La sortie, c'est par là ! Moto Guzzi 3 x 3
Dans VéMil N° 2 page 11 ont paru des photos d'un engin étrange, non identifié.
L'engin n'est pas aussi inconnu que l'appel à l'identification a pu le laisser croire...
Vue fantôme de la Mule Mécanique. Vue de profil du véhicule. Le galet de route a été abaissé pour placer la chenille autour de la roue arrière. Le véhicule vu du dessus et en bas à gauche la vue de face. En bas à droite la vue arrière. En pointillés: les roues arrières en position large (avec extenseur d'arbres) pour la circulation en fort dévers. Le remplacement de la mule par un véhicule à moteur pour le portage en montagne n'est pas un souci récent. En Italie, on y travaille depuis les années 30 mais sans aboutir à des résultats pleinement satisfaisants. Pendant la 2ème Guerre mondiale, le Servizio Tecnico della Motorizzazione Militare a l'occasion de tester la moto-chenille Allemande NSU Kettenkraftrad: l'engin grimpe bien mais se renverse facilement du fait de son étroitesse (1 m). Les Allemands l'utilisent notamment pour tracter l'obusier de montagne Gebirgsgeschütz 36 de 7,5 cm et, en 1941, le prototype du Gebirgshaubitze 40 de 10,5 cm. Après la guerre, le Service Technique reconsidère le projet. Mais les techniciens Italiens s'orientent vers un véhicule de transport tricycle 3x3 (trois roues motrices), à voie arrière variable et dont le train arrière pourrait recevoir des chenilles pour améliorer son adhérence en terrain difficile ; l'engin devrait pouvoir transporter un mortier en montagne. Il est réalisé par une équipe de Moto Guzzi (Mandello sul Lario, CO): d'abord par Mr Picucci, ensuite par Mr Soldavini, ingénieur, et enfin par Giulio Cesare Carcano qui adapte pour lui une version de son puissant et souple moteur bicylindre en V. Le résultat est une "mule mécanique", un engin fort intéressant bien que très complexe. En 1955, le Lieutenant-Général Ferruccio Garbari qui, avec son confrère le Général Balanzino, est l'auteur du concept de ce véhicule, peut faire commencer les essais de ce "Mototriciclo".

L'armée passe commande d'une première série de vingt exemplaires, avec la contribution financière des Etats-Unis qui en prélèvent deux pour essais propres. Livrés en 1957-58, on les affecte aux essais de transport d'armes, de munitions et de matériels en montagne. Au cours de ces épreuves qui se déroulent dans quatre brigades d'Alpini, la mule mécanique est présentée à des techniciens de l'OTAN, le 9 juillet 1958 près de Dobbiaco (Alto-Comelico), BZ. Le rapport établit que l'engin, en plus de se comporter avec sécurité et rapidité sur route et en tous-terrains, peut également s'accommoder de la physionomie du milieu alpin caractérisé par des sentiers étroits, escarpés, parsemés de virages serrés. Un atout important du véhicule réside dans