La sortie, c'est par là ! La Moto Française existe... et elle roule !
NOUS AVONS ESSAYÉ LA BFG
L'état major de BFG au grand complet. De gauche à droite: Louis Boccardo, Dominique Favario et Thierry Grange. on voit également les deux désigners: Jean-Yves Ganne (à droite, penché) et Roger Pitiot, de Design Conseil. Vous avez les deux versions de la BFG. Carénée, la version définitive qui est au salon. Il fallait que ça arrive ! A force de parler d'une moto française de tourisme, il fallait bien qu'il y en ait une qui roule un jour ! Après le forfait de Motobécane et Peugeot, empêtrés dans leurs problèmes et leurs complexes, quelqu'un devait bien relever le défi. C'est fait: BFG est là pour le prouver. La moto, vous pouvez la voir au Salon de la Moto de Course Porte de Versailles. Nous, nous sommes allés pour vous chez BFG, à Chambéry, pour vous présenter ce constructeur français et sa moto que nous avons essayée. La moto française... Vieux serpent de mer qui délie les langues, fait sourire ou pleurer, déchaîne les enthousiasmes ou provoque une indifférence blasée, voire défaitiste. Nous avons essayé le proto BFG sur une chouette petite route de montagne entre Chambery et le col de Plainpolais.

Et, pourtant, pourquoi pas une moto française ? Serions-nous plus bêtes que les autres ? Et puis, une moto française, ce n'est pas seulement une envie, mais presque une nécessité, comme le résume très intelligemment Charles Krajka en tendant la main à BFG: « Bravo, les gars ! Je ne sais pas si elle est bien, votre moto, mais une chose est sûre: vous essayez, et ça, c'est bien ! Et puis, il faut une moto française pour que ces emmer... des pouvoirs publics nous foutent la paix !». C'est sans doute le fond du problème, dont nous avons souvent parlé dans Moto Revue: pas d'industrie nationale, pas de politique moto du gouvernement. Le prototype que nous avons essayé à Chambery. Si ce n'est du protectionisme vis-à-vis des importateurs japonais, donc une politique de dissuasion, de découragement, d'étouffement.

« Quoi, nos jeunes achètent du japonais ? Horreur ! Foutez-leur des bâtons dans les roues, qu'ils nous fassent pas suer avec leurs motos et qu'ils achètent un peu des voitures, comme tout le monde, de préférence des Renault, Peugeot ou Citroën, au hasard »... Alors, tout le monde nous fait suer. Gérondeau gérondeaucratise à pleins tubes, et c'est quelque chose ! Barre nous colle un permis dément sur le dos parce que son fiston s'est fait mal en tombant à moto et que Simone Veil a fait pleurer tout le conseil des ministres un jour en revenant de Garches. Les assurances nous assassinent car nous ne sommes pas un risque aussi lucratif que les autres, comme l'assurance vie par exemple... Ce qui ne les empêche pas de faire en tout près de 1 % de bénéfice brut ! Les permis vont nous coûter une fortune (on parle de presque 3 000 Francs pour le A3 !) alors que n'importe quel « loqueteux » peut pavaner en Ferrari Boxer à 300 à l'heure sans qu'on ne lui dise rien.

Non, bien sûr, ces gens-là sont nantis et « puissants », pas question d'y toucher, ça ferait trop de bruit. Tandis que les motards... Mais, si la France avait sa moto, les choses changeraient sans doute. Le gouvernement ne peut pas mettre des bâtons dans les roues d'une entreprise alors qu'il en encourage la création, il ne peut pas rendre l'accès à la moto trop difficile au risque de mettre en danger un secteur économique, l'emploi, des soustraitants. Alors, il nous faut, cette moto française: par fierté, chauvinisme, mais surtout pour que la moto tout court puisse vivre en France. C'est peut-être notre dernière...
B.F.G.: Boccardo, Favario, Grange
La porte de l'usine BFG de Chambéry, avec Boccardo (à gauche) et Grange qui tient la maquette du modèle définitif. Au départ de l'aventure BFG, en 1978, trois hommes. Louis Boccardo, 34 ans, ingénieur CNAM, sorti de l'aéronautique: C'est le technicien. Dominique Favario, 27 ans, diplômé IECG, professeur de gestion à l'école de commerce de Chambéry: c'est le gestionnaire. Thierry Grange, 29 ans, diplômé IECG-IEP, docteur en marketing, professeur de marketing à l'école de commerce de Chambéry: c'est le commercial. En juillet 1978, les trois hommes présentent le projet de création d'une entreprise moto française au concours « cap sur l'entreprise » du ministère de l'Industrie.

