilos
Capacité du réservoir: 20 litres
Rayon d'action: 500 kilomètres
Cylindrée: 250 cm3 et 330 cm3
Quelques expériences:
Essais de la SEVITAME devant les autorités militaires au camp de Satory en 1938. Pour les réparations, la SEVITAME se sépare en trois morceaux. Le bloc moteur est à refroidissement par huile.

Franchissement des buttes de tir du polygone de Vincennes avec un homme en tansad, traversée de mares boueuses dans lesquelles la machine s'enfonce de 40 cm (mesurés).

Une piste d'essai spéciale de tanks (2,400 km) est parcourue en totalité à deux reprises sans difficultés.

Les personnalités présentes aux essais déclarent qu'aucune autre machine actuellement en service ne serait capable d'une telle performance.

Traversée d'une zone de trous d'obus, tranchées, etc. Remorquage à très faible allure d'une voiture en panne.

La température de l'huile du bloc après utilisation prolongée de la vitesse-treuil (2 heures) n'a jamais dépassé 72 degrés.
Les seuls chevaux blindés connus sont ceux des tournois du Moyen Age. Une SEVITAME escalade les escaliers du Sacré-Coeur à Paris.
L'originalité de la SEVITAME est dans son bloc moteur très compact. C'est une 350 cm3 avec deux cylindres placés la tête en bas. Fourche télescopique et réservoir à l'arrière.
(A gauche) La popote roulante pendant les élections présidentielles à Versailles en 1938. Ce sont des René Gillet. (a droite) Un véritable fourgon où l'on range mitrailleuse Hotchkiss, munitions, pelle, pioche, paquetages, vivres, etc.
Le texte de cette affiche publiée en 1936 est explicite: il vante, à sa manière, les vertus hippomobiles des motos (sic).
Extrait du livre: Les motos et la guerre (1976).
Par Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff.

Balland
33 rue Saint André des Arts
Paris VI.
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