La sortie, c'est par là ! Le carénage
"Rouler avec un carénage - C'est la manière moderne"
Assis ou à demi-couché, votre choix de positions de conduite s'arrete à deux. Le reste ne sont que des variantes sur ces thèmes. Le confort ou le style semblent être les seuls choix ? mais celui que vous utiliserez sera peut-être déterminé par un autre facteur, car aucune solution ne satisfait vraiment le pilote. La mode peut aussi être incriminée sous cette considération. Il n'y a pas longtemps, les jeunes fanas des autoroutes conduisaient comme des grenouilles, à plat ventre, les pieds perchés à l'arrière de la moto et les bras en avant, les poignet vrillés à angles droits, le corps avachi sans grace vers l'axe de roue avant. Plus tard ils l'ont nommé "style café racer". Il avait l'avantage d'être à la mode mais il manquait toujours autant de méthode: car la meilleure alternative n'avait pas encore fait son apparition. Il est un fait évident et irritant: au fur et à mesure que croit la vitesse d'une moto, le confort du pilote diminue. Et c'est vrai pour la plus douce, la plus maniable des motos du monde comme pour les "tape-culs" perdant l'huile d'autrefois. Cela n'a rien à voir avec la complexité technique: on appele ça la résistance du vent et c'est vraiment un poids. Cela peut être pire et ça l'est: parce que parfois il fait froid et que parfois il pleut.

Alors le flot d'air vous glace et l'eau vous transperce et lorsque la vitesse augmente, l'inconfort augmente encore plus vite et la conduite d'une moto tend au masochisme. Seuls les fous apprécient ce type de motocyclisme. Ce qui nous pousse nous à continuer, c'est l'espoir (on ne souffre pas tout le temps et l'on sait que le refuge est au bout de la route). C'est là que le style café-racer trouve un minimum de sens, en serrant le réservoir des coudes et des genoux plus fort qu'une boite ses sardines, on laisse un relief minimum qui vaut l'effort imposé. On est à l'abri du vent presque à l'abri du froid un peu à l'abri de l'eau pas tout à fait. Ce n'est pas bon de toutes façons. Pas bon d'être attaqué par le vent et pas bon d'être coincé sur sa moto comme le poulet sur sa broche. Mais il y avait encore autre chose qui n'allait pas. Une chose nommée carénage. Il n'y a rien de neuf en matière de carénages. Ils sont là depuis des années, bien avant l'arrivée des café-racers. Mais ils n'ont jamais été très efficaces. Autrefois, personne avec 150 d'octane dans le sang ne voulait d'un carénage.

Il tenait chaud, au sec, mais il vibrait, il genait et surtout il avait l'air mastoc, encombrant. Il avait l'air pas sportif du tout, et il l'était. Ce que l'on veut dire par "pas sportif du tout", ce n'est pas péjoratif. En fait on achetait une moto parce que l'on aimait la moto. On pouvait vouloir aller vite ou non. Mais si on voulait s'ennuyer on n'avait qu'à prendre le bus. Les carénages des années soixante et même soixante-dix étaient des horreurs. Ils dénaturaient le sport et par dessus tout n'étaient guère efficaces. En plus des vibrations, de la gêne et des problèmes de montage, ils donnaient seulement une protection partielle. Des vents latéraux, des petits tourbillons vicieux amenaient les piques cruelles d'un vent glacé sur le dos et dans les reins. Rien à faire en changeant de position. C'était drôle jusqu'à ce que ça fasse mal. Personne n'avait entendu parler d'aérodynamique. Un tunnel de soufflerie n'était qu'une attraction de fête foraine. Les carénages ont beaucoup évolué.