Ils gagnent le concours, une bourse de 50 000 francs et sont sélectionnés pour le concours de la Datar. BFG construit alors un prototype qui est présenté au Salon de la création d'entreprise du Puy en Velay: le projet remporte le concours de la Datar au Puy. Après un passage à vide, des problèmes rencontrés à la suite d'articles destructifs publiés par certains journaux, sans fondement qui plus est personne n'ayant jamais conduit la moto à part nous, le projet BFG est à nouveau primé en février 1979.

La Banque Populaire lui accorde un prix de 200 000 F et, surtout, aide BFG à trouver des partenaires financiers. Aujourd'hui, BFG est une SA au capital confortable de 800 000 francs, 40 actionnaires, et qui emploie huit salariés. Jusqu'à ce jour, aucun projet de moto française n'en est arrivé là. La première partie du pari BFG est gagnée: il est possible de fonder une entreprise axée exclusivement sur la construction de motos.
La moto BFG: une réalité
Louis Boccardo n'hésite pas à mettre la main à la pâte. C'est lui qui a conçu, entre autres, la boîte de vitesses et le pont. Avec le prix du premier concours, en 1978, BFG a mis sur pieds son premier prototype. Nous vous l'avions présenté dès le 28 septembre 1978. La BFG à moteur Citroën était née. Moteur qui constitue le second pari de BFG, celui qui est à la base de la définition même du projet:

- ne pas construire de moto ex-nihilo en conservant tous les composants déjà construits en grande série et, de ce fait, démontrant leur fiabilité et leur compétitivité économique ;

- ne fabriquer que des machines dans le créneau de croissance forte (+ de 500 cm3);

- créer des motos fiables et faciles à entretenir.

L'usage des composants automobiles, qui répondent à ces principes, s'est donc imposé pour BFG qui s'est tourné vers Citroën et a choisi, dans un premier temps, le moteur de la GS 1300, puis dans un second temps le flatwin 650 cm3 de la Visa pour une future version 650 BFG. Pour mesurer, au-delà des critiques, le travail accompli par BFG, il faut bien savoir ce qu'il subsiste en France de « l'industrie » moto.

Ce ne sont pas Eric Offenstadt et son Ho-But, ni Didier Jillet et sa DJ 1200, ni Christian Bourgeois avec sa 3 cylindres CBR, ni De Cortanze et la Elf, ni Bidalot et sa très belle 125 Motobécane et maintenant ses 250 Pernod de Grand-Prix, qui diront le contraire: construire une moto en France, c'est dingue !

D'abord, tout le monde applaudit mais personne n'y croit. Ensuite, il ne subsiste que quelques industries en France produisant des composants pour la moto, parmi lesquelles principalement Gurtner et Michelin. Pas de commodos, pas de compteurs-compte-tours moto, pas de roues produites en série à bon marché, pas de boîtes de vitesses, pas de fourches, pas de freins...

Bien sûr, il existe des tas de choses: mais pas utilisables par un constructeur qui cherche à produire une moto à un prix compétitif: séries trop petites, trop artisanales, coûts à la production trop élevées, etc... Résultat ? Un travail dément et beaucoup de courage.

