La sortie, c'est par là ! La moto Française, c'est fou, mais on aime
Gagner le second pari
A gauche la 70 GTB avec son carénage intégral très enveloppant. A droite la 70 GTA dont la tête de fourche est beaucoup moins volumineux. Ce n'est pas sans mal que Design Conseil a réussi à créer une ligne intégrant agréablement le moteur de la GS. Réalisée dans deux versions ne différant que par leur carénage, la BFG se présente enfin à nous dans sa configuration quasi définitive. Je l'ai essayée. Il y a de quoi se réjouir, "LA" moto Française est une machine attachante, fondamentalement saine et disposant, avec son moteur emprunté à l'automobile, d'atouts non négligeables. Le pari technique attaché à sa réalisation, c'est donc sûr maintenant, est gagné. Il lui faut donc à présent remporter le second pari qu'elle s'est fixé, celui de passer au stade de la production industrielle en série. Faute de quoi la BFG n'aura été que le projet de moto Française qui aura eu la peau la plus dure ! La BFG, certaines mauvaises langues ont fini par la surnommer " Désirée ". C'est vrai que sa commercialisation a été annoncée déjà de nombreuses fois pour être toujours repoussée à plus tard. Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'elle intervient mais pourtant les choses avancent. Tout d'abord la phase la plus longue et la plus difficile, je veux parler de la réalisation technique de la machine, peut à présent être considérée comme pratiquement terminée. A quelques détails près, la BFG se présente aujourd'hui comme un produit fini tout à fait dans la norme de ce que constitue un modèle de présérie. Les choses ont été loin d'être toujours simples pour en arriver là, comme nous l'explique Thierry Grange, l'une des trois " têtes " de la BFG.
Constructeur de motos en France: c'est dur !
A gauche la 70 GTB avec son carénage intégral très enveloppant. A droite la 70 GTA dont la tête de fourche est beaucoup moins volumineux. Ce n'est pas sans mal que Design Conseil a réussi à créer une ligne intégrant agréablement le moteur de la GS. "Le scepticisme généralement rencontré lorsqu'on évoque la construction d'une moto Française est tout à fait symptomatique de l'esprit ambiant. C'est l'un des problèmes majeurs auxquels nous nous trouvons confrontés. Notre tâche consiste en grande partie à essayer de redonner aux industriels concernés, confiance dans la moto en leur apportant la certitude que la construction d'une machine Française est possible. Pour cela nous nous sommes évertués à construire une moto qui puisse être directement compétitive avec la production nippone, tant au niveau de la qualité qu'à celui du prix . Dans une telle optique on le comprend, on ne peut se permettre de faire de la recherche. Il faut d'emblée construire une machine parfaitement homogène. La science infuse ne prenant pas sa source à Chambéry, nous avons cherché à définir une moto moderne en fonction de ce qui se faisait dans le secteur. La réussite des Japonais tient en grande partie à la transposition à la moto de techniques automobiles. Eh bien nous, nous utilisons directement et autant que faire se peut des composants automobiles dont la technologie et la fiabilité sont généralement sensiblement supérieures à ce que l'on rencontre habituellement dans la moto. Avec en prime les prix relativement bas afférents à la très grande série dont seule l'auto est capable. A l'intérieur du carénage de la 70 GTB, des coffres fermant à clef et des ouïes d'aération qui pourront servir au chauffage. L'instrumentation très complète, empruntée à l'automobile, fait appel au circuit imprimé. Solution moderne et légère. Ce sera soit celle de la Matra Bagheera (Veglia, en haut) soit celle de la R5 Alpine (Jaeger, en bas). Si pour le moteur (Citroën GS), le pont (Mehari 4x4), le phare (autocar-poids lourd), l'instrumentation (Matra Bagheera ou Renault 5 Alpine) etc...

