La sortie, c'est par là ! Le Boxer qui fait peur au Japonais
BMW réinvente un moteur vieux de 70 ans
Même la mécanique se laisse regarder. Le bras oscillant est impressionnant et le moteur évoque un avion stylisé. Une bien belle moto. La première BMW qui donnera des envies de vol... Normalement, une moto BMW digne de ce nom ne plaît pas. Du moins pas lors de son lancement, pas tout de suite. C'est dans le cahier des charges: la machine doit dégager une impression de sérieux, de solidité et surtout, être suffisamment originale, c'est-à-dire choquante, pour échapper au tourbillon de la mode, et durer. La R 1100 RS fait exception à la règle. Celle-ci plaît immédiatement: la ligne est agressive et le dessin raffiné, jusque dans le détail. Les inconditionnels de la marque pourront être heurtés par cette beauté trop facile, voire être rebutés par l'invasion d'un plastique qui empiète même sur le cache-réservoir: le constructeur n'en a cure. "Elle risque d'être la première BMW à se faire fréquemment voler", prédit, tout sourire, un responsable de la filiale Française. Et puis, au rayon anticonformisme, la nouvelle "Béhème" n'a pas besoin d'artifices de style. En plus de son architecture moteur, si typée que les Japonais ont renoncé à la copier, cette machine se distingue par un train avant inédit, ingénieuse synthèse de fourche classique et de bras oscillant, et par une ergonomie modulable. Deux grandes premières. Sans même parler d'une nouvelle génération d'ABS, du dispositif Motronic (gestion combinée de l'allumage et de l'injection) ni de l'option pot catalytique: trois équipements que seule l'audacieuse Yamaha GTS (voir Auto-Moto n° 123) partage avec l'Allemande.
Les innovations de la Béhème vont faire tousser les Japonais
Cherchez le cadre. C'est l'ensemble moteur-boîte de vitesses, parfaitement rigide, qui en constitue l'essentiel. A noter la simplicité du nouveau train avant, synthèse de fourche classique et de bras osciflant. Assez parler, en selle. Oui, mais à quelle hauteur, la selle ? Eh oui, grâce à un génial et simplissime système de crans, la partie pilote se règle en hauteur sur 4 centimètres en fonction des styles de conduite, sport ou relax. En outre, selon la position choisie, les pilotes les plus petits ont les deux pieds à plat au sol et les plus grands les jambes pas trop repliées. Bien, il est temps de prendre le guidon. Minute, est-il bien ajusté ? Même astuce et même simplicité dans ce mécanisme, qui permet d'éloigner, de rapprocher et de cintrer plus ou moins les demi-guidons suivant la morphologie du pilote. Contact, enfin. Détail émouvant, comme l'ancien flat-twin, le nouveau Boxer démarre en s'ébrouant comme un chien mouillé et jette par terre casques et gants posés sur la selle. Pendant que le moteur chauffe, on découvre la molette de réglage de la bulle de carénage qui peut être plus ou moins inclinée en fonction de la protection aérodynamique voulue. C'est la touche finale du " kit ergonomique ", trois innovations qui vont faire tousser dans les bureaux d'études des constructeurs Japonais... Si le bruit d'échappement est des plus pacifiques, le bucolisme n'est pas de la partie.
Le feulement sourd d'une 2 CV dopée à l'essence d'aviation
Record de vitesse en 1929 pour le flat-twin de BMW: 216 km/h. Acceptant de démarrer sur le ralenti, souple et vif dès les bas régimes, ce moteur offre, au-delà de 3500 tr/mn, des reprises dignes d'un gros quatre cylindres Nippon, le tout dans le feulement sourd d'une 2 CV dopée à l'essence d'aviation. Pourtant, en gagnant du couple et des chevaux, la mécanique a perdu un peu de son caractère, Le côté "moteur à explosion" s'est atténué tout comme le fameux couple de renversement qui penchait la machine, et son pilote, au moindre coup de gaz. En revanche, la boîte de vitesses dure et lente et l'embrayage ferme et plutôt brutal sont, hélas, au rendez-vous. Détail qui a son importance: BMW n'a pas voulu pousser son bicylindre à la limite légale des 100 chevaux, ce qui était techniquement possible. En se contentant de 90 chevaux, disponibles cependant dès 7200 tr/mn, les motoristes ont privilégié la facilité d'utilisation et l'agrément, par rapport à la performance pure. Inutile de chercher les hauts régimes ni les vitesses élevées pour avoir sa dose de sensations fortes. Un choix commercialement osé pour une machine à vocation sportive. Mais un bon point pour la sécurité. A ce chapitre, le freinage comme l'ABS, celui-ci étant plus discret et efficace que l'ancien, sont enfin au niveau des meilleures Japonaises. Surtout, le nouveau train avant, baptisé Télélever, marque un progrès important. Le principe est simple: il fallait y penser. Les fourreaux de fourche sont reliés, via un pontet, à un bras articulé sur le moteur. Ce bras actionne un amortisseur unique fixé sur le haut du cadre. En autorisant un débattement vertical de la roue, une meilleure rigidité des fourreaux de fourche (désormais plus longs et dépourvus de ressorts) et une plus grande sensibilité de l'amortissement, cette solution améliore réellement le comportement.
A ce tarif, on peut s'offir les plus belles Japonaises
Archétype de la monture de gendarme, le R 51/3, née en 1951, fut très diffusée. C'était l'âge d'or de la moto. Les pires revêtements sont avalés sans la moindre réaction parasite au guidon: la moto ne plonge quasiment plus au coup de frein et reste parfaitement stable au freinage en courbe. Quant à la maniabilité, elle reste très correcte vu le poids coquet de la machine. Le confort et la maniabilité sont préservés. En fait, hormis la boîte de vitesses désagréable et le plastique envahissant, il faut se creuser la tête pour trouver de gros défauts.