BFG poursuit donc un objectif simple. 60 % des 12 000 motos de grosses cylindrées vendues en France sont des machines de grand tourisme à cardan. La BFG 1300 est une moto à cardan entièrement équipée d'origine pour le grand tourisme et qui sera commercialisée en juin 1980 à 27 000 francs: la BFG est dans le bon créneau.
BFG à Chambéry: trois « patrons », salariés
Après un coup de fil à Thierry Grange, la semaine dernière, j'ai pris l'avion un matin pour Chambéry. Thierry m'avait dit: « la moto est prête, nous l'exposons au Salon, si tu veux tu peux venir: nous te montrerons ce qu'est BFG et tu pourras rouler sur le mulet ». Proposition que je n'ai pas discutée ! 9 h mercredi matin. Le Fokker 28 de Air Alpes se pose à Chambéry. Dehors, il fait frais, mais pas trace de cette neige qui, à quelques kilomètres seulement, provoque de tragiques avalanches dans les Alpes. Dominique Favario est venu me chercher. Le pilote essayeur de BFG a fait près de 150 000 km au guidon des différentes motos. R16 pourrie, l'air crevé: « nous ne sommes pas encore prêts pour le Salon, le carénage n'est pas revenu de la peinture, la boîte n'est pas montée, la moto est en pièces ! ». Nous traversons Chambéry, direction la zone industrielle d'Albanne. Grand bâtiment en tôle, une petite porte avec, au-dessus un panneau bleu-blanc-rouge: B.F.G. A l'intérieur, ça bosse dur. Thierry Grange est là, l'oeil pas frais lui non plus. Boccardo avale un sandwich en me disant « salut » distraitement, plus préoccupé par sa BFG que par ma visite. Et puis on commence à discuter. « Tu sais, tu es le premier à venir ici. Ce n'est pas pour te favoriser, mais c'est parce que, à part toi, personne n'a daigné nous passer un coup de fil pour nous demander de venir ! Alors, sois le bienvenu dans l'antre de la moto française ». Cette moto française, elle est là, sous mes yeux. Personne n'y croit trop, je le dis à Thierry:« Oui, je sais, beaucoup ont été sceptiques, à commencer par des journaux moto. Pourquoi ? sans doute parce que nous faisons « français », ce qui ne plaît pas à tout le monde. Nous avons eu beaucoup de presse: la télé, le Point, le Matin, la presse régionale. Toi aussi qui nous a ouvert Moto Revue le premier. Aujourd'hui, nous avons avancé, nous avons aussi « laissé causer ». Nous avons un boulot à faire: construire la BFG.

C'est ce que nous essayons de faire, sérieusement ». Pour l'instant, la moto est dans l'atelier en pièces détachées. Favario se justifie à nouveau en voyant mon air désolé de ne pas pouvoir rouler dessus:« Nous devons nous dépêcher pour le Salon. Il faut assembler le moteur, la boîte et le pont que nous avons construits. Le carénage n'est pas peint, rien n'est assemblé ! Nous sommes à la bourre, mais tu peux conduire le mulet si tu veux. Nous te ferons monter sur l'autre en arrivant au Salon ». « La Routière ». La pub BFG annonce clairement la couleur: prendre une place dans le créneau du grand tourisme. Boccardo a fini son sandwich. Il a des miettes partout, le nez dans ses plans, la tête dans sa boîte de vitesses: « La moto que j'ai conçue n'est pas une révolution. Elle est basée sur des principes simples et sains. Le moteur d'abord: le 1300 GS Citroën. Il est gros, mais moins qu'un BMW: deux centimètres de chaque côté. C'est un flat four que les motards connaissent bien. Il développe 70 chevaux à 5 750 tr/mn.

Mais son gros intérêt, c'est son couple: 10,5 mkg à 3 250 tr/mn, ce qui est extraordinairement bas. D'où une souplesse étonnante. Pour faire la grande routière que nous voulions, c'est un moteur parfait: entretien simple, économie (7,7 litres en moyenne), souplesse, 5 000 mécanos en France qui le connaissent, 1 000 points de vente pour les pièces, plus des milliers en Europe. Le moteur est équipé de carbus double corps Weber, des 250 PCIT de 26/32 de diamètre. Nous avons un allumage électronique français en homologation. Nous n'avons rien changé à ce moteur jusqu'à l'embrayage qui est le mono-disque à sec Citroën. Après, nous avons dû tout faire car, après de nombreuses démarches, personne n'a pu nous faire de boîte et de pont. J'ai donc dessiné un carter d'embrayage, une boîte 5 à trois arbres, un pont. Nous soustraitons la fonderie dans la région, et la pignonnerie est taillée chez Rivoire à St-Etienne. Les pignons acier sont en 16 NC 6, et les arbres de boîte en 18 CD4. Les roulements sont des SKF ou des SNR.

Les rapports de la boîte sont: 5è à 100 %, 4è à 85, 3è à 60, 2è à 54 et 1ère à 38 %. Rapport de transmission primaire: 1,716 à 1, surmultiplicateur secondaire: 0,860. Nous proposons trois rapports de pont: 8,33 - 8,35 et 9,34. Pour l'instant, nous avons un ensemble moto propulseur complet: moteur, boîte, pont, qui tourne depuis plus de 100 000 kilomètres, avec un changement de vitesse par minute, au banc dans un IUT de la région. Autres détails: la boîte est porteuse et le bras oscillant est fixé dans le carter de boîte, l'arbre de transmission passant dans le tube gauche. Le cadre est un cadre en tubes 18 M5 et 25 CD 4S soudés Tig, sous argon et non brasés. La géométrie est assez particulière, mais les lecteurs verront mieux sur les photos ! Le réservoir d'essence est en plastique soufflé, comme en auto, et placé sous la selle afin d'abaisser encore le centre de gravité. Maquette de la partie cycle de la BFG.