nous avons pu puiser dans cet intéressant réservoir, il n'en reste pas moins que de nombreux éléments, c'est évident, sont spécifiques à la moto. Et c'est là que les problèmes sérieux commencent. Il n'existe en effet pratiquement plus, et pour cause en France de sous-traitants travaillant pour l'industrie motocycliste. Nous sommes donc obligés de nous tourner vers l'étranger: Espagne pour la fourche (Telesco), Italie pour les roues (FPS) et les freins (Brembo) etc... A l'origine nous avions d'ailleurs dans l'idée de construire une sorte d'Airbus de la moto, c'est-à-dire une machine dont les principaux éléments seraient venus de divers pays d'Europe. Une réunion a même eu lieu dans ce sens en 1978. Elle n'a pas abouti. Pour BFG, le contre-temps le plus important dans la fabrication de sa moto est venu de l'impossibilité de Guzzi puis de Laverda (V6) à lui fournir leur boîte de vitesses. Moyennant quoi, après avoir affronté le mépris des grands fabricants Français, BFG s'est trouvé plus ou moins contraint de concevoir sa propre boîte. Une entreprise notoirement longue et difficile qui, outre qu'elle risque de sensiblement grever le prix de revient de la machine, explique le retard pris par l'équipe dans la réalisation de son projet. Malgré cela, nous considérons le bilan comme très positif. BFG a réussi à mettre au point une moto en un an avec seulement 100000 F et le concours de 10 personnes.

A titre de comparaison, l'opération réclame généralement 3 ans au Japon, et pour prendre un exemple plus proche, la conception de l'Hesketh Anglaise n'a pas réclamé moins de trois ans de travail à 21 personnes, avec un investissement de 4 millions de francs. C'est donc à juste titre, je pense, que nous pouvons être fiers de voir nos motos rouler. Et qui plus est bien rouler, si l'on en juge par les différents essais qui ont été réalisés jusqu'à présent, tant par des journalistes spécialisés que par la gendarmerie ou les CRS, toujours très exigeants envers leur matériel. BFG a fait la preuve de son savoir-faire au stade du prototype, il lui reste maintenant à transformer l'essai industrie en passant à la production en série".
L'autre dimension
Sur l'établi, les trois pièces maîtresses de la mécanique BFG. De gauche à droite, le moteur proprement dit, le carter d'embrayage et la boîte, réalisés par BFG. Le bloc moteur est en alliage léger mais les cylindres sont en fonte, chemisés. Le radiateur d'huile est monté à plat sur le dessus, juste devant la cartouche de filtre à huile. Le démarreur électrique comme l'alternateur d'origine sont conservés. BFG ne veut pas être un artisan de luxe de la moto, du genre MV, Münch, Kramer ou autres. Seule entreprise Française depuis 20 ans à afficher la fabrication de motos comme raison sociale, elle entend se situer d'emblée au stade de la production industrielle. C'est ce qui fait sa spécificité par rapport aux autres tentatives de moto Française, telles la But, la Pernod, l'ABF, la Elf E et autre DJ 1200. Employant 15 personnes dont onze salariées dans un atelier de 1500 m2, BFG, à son niveau s'est donné les moyens de passer le cap de la fabrication à l'unité pour envisager la production nécessaire à sa survie, de 500 machines la première année. Une entreprise qui sous-entend obligatoirement l'association avec un partenaire industriel lui fournissant un indispensable appui technique et financier.

Lorsqu'on sait que l'on estime en effet à environ 20 millions de francs la somme nécessaire à la relance de l'industrie de la moto en France, les 800000 francs du capital de BFG apparaissent en effet bien maigrelets, ne serait-ce que pour prétendre à une aide de la part des pouvoirs publics. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, si l'on y regarde bien, la constitution d'une industrie motocycliste en France collerait parfaitement avec la politique gouvernementale actuelle: elle serait créatrice d'emplois, prédisposée à l'exportation (toutes les marques de motos exportent au moins 50 % de leur production), et permettrait d'améliorer la balance commerciale dans un secteur notoirement déficitaire.