Il faut surtout oublier le prix, 73000 F sans l'ABS, 80500 F avec et 87000 F en ajoutant quelques options. A ce tarif, on peut largement s'offrir la quasi totalité de la production Japonaise, des plus grosses GT aux sportives les plus extrêmes. Et avoir encore de quoi payer sans problème l'assurance. C'est aussi ce qui fait sourire les patrons de BMW...
Pourquoi BMW n'a pu se résoudre à tuer son moteur fétiche
Un même principe, quatre grandes évolutions. En 70 ans, la puissance est passée de 8,5 à 90 chevaux, la vitesse de pointe de 90 à 215 km/h. Le bicylindre à plat devait disparaître, le nouveau Boxer n'aurait jamais dû voir le jour. C'était sans compter sur la fidélité des motards farouches partisans du " flat ". Le lancement d'une toute nouvelle moto chez BMW est un événement. Ne serait-ce que parce qu'il ne se produit au mieux qu'une fois par décennie. Les Japonais eux lancent deux à trois nouveautés par an. Mais si la Bayerische Motoren Werke (BMW) tire rarement, elle a la réputation de ne jamais louper sa cible. C'est en 1983 que la dernière nouveauté totalement inédite était apparue: la K100, qui avait fait sensation avec son quatre cylindres de 1000 cm3 à injection électronique, placé à plat et longitudinalement sous le cadre. Du jamais vu sur deux roues.