Il fait 27 litres, ce qui donne à la moto plus de 400 km d'autonomie. Les pneus sont des M48 Michelin de 18", les jantes des FPS à 6 branches en alliage léger, les disques et étriers des Brembo de 280 mm, la fourche une Païoli de 165 mm de débattement, les amortisseurs arrière des De Carbon ou des Koni, au choix, de 105 mm de débattement. L'ensemble tableau de bord est un Veglia avec compteur-compte-tours, totalisateurs, témoins de pression et température d'huile, de charge, d'essence, point mort, codes, phares, clignotants. Les commandes sont des Denso. L'ensemble carénage-selle-réservoir a été dessiné, de même que le sigle BFG, par Roger Pitiot et Jean-Yves Ganne, de Design Conseil. La machine a 62° 30 d'angle de chasse, 115 mm de chasse, 1605 mm d'empattement. En tout, la BFG pèse 265 kg en ordre de marche. Enfin, encore un point favorable: l'alternateur débite 590 watts, ce qui nous permet de mettre un iode H4 qui crache 135 lux ! On va enfin voir clair à moto. Vous en savez maintenant plus sur la BFG. Mais sachez encore ceci, que m'a dit Favario: « Nous commercialiserons la moto en juin 1980, telle qu'elle est, avec des options supplémentaires, au prix de 27 000 francs. Parallélement, nous travaillons sur une petite version de la BFG, une 650 avec le moteur de la Visa Citroën. Nous tenons beaucoup à l'option Citroën qui garantit aux clients un prix très raisonnable des pièces détachées et un réseau après-vente très important ».
Alors, cette moto, elle roule ?
Veglia fournit le tableau de bord de la BFG, qui regroupe les principales fonctions nécessaires. Grâce à un débit de 590 W de l'alternateur, la BFG peut être équipée d'un phare qui « crache » 135 Lux ! C'est pas le tout mais, moi, je m'impatiente. Vous aussi sans doute ! A force de bavarder, il est presque midi. Grange, qui a une petite faim, m'emmène déjeuner. Moi, je n'ai rien dit, poli, mais j'aurais préféré rouler sur la moto ! On revient vers trois heures, tranquilles, le soleil est déjà moins fort et j'ai peur pour les photos. Finalement, ils me le passent, cet engin ! Boccardo me dit: « On te suit en voiture avec Thierry. Il y a une chouette route de montagne sur laquelle tu verras que la BFG n'est pas un camion ! Mais je te préviens: il y aura des différences entre cette moto, qui est notre mulet, et la version définitive qui sera au Salon. Ne changeront pas: le moteur, le cadre. Seront nouveau: le carénage, la boîte. Allez, on y va ! ». Moi, un peu inquiet quand même, je mets un casque. Merde, j'ai oublié le mien je n'aime pas changer. Je me colle une grosse moumoute sur le dos car il fait frais et en route, Glain-Glain. Inquiet ? Non, pas franchement. Mais prudent: une moto avec un moteur de GS Citroën, j'ai jamais conduit ça, moi ! Vous non plus ? Alors, vous comprenez. Coup de pouce sur le démarreur: le moteur part en montrant tout de suite le bout du nez de son couple de renversement. On en a fait des montagnes, de ce couple. Je m'attendais à un truc qui vous colle par terre à chaque coup de gaz, comme l'ont dit certains qui n'étaient jamais montés sur la moto.

Tu parles, Charles ; il y en a moins que sur une BMW. Ou, du moins, ce n'est pas pire. Donc, un point de réglé. Je chauffe doucement, me familiarise avec la position. La moto oscille gentiment à chaque coup de la poignée de gaz, mais au ralenti c'est au poil. Bon quand faut y aller... Embrayage, ni dur ni mou, première (boîte de Guzzi sur le mulet, donc on n'en parle pas) et c'est parti. J'attaque pas comme un fou: je suis pépère la R16 de Grange. Je vois Boccardo retourné sur le siège du passager qui remarque ma prudence en se fendant la pipe. Première impression: la direction lourde à l'arrêt devient très légère dès que ça roule. Ensuite, le couple: jamais vu ça !