Faisant pendant à l'allumeur en bout d'A.C.T. du côté droit du moteur, on trouve la pompe d'essence, imposée par la position du réservoir. Sur le 70 GTB le système de réchauffage du carbu est conservé. Et puis, de quel meilleur véhicule que la moto peut-on rêver pour colporter auprès des jeunes de par le monde l'image de la technologie Française ? Cela rejoint le dernier point souligné par Thierry Grange: "la France est le plus grand marché du monde sans constructeur national. 200000 jeunes achètent chaque année une moto Japonaise, neuve ou d'occasion. Ce sont autant de futurs possesseurs de voiture qui auront été sensibilisés aux produits Japonais au détriment de leurs équivalents Français. A la limite, dans leur propre intérêt, les constructeurs automobiles nationaux devraient nous aider. Ceci dit, nous ne tenons pas plus que ça au cocorico. L'idée de la moto Française est l'oeuvre des journalistes. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de construire une machine, qu'elle soit bleu-blanc-rouge ou pas.

Bien sûr si nous trouvons un partenaire Français et qui plus est avec lequel nous ayons de réelles affinités, ce sera tant mieux. Mais si nous n'avons pas le choix, nous ne ferons pas la fine bouche. Nous sommes prêts à considérer toutes les propositions d'où qu'elles viennent, même du Japon !". Une phrase qui peut laisser perplexe, mais qui illustre bien la détermination de l'équipe BFG à vivre sa folle aventure jusqu'au bout, coûte que coûte. A Chambéry, plus qu'à la moto Française, on croit à la BFG !
1300 cm3... pour commencer
Monté en porte-à-faux, le moteur n'intervient pas dans la rigidité de l'ensemble. Il est fixé au cadre par l'intermédiaire de 2 axes: l'un au niveau du carter d'embrayage, l'autre sur la boite. Il permet d'obtenir un centre de gravité assez bas et une bonne répartition des masses (AV 48 % - AR 52 %). Pour faciliter la construction, aucun tube du cadre n'est cintré comme sur la Gold Wind, le réservoir d'essence est situé en avant de la roue arrière. En tôle sur le prototype, il sera en plastique soufflé, d'une capacité de 26 litres sur la version définitive. Dans ses cartons, Louis Boccardo, le technicien de l'équipe, dispose de tous les éléments nécessaire à la réalisation en quelques mois d'une intéressante 650 équipée du moteur flat twin tout alliage de la Citroën Visa. Il n'en reste pas moins que pour son premier modèle, BFG a opté pour le gros cube. Un 1300 ni plus ni moins ! Pour une question de prestige d'abord, afin d'asseoir favorablement l'image de marque. Mais aussi parce que, bastion européen à 25 %, la grosse moto est pratiquement le seul créneau où l'on peut rester compétitif en faisant des machines relativement chères. A 29500 F dans sa version 70 GTA à carénage de tête de fourche et environ 32OOO F prévus, pour la 70 GTB à carénage intégral, la BFG n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler une moto bon marché, mais elle se positionne très favorablement entre ses concurrentes les plus directes, la Honda GL 1100 DX (27790 F) et la BMW 100 RT (32000 F). Pour Thierry Grange, la cible idéale est constituée par " les vieux nouveaux motards".