Cette mécanique digne d'une berline surprenait d'autant plus qu'elle rompait radicalement avec le fameux flat-twin, le bicylindre à plat refroidi par air qui, depuis 1923, était à la marque ce que la suspension hydropneumatique ou l'étoile à trois branches sont à Citroën ou à Mercedes: à la fois une exclusivité technique et un emblême. Ainsi, en 1983, le moderne quatre-cylindres devait sonner le glas du soixantenaire bicylindre, blanchi sous les harnais de la Wermacht puis des gendarmeries et polices des cinq continents (qui absorbent 15 % de la production) et assoupli par des générations de motocyclistes. Exit donc le flat-twin. Galonnés ou pas, les motards ne l'entendirent pas de cette oreille. Le nouveau moteur était certes plus puissant, plus souple, plus sobre, plus infatigable encore, mais il ressemblait à une machine à vider les pruneaux, supportait mal d'être révisé sur la table de la cuisine et ses 90 chevaux étaient aussi vifs et enjoués qu'un troupeau de percherons.
La personnalité du moteur se confond avec celle de la machine
Présentée au salon de Paris 1923, la R 32 est le premier véhicule produit par un certain fabricant de moteurs d'avions: BMW. Les premières voitures n'apparaîtront qu'en 1928. Partisans de la légèreté, de la simplicité et des mécaniques de caractère, nombre de motards ne voulurent pas échanger leurs deux barils de " flat " contre les " quatre " de la série K. C'est qu'en matière de motocyclette, et contrairement aux automobiles pour lesquelles le moelleux des suspensions ou l'élégance de la planche de bord relèguent sous le capot ce qui y est si bien caché, la personnalité d'un moteur de moto se confond avec celle de la machine. Qu'une "bécane" soit un " lavement " (moto ennuyeuse comme la pluie) ou un " avion " (machine à laquelle il ne manque que des ailes), c'est avant tout à son moteur, pièce essentielle et bien en vue, qu'elle le doit. En l'occurrence, et malgré ses grandes qualités, la K 1OO appartenait plutôt à la première catégorie.

Les pragmatiques "Herr Doktor" de Munich durent se rendre à l'évidence: "Le flat-twin n'est pas mort, il se vend encore", et remirent en service le bon vieux " flat ". Aussi, sur les chaînes de montage Berlinoises, les anciennes, rebaptisées Série R, cohabitèrent avec les modernes et fades Séries K. Ces dernières eurent beau se décliner en trois cylindres (K75), se doper aux seize soupapes (K 1, RS 1) ou se gonfler à 1100 cm3 (K1 100), elles se vendaient bien mais ne pouvaient empêcher l'increvable duègne, toujours flanquée de ses grosses culasses opposées, de rafler la moitié des commandes. La mamy dépassa même les bornes l'an passé quand, déguisée en sauvage roadster (la R 100 R, voir Auto-Moto n° 114), elle fit les gros titres de la presse spécialisée et le bonheur des concessionnaires. Et de la branche moto de BMW qui doit à ce double succès (la Série K se vend bien et cher) le retour à l'équilibre financier.
Déguiser en sauvage roadster, le flat-twin fait un malheur
Lancée en 1975, la sportive R 90 S n'avait pas grand chose à envier aux Japonaises, avec ses 67 chevaux. Toutes les bonnes choses ont une fin. En leur grande sagesse, les dirigeants de BMW acceptèrent que le moteur inventé par Max Friz n'était pas éternel et que si les motards, ces ingrats, aimaient le flat-twin, eh bien, on allait leur en donner un tout neuf. Au menu, injection, arbres à cames en tête et refroidissement mixte air/huile.

Résultat: le nouveau Boxer (il ne faut plus dire "flat-twin", ça fait vieux et ça veut dire "à plat", alors que Boxer, c'est tout de même plus dynamique) est devenu un monstre de modernité. Mais que les amoureux de carburateurs Bing et de distribution latérale se rassurent: l'ancien flat-twin continuera à être fabriqué un certain temps, ce qui en Bavarois signifie un temps certain. Le leitmotiv, chez BMW, c'est: "On a toujours tort d'avoir raison trop tôt".
Fiche technique
Moteur
bicylindre à plat, refroidi par air et huile
Arbre à cames en tête décalé
4 soupapes par cylindre et injection Motronic
90 ch à 7250 tr/mn
9,4 mkg à 5500 tr/mn

Transmission par cardan

Suspension
AV: télélever et mono-amortisseur, débattement 120 mm
AR: paralever et mono-amortisseur, débattement 135 mm

Freins
AV: double disque flottant, 305 mm et étrier 4 pistons
AR: simple disque 285 mm. Version ABS

Poids à sec
239 kg
Vitesse maxi (sur circuit)
215 km/h
Informations tirées de Auto Moto. Par Jean Savary
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