Si la boîte qu'a pondu Boccardo est bonne, ce sera intéressant. On traverse Chambéry, je gigotte sur la moto, la balance de droite à gauche, essaie de m'y sentir comme chez moi. Je ne fais pas gaffe à ce qui se passe devant et ce cochon de Grange en profite pour tourner à droite en épingle. Vilebrequin et embrayage monodisque à sec sont d'origine Citroën. Le reste est signé BFG. Je lève le nez, panique, j'ai peur de la réaction de l'engin. Mais, surprise: la BFG tourne quasiment sur place. J'en reste sur sa selle et je dis que, tout compte fait, ce n'est peut-être pas une trapanelle, cette moto française. Les premiers lacets arrivent. Ils montent à sec. Ce n'est pas la route idéale pour un premier contact avec cet engin. Du moins c'est ce que je croyais. Grange passe son bras à la portière en me faisant signe de doubler et d'ouvrir.

Je laisse tomber le couple, coup de seconde, le double corps se met à causer et la BFG attaque la route. Curieux: ça pousse un GS. Pas violemment, à l'arrachée, mais ça décolle bien, net et propre. Les virages arrivent. Je n'ose pas balancer la BFG d'emblée, j'enroule, prudent. Pas confiance dans la garde au sol. Et puis vient un pif-paf. Je ne roule pas très vite, 100-110, je le vois arriver sans penser que je suis sur la BFG, je l'attaque normal et, surprise, j'en sors au poil et étonné: la BFG change d'appui avec une facilité déconcertante !

Elle n'a pas du tout de flou quand on repasse par la verticale, elle se recouche toute seule: on dirait une 750. Après tout, c'est normal: le centre de gravité est bas. Mais le cadre de Boccardo doit y être pour quelque chose: très rigide avec sa combinaison de chasse 62°30 - 115 mm, il ne travaille pratiquemment pas en torsion, reste bien en ligne. Le moteur ne bouge pas dans le cadre: et encore, ce mulet a près de 12 000 bornes, il a souffert. Je commence à me dire carrément que, décidément, cette BFG est un truc pas ordinaire. J'ouvre un peu plus. Le moteur ne rechigne pas. Sa souplesse et sa pêche vont bien à la moto. Je fais des essais sur l'angle en coupant et accélérant brusquement, histoire de voir si le couple de renversement fait quelque chose. A droite, négatif. A gauche, quand on coupe, la moto s'assied légèrement, ce qui est normal quand même. Mais, pour se casser la gueule avec ce couple, même sous la pluie, il va falloir attaquer dur. La chaîne cinématique complète de la BFG, telle que Boccardo l'a conçue.

Donc R.A.S. Je roule comme ça pas mal, en montant toujours. Mais le jour tombe. Pose café pour faire les photos, et nous rentrons. Curieux, Boccardo m'attaque: « alors ? ». Alors, que lui répondre ? C'est pas facile, quand on fait essayer une moto comme ça pour la première fois, de dire quelque chose.

Et puis, la BFG n'est pas dans son état définitif: le débattement de la fourche va changer, le réservoir d'essence n'était pas à sa place, et il y a l'inconnue boîte-carénage. Mais il y a au moins une chose de sûre: la BFG à moteur Citroën est tout sauf un piège. Moteur et partie-cycle vont bien, correspondent parfaitement à la définition grand tourisme de la moto. Si le reste est à l'avenant, la BFG sera une bonne moto, c'est sûr.

Pas folle, pas dingue, pas révolutionnaire, mais bien équilibrée, utilisable, fidèle. Après avoir vu la BFG et essayé le mulet, à mon avis, il ne reste à BFG pour avoir gagné son pari qu'à parvenir à garantir la qualité de production, notamment au niveau des fournisseurs, et à réussir la commercialisation.

Si le carénage s'avère efficace, la boîte bonne, et que ces conditions sont remplies, la BFG a ses chances comme toute autre grande routière. Si elle ne connaît pas le succès, ce sera peut-être parce que les Français sont c.... Pourquoi aller chercher ailleurs ce qu'on a sous la main ?
L'avenir ?
L'avenir de BFG n'est donc pas assuré d'avance. Il reste du boulot sur la planche. Mais l'équipe a mis quelques atouts dans sa manche. Samedi dernier, nous avions rendez-vous au Salon, avant l'ouverture. Thierry Grange voulait me laisser monter sur la version définitive, la BFG qui est Porte de Versailles jusqu'à la fin du Salon. Après avoir sorti la moto du camion, j'ai fait... 200 mètres dessus, avant qu'elle ne gagne son stand ! Mais ce n'est que partie remise: un essai complet viendra bientôt.
Informations tirées de Moto Revue N° 2449 du 14 février 1980.
Par E. Glain. Photos Ph. Michel
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