C'est-à-dire ceux qui sont venus à la moto au début de son renouveau, au début des années 70, et qui, après s'être bien défoulés avec de fougueuses et volages Japonaises, aspirent à un engin plus homogène et plus fonctionnel. " Avec la BFG 1300 " nous dit Dominique Favario, "nous avons voulu faire la meilleure mille du marché. Un peu comme Renault a fait avec la R5 en lançant la GTL. Se servir de la cylindrée non pour gagner encore de la puissance, mais pour obtenir un plus grand confort de conduite". Conventionnelle mais moderne, imposante mais très maniable, la BFG, grâce à son moteur automobile doit apporter quelque chose en plus, tant au niveau de l'agrément qu'à celui de l'entretien. D'une fiabilité inconnue en moto, outre la centaine d'agents déjà prospectés pour constituer le réseau BFG, cette mécanique bénéficie en effet pour sa maintenance de tout le réseau Citroën, soit près de 5000 personnes. Avantage pratique mais aussi financier si l'on tient compte du prix des pièces, avec en prime, fait unique dans la moto, la possibilité de procéder à son échange standard pour environ 4000 F.
A chacun sa BFG
La fourche est une Telesco Espagnole, modifiée selon les directives de BFG pour porter son débattement de 145 à 175 mm. Des étriers Brembo en attendant l'adaptation de freins automobiles. Elf apportant son aide à BFG pour tous ses problèmes de carburant et de lubrifiant, c'est dans son centre de recherche de Solaize, près de Lyon, que s'est effectuée la présentation générale à la presse de la machine de présérie. Mais en privilégiés que nous sommes, nous avons eu droit à un traitement de faveur, et c'est donc au siège de l'usine, dans la zone industrielle de Chambéry, que le lendemain, nous avons retrouvé la BFG, ou plutôt les BFG, puisque j'ai pu disposer des deux modèles proposés, afin de faire mieux connaissance avec elle. Un terrain d'essai particulièrement complet puisque dans un périmètre relativement restreint, il permet en un après-midi de sauter des rues calmes de la ville aux petites routes de montagne avoisinantes après avoir emmanché les grandes courbes de la N6 et tirer un boulet sur l'autoroute de Grenoble.

Autant vous le dire tout de suite, il n'est pas une situation dont la BFG ne se tire à son avantage. Et dire qu'il y en a eu " des " pour la traiter de piège ! Ils n'étaient bien entendu jamais montés dessus, se contentant de se fier à son apparence. C'est un fait qu'à l'arrêt la BFG impressionne. Même si par rapport au modèle présenté au Salon, en février dernier, sa ligne se trouve considérablement allégée par le nouveau dessin du carénage de turbine qui n'enferme plus le moteur, on ne peut guère la confondre avec un Solex. Surtout lorsqu'il s'agit de la 70 GTB avec son carénage très enveloppant. Dans l'ensemble, aussi bien esthétiquement que fonctionnellement j'ai d'ailleurs préféré la 70 GTA avec son tête de fourche. Elle est plus maniable à l'arrêt et aussi en ville grâce à un angle de braquage plus important et à une meilleure visibilité. Le pare-brise de la 70 GTB doit d'ailleurs être raccourci et incliné davantage vers l'arrière pour améliorer les choses. Les qualités routières des deux modèles étant identiques en gros on peut considérer la 70 GTA, comme plus polyvalente grâce à une meilleure aptitude urbaine. La 70 GTB séduira, elle, les " grand-touristes " en offrant une meilleure protection, des volumes de rangement supplémentaires (outre les coffres latéraux, des sacoches en polyester sont prévues) et même l'aération et le chauffage dans la version définitive. Si c'est pas du luxe, ça madame ?
Dur, l'embrayage !
L'arbre de transmission est abrité dans le tube gauche du bras oscillant. Son articulation avec l'arbre de sortie de boîte se fait grâce à un joint tripode, seul à pouvoir assurer une liaison homocinétique. Avec son centre de gravité placé très bas et son poids finalement guère supérieur à celui d'une Kawa 1000 par exemple, la BFG se relève facilement de sa béquille latérale et s'enfourche sans plus de problème. La selle est basse, en partie il faut le dire grâce à un rembourrage encore un peu maigrelet, et la position de conduite est agréable même si les pieds sont un peu trop en arrière. Rien à y faire puisque même si, à gauche, le proéminent allumeur est appelé à disparaître pour être remplacé par le nouvel allumage électronique Citroën, à droite la pompe à essence sera toujours là.