Dans les dernières années ils ont su séduire, parfois même à outrance, les amateurs de moto pour leur style et même leur agrément. Les carénages ont pris un air sport, c'est sûr. Demi-carénages, têtes de fourches, carénages de course, carénage intégraux et certains d'entre eux fonctionnent. Particulièrement en se couchant derrière la bulle, comme au bon vieux temps. Mais il faut un moment pour se faire à l'idée que l'on peut être confortablement assis sur une moto derrière un carénage conçu pour cela. Est-ce que j'exagère ? Peut-être un peu. Mais le résultat obtenu par Yamaha mérite un peu d'entousiasme. Une grosse moto rapide a été montée d'origirie avec un carénage qui fournit une protection totale tout en ménageant la passion et sans altérer les performances. La XS llOO a été conçue pour être à la pointe de la moto et le carénage de John Mockett conçu pour s'adapter à cette limite, afin de poursuivre l'expérience. Celui qui se figure à première vue que ce carénage va oter de l'intérèt à la XS llOO se trompe lourdement. Ce qui enlève du plaisir à la conduite d'une moto, ce qui pourrait rabaisser la XS llOO au rang d'une vulgaire moto, c'est la résistance du vent, la pluie, le froid et une petite douleur au bas du dos. Essayez tout cela au moins une fois, à 210 kilomètres/heure.

Je n'ai jamais trouvé de similitudes entre une moto et un avion, jusqu'à ce que je conduise la XS intégralement carénée. Le carénage augmente le bruit de moteur, dit-on. C'est vrai pour la XS. Sauf que ce bruit de moteur n'est rien de plus qu'un murmure de la transmission, l'échappement laisse échapper sa note quelque part en arrière. Mais ce murmure est celui d'un jet prêt à décoller. Et voler est la bonne image. La nuit, les gros cadrans carrés se reflètent dans la bulle, le vent passe au dessus, le murmure devient sifflement. Quand le traffic s'éclaircit et que votre tour de controle dit "go" vous libérez la puissance. Elle arrive doucement. Ce n'est pas un avion. Mais c'est le véhicule qui accélère le plus sur la route, et il fait croire que c'est un avion. La concentration et l'expérience requises rappellent sans arrêt qu'il s'agit d'une moto puissante, une qui demande beaucoup de qualités au sens de responsabilité du pilote. Pas seulement pour ralentir. Arriver en fin d'autoroute ressemble étrangement à préparer son atterrissage. Le murmure de la transmission se modifie, vous controlez les instruments avec soin. Etre assis derrière ce carénage a modifié votre perception de la vitesse. Vous ne tenez pas compte du vent, il ne vous touche pas. La moto elle même est si stable que sans le défilement du paysage vous vous croiriez n'importe où mais pas à cent soixante kilomètres à l'heure.

Vous apprenez à traiter avec respect la XS 1100 pour être sur de savoir à quelle vitesse elle va et surtout si des virages inattendus surviennent. Vous penchez la XS dans les courbes, vous ne la balancez pas, et vous vérifiez une fois de plus vos instruments. Pas de résistance du vent. Pas de retour du mauvais temps. Cet avion demande beaucoup d'attention. N'allez pas croire cependant que tout ce confort isole le pilote des joies et de l'esprit de la moto. Au contraire, cela lui permet de les gouter à plein. Pas d'erreur, vous êtes sur une moto. Même la poussée du vent vous le rappelle, mais elle est au dessus de vous, pas sur vous. C'est facile à imaginer: comme une voiture de sport au toit enlevé (avec moins de remous) ou un salon aux vitres ouvertes. Le carénage apporte la liberté. La liberté d'apprécier la moto, et aussi, par extension, la délivrance de certaines engeances du motocyclisme. L'habillement par exemple. Vous avez toujours besoin d'un équipement mais il peut être plus léger quel que soit le temps.

En fait la délivrance la plus efficace peut-être est celle de la position couchée, grace à ce carénage. Assis confortablement, vous êtes prêt à fixer votre attention sur ce qui vous interresse, avec la moto la plus rapide qui soit. Mais vous penserez à la moto, bien sur, car les pilotes de XS 1100 sont sensibles, ils ont à vivre avec une machine si puissante en dépit de ses bonnes manières, et vous ressentirez une impression fantastique: personne, en position couchée ou non, ne peut vous distancer. On se sent un peu le "Roi de la Route". La XS 11OO commande avec style. Bien sur, on se croit un peu sur un avion. Mais en surveillant le monde de ce monstre serein, de cette puissante base olympienne, on se croit un peu sur un trône volant.
Informations tirées de Yamaha Circuit. Texte: Barry Coleman
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