La sortie, c'est par là ! L'oeuvre inconue de Friedrich Gockerell
Le gros problème de ce moteur est l'étanchéité, en particulier à l'admission. On peut sortir les cylindres entre 2 rayons. Le premier moteur de Megola, une version deux-temps. Le même moteur monté dans la roue. En fait, l'idée de la position du moteur, dans la roue, n'était en soi pas absolument neuve. Dès le début du siècle, il y avait eu de telles constructions en France et en Angleterre ; il est vrai qu'elles avaient vite été abandonnées, dans la mesure où la transmission posait certains problèmes... Ce qui distingue la réalisation de Gockerell, c'est que le moteur était un moteur en étoile, tel ceux des avions, qui de plus tournait dans la roue. Ce moteur, qui a existé également sous la forme d'un deux temps six cylindres, et qui s'appuyait sur un brevet déposé par Gockerell dès 1914, apparut d'abord comme trois cylindres, avec une cylindrée de 295 cm3 (50 x 50), et fut monté dans la roue arrière. Dans la Frankfurter Zeitung du 3 décembre 1918, parut une annonce vantant la machine en ces termes: "La moto Mego est un excellent article de paix. Meixner et Gockerell. Munich". Bientôt le moteur, un quatre temps, reçut deux cylindres supplémentaires et passa dans la roue avant. Le nom de la machine, pour sa part, s'allongea d'une syllabe, puisqu'au financier Meixner et à l'ingénieur Gockerell s'était adjoint un homme d'affaires, Otto Landgraf. La machine prit donc le nom de Megola, composé de la syllabe initiale du patronyme des trois associés. C'était une curieuse machine, qui, pour ne pas être orthodoxe, n'en était pas moins extrêmement rapide et fiable. La mise en route déjà comportait un cérémonial. Après avoir mis la moto sur la béquille de la roue avant, on introduisait délicatement le bout du pied entre les rayons, et une rigoureuse impulsion faisait partir le moteur. Gare à celui qui ne retirait pas son pied assez vite ! Le sportif, lui, démarrait à la poussette. La moto n'avait évidemment pas d'embrayage ni de boîte de vitesses, et sur les machines de course (pendant des années les Megola se sont permis de distancer régulièrement tout le monde), on changeait la roue avec le moteur pour changer la démultiplication.

Cockerell 3 PS à refroidissement liquide et boîte 3 vitesses. Mais l'activité de Gockerell ne se limita pas à la production de la Megola. A une époque de motorisation générale, il produisit lui aussi diverses machines qui avaient pour argument principal leur caractère économique. Ainsi, pour le concours de consommation organisé à Milan en 1923, Gockerell mit sur pied une équipe de trois machines ; une 170 cm3, qu'il pilotait personnellement, une 145 cm3 et une 110 cm3. Dire que les Cockerell remportèrent les trois premières places ne suffit pas. En effet, dans la catégorie 250 cm3, il n'y eut que cinq machines pour prendre le départ. Plus intéressantes sont les valeurs relevées: on constate alors qu'avec 1/2 litre d'essence, Gockerell parcourut 25,861 km en 31' 4" 4/5, soit une vitesse moyenne de 49,925 km/h et une consommation de 3,866 l/100 km. Le commentaire du journal Motociclismo du 17 mars 1923 est clair: "semplici, resistenti, eleganti, molto economiche sotto tutti gli aspetti". Gockerell a affirmé qu'il avait obtenu ces performances grâce à l'utilisation d'un turbocompresseur. Les photos que nous possédons des machines ne permettent pas de vérifier.

La 1 PS 110 cm3. Cette machine a existé également avec un refroidissement liquide. Toutefois cette éventualité est très possible, car Gockerell s'est longuement occupé des problèmes de remplissage et de compresseur ; de plus, entre les valeurs obtenues par ses machines et celles obtenues par le 4ème, un certain Trevisan sur E.M.A., la différence est assez importante. D'ailleurs, dans les papiers laissés par Gockerell, on peut trouver une feuille sur laquelle sont portés tous les calculs concernant les moteurs de 110, 146 et 170 cm3 pour une utilisation avec une turbine, ainsi que les résultats d"un essai au banc en décembre 1922 . Une photo que nous avons trouvée, représentant le moteur avec sa turbine, est malheureusement trop mauvaise pour être reproduite. Gockerell, malgré des déboires financiers importants, dus au fait qu'il s'occupait assez peu des aspects administratifs et commerciaux continua toujours contre vents et marées à produire des Cockerell (si son nom s'écrit avec un "G", les machines ont toujours pris un "C"). Seulement, ses machines ou ses moteurs restèrent souvent à l'état de prototypes, ou furent exploités par d'autres. Intéressé par le problème des petits moteurs auxiliaires, Gockerell avait développé en 1932 un groupe propulseur de 1 ch, qui pesait 5 kg, et qui se fixait à la colonne de direction de n'importe quelle bicyclette, au-dessus de la roue avant.

La Megola, ici dans sa version tourisme. Le réservoir de gauche contient l'huile. Ce moteur connut plusieurs formes, mais aucune qui lui apportât le succès. En 1937/38, le Deutsche Arbeitsfront l'écarta. En 1938, la correspondance échangée avec Fichtel & Sachs ne mena à rien. Le moteur à deux pistons eut un destin plus heureux. C'était un essai pour améliorer le rendement du deux temps en augmentant la quantité d'air introduite dans le cylindre, afin de permettre une combustion plus complète. Certes, les essais dans ce domaine avaient déjà été nombreux avant Gockerell, mais celui-ci avait plus à offrir que les autres, et l'Auto Union lui racheta ses droits. Cela permit à l'inventeur de se maintenir tant mal que bien, mais jamais il ne put réaliser la grande affaire qui lui aurait permis de se consacrer ensuite uniquement à la recherche.

Etude d'un moteur adaptable. Après la Seconde Guerre Mondiale, lorsqu'il fallut à nouveau donner aux gens un moyen de locomotion souple, donc un deux roues, on construisit à nouveau des petits moteurs Cockerell, mais qui n'apportèrent pas non plus la fortune à l'inventeur. Car le destin de Gockerell est en effet un destin malheureux. Il a sans cesse inventé, réalisé, développé ; il a exploré tous les domaines des constructions mécaniques, mais jamais il n'a pu profiter de ses recherches. Il était l'illustration même du cliché de l'inventeur, qui allie parfois aux recherches les plus sérieuses des aspects extrêmement fantaisistes (n'a-t-il pas proposé au Grand Quartier Général, en 1942, un chasseur alpin qui, au lieu d'un sac à dos, porterait un petit moteur avec une hélice !) Pourtant, malgré tous ces déboires commerciaux, Gockerell n'a jamais perdu courage. Durant les dernières années de sa vie, il ne possédait plus de bureau d'études, mais il a néanmoins continué à travailler, chez lui, jusqu'au bout: la voiture à turbine, les turbines à vapeur, les marteaux-piqueurs, les compresseurs de tout genre ont constitué l'objet de ses recherches. Friedrich Gockerell est mort en 1965. L'homme, pour nombre d'entre nous, est déjà oublié. L'oeuvre, elle, demeure.
Informations tirées de Moto Revue. Par M. Muylaert.
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