Pas grave, on s'y habitue. Contact, démarreur auto infatigable et le quatre cylindres à plat s'ébranle avec une sonorité tenant autant de celle d'un Gold Wing que d'un Buggy VW. Pas désagréable. Les coups de gaz destinés à chauffer la mécanique me rappellent qu'avec une telle architecture il faut compter avec le couple de renversement. Il est sensible mais guère plus important que celui d'une BMW ou d'une Guzzi. Malheureusement, on est d'emblée confronté avec ce qui constitue pour l'instant le principal défaut de la BFG, la dureté de sa commande d'embrayage.

Une dureté compréhensible puisque le mécanisme d'origine est destiné à être actionné au pied, mais il n'en reste pas moins que la progressivité toute relative du monodisque à sec se trouve ainsi malencontreusement mise en valeur. Plusieurs remèdes sont prévus, tels que câble haut rendement (90 % au lieu de 50), fourchette plus grande, voire commande desmodromique et même s'il faut en arriver là, adoption d'une commande hydraulique, tout de même dix fois plus chère qu'un système mécanique.
Le couple du siècle
Dans un coin de l'atelier de Chambéry, le moteur Citroën Visa destiné a équiper une future BFG 650. Un flat-twin compact de conception très moderne: tout en alliage, cylindres Nickasil, allumage électronique, etc... Dès les premiers tours de roues, ce qui frappe, c'est l'extraordinaire maniabilité de ce volumineux engin. Elle tient autant à la géométrie des suspensions et à la répartition des masses qu'à la souplesse phénoménale du moteur qui permet de se couler dans la circulation en douceur. En exagérant les choses, j'arrive, qui plus est en côte, à descendre en cinquième à 1000 tr/mn, soit 30 kmh, et à repartir sans enregistrer le moindre à coup ou la moindre mauvaise volonté du moulin. Avec 7 mkg de couple au ralenti (600 tr/mn), ce qui correspond au couple maxi d'une bonne 750 Japonaise, on démarre en seconde, voire en troisième, sans faire cirer l'embrayage.

Cela porte à penser que les 5 rapports de la boîte de vitesses maison sont un peu superflus. Quatre suffiraient largement. Autrement cette boîte est agréable. Sans posséder la douceur et la précision des meilleures productions Japonaises à cardan actuelles (Suzuki 850 et 1000 G, Honda CX 500 etc...), elle n'a rien à envier, tant s'en faut, à ses homologues européennes. Vu les reprises très franches autorisées à tous les régimes par la courbe de couple très plate, sur route, même sinueuse, on reste presque toujours en cinquième. Sans jamais atteindre celle d'un gros cube Japonais dans les tours, la poussée du GS Citroën est toujours vigoureuse. Il faut toutefois veiller à ouvrir les gaz en grand pour bénéficier de l'ouverture des deux corps du carburateur compound.

Si l'on n'enroule pas franchement la poignée, particulièrement avec la 70 GTB dont la commande est très démultipliée, on ne fonctionne que sur un seul corps de carbu. Pas bon pour les performances, mais excellent pour une conduite souple et économique. Ainsi selon l'utilisation, la consommation peut osciller entre 5,5 et 9 litres au 100 km. Avec le réservoir de 26 litres, cela correspond à une autonomie moyenne, bien inhabituelle en moto de plus de 350 km.
Une grosse pas si grosse
Si la BGF a bien l'encombrement d'une 1300 cc, à l'usage, elle n'en a certainement pas la lourdeur. Elle est aussi facile à manier qu'une 750. En grimpant la route du col de Plainpalais, les propos de Favario me reviennent. En dessous de la vérité, Dominique ! Pour ce qui est de la maniabilité, sa 1300 ça n'est même pas une 1000 ; c'est à peine une 750 ! La facilité et la docilité avec laquelle la BFG s'inscrit dans les virages, même les plus serrés, est assez sidérante. Précise et neutre, la direction n'engage absolument pas et permet à la moto d'être toujours parfaitement contrôlable, quand bien même on vient à changer de trajectoire ou à freiner sur l'angle. Je ne connais pas beaucoup de grosses cylindrées qui acceptent un tel traitement d'aussi bonne grâce. Et je n'ai pas tout vu, car encouragé par ce comportement idyllique, je commence à prendre des tours, conjointement au moulin. Le rythme s'élève mais la BFG garde son calme.

Bien amorties, les suspensions avalent les portions bosselées sans engendrer la moindre réaction malsaine. Il n'y a que mes fesses qui souffrent un peu dans l'histoire. Pas très épaisse la selle ! Satisfaisante jusqu'alors, la garde au sol m'apparaît maintenant un peu limitée. Heureusement ce sont les repose-pieds qui touchent les premiers. Dommage car les pneus Michelin sont loin d'avoir atteint leur limite d'adhérence. Je ne pensais pas pouvoir attaquer et m'amuser autant avec un tel monstre. Les freins Brembo sont durs de commande mais ne faiblissent jamais. En conduite sportive il faut juste faire attention lors du passage des vitesses à ne pas réaccélérer franchement avant d'avoir complètement réembrayé.

Autrement, le couple de renversement, s'ajoutant à la sécheresse de l'embrayage et à la rigidité de la transmission par arbre, provoque des écarts du train arrière préjudiciables à l'obtention d'une bonne trajectoire. Au niveau de la tenue de route, le seul petit défaut que j'ai pu enregistrer est à mettre sur le compte du tarage un peu mou de la fourche. Lorsqu'on est amené à couper dans les courbes rapides, cela engendre un léger dandinement de l'avant. Un point plus désagréable que dangereux et auquel il est facilement remédiable. Sinon la stabilité à grande vitesse est satisfaisante, même à fond sur autoroute. Tirant beaucoup trop court ma moto d'essai ne prenait pas plus de 190/195 km/h compteur, à près de 6700 tr/mn. Mais il est certain qu'avec une démultiplication adèquate, la barre des 200 km/h doit être largement franchie.
Une question de survie
La BGF a bien l'encombrement d'une 1300 cc, à l'usage, elle n'en a certainement pas la lourdeur. Elle est aussi facile à manier qu'une 750. Voici donc " la " moto Française telle qu'elle se présente à nous. Vraiment pas de quoi avoir honte ! La BFG ferait même une très digne représentante de l'industrie motocycliste européenne. Avec de la personnalité à revendre, une manière bien à elle d'être originale sans être révolutionnaire, elle apporte du nouveau à la machine de grosse cylindrée: la maniabilité des motos de cylindrée inférieure d'une part et la fiabilité, l'agrément et l'économie d'une mécanique automobile d'autre part. Disposant de nombreux atouts pour séduire les amateurs de grand tourisme (couple moteur, silence, confort, autonomie, aptitude au duo, volumes de rangement, éclairage et plus généralement potentiel électrique), malgré quelques petits défauts propres à la présérie, elle se place d'emblée techniquement et commercialement, la tête haute face à ses concurrentes. Il n'empêche que pour exister vraiment, la BFG doit encore passer de l'état de prototype à celui de machine de série. Une opération, nous l'avons déjà dit, qui ne peut se faire sans l'association de la sympathique équipe Savoyarde avec un partenaire industriel conséquent. Pour la survie de BFG comme pour celle, plus généralement, de la moto, si menacée en France aujourd'hui, il faut souhaiter que celle-ci intervienne le plus rapidement possible.
Une petite histoire de B.F.G
Pour ceux qui ont raté les épisodes précédents (M.R. 2381 et 2449) voici un résumé de la petite histoire de B.F.G. "B" c'est Louis Boccardo, le technicien. "F" c'est Dominique Favario, le gestionnaire. "G" c'est Thierry Grange qui représente le commercial. Ils sont tous trois branchés sur la moto et chacun a dans la tête des projets de construction lorsqu'ils sont amenés à se rencontrer. On parle un moment de réaliser des cadres de compétition pour y loger des mécaniques Japonaises. Et puis après tout, pourquoi se limiter au cadre et ne pas envisager la construction d'une moto complète ?

Objection vos honneurs ; s'il n'y a pas de moto Française, c'est qu'il n'est pas possible d'en faire une. Explication peu satisfaisante pour nos trois acolytes qui en juillet 1978 présentent au concours " cap sur l'entreprise " du ministère de l'industrie, leur projet de création d'une entreprise de construction de moto Française. Le projet peut sembler fou à certains, il n'en remporte pas moins le concours et la bourse de 50000 F qui lui est attachée. Une somme qui sert à réaliser le premier prototype, alors que dans le même temps le projet remporte encore le concours de la Datar. Les réactions de la presse sont assez mitigées, l'incrédulité côtoyant souvent un enthousiasme fortement teinté de tricolore.

L'objectif prioritaire de B.F.G. devient donc d'affirmer le plus vite possible la validité technique et commerciale de son projet. En février 1979 la Banque Populaire va lui donner un sérieux coup de pouce pour arriver à ses fins. Elle accorde en effet un prix de 200000 F à l'entreprise et surtout en servant en quelque sorte de caution morale, aide BFG à trouver des partenaires financiers sous la forme d'une quarantaine de petits actionnaires. Malgré quelques contretemps dus à des difficultés techniques (boite de vitesses notamment), la mise au point de la moto peut donc se poursuivre favorablement pour en arriver à la machine de présérie dont nous vous parlons aujourd'hui.
Fiche technique de BFG 1300
Moteur
Type et nombre de cylindres: 4 cylindres à plat boxer dans le sens de la route
Cycle: 4 temps
Distribution: soupapes en tête commandées par un arbre à cames en tête par rangée de cylindres
Refroidissement: par air souflé par un ventilateur
Alésage x course: 79,4 mm x 65,6 mm
Cylindrée: 1299 cm3
Taux de compression: 8,7 à 1
Puissance: 70 CV DIN à 5500 tr/mn
Couple: 10,4 mkg DIN à 3250 tr/mn
Allumage: batterie bobine
Source d'énergie: alternateur 12 V, 610 W
Batterie: 12 V, 18 Ah
Lubrification: sous pression, carter humide
Carburateur: 1 Solex double corps
Démarrage: démarreur électronique

Transmissions
Type: séparée, embrayage monodisque à sec, boîte à cinq rapports
Transmission primaire: par pignons
Transmission secondaire: acatène, arbre de transmission joint homocinétique à galet, couple cônique

Partie cycle
Cadre: tubulaire, boîte porteuse et moteur en porte-à-faux
Angle de chasse: 62° 30
Chasse: 103 mm
Suspension avant: téléscopique, débattement 175 mm
Suspension arrière: oscillante à éléments télescopiques
Débattement: 105 mm

Freins et roues
Frein avant: double disque à commande hydraulique, diamètre 300 mm
Frein arrière: simple disque à commande hydraulique, diamètre 240 mm
Roues: jantes du type à branches en alliage léger coulé
Pneu avant: 3,50 x 18
Arrière: 120 x 90 x 18

Dimensions et caractéristiques
Longueur hors tout: 2240 mm
largeur hors tout:735 mm
Hauteur de selle: 780 mm
Empattement: 1595 mm
Garde au sol:180 mm
Poids à sec: 256 kg
Réservoir d'essence: 26 litres
Carter moteur: 4 litres
Boîte: 1,3 litre
Pont: 0,3 litre

Performances (usine)
Vitesse maximum: 201 km/h
1000 mètres départ arrété: 24 s 8/10
Pub d'époque de la BFG MF 650 R
Informations tirées de Moto Revue.
Par Jean-Lou Colin. Photos: Ph. Michel
Haut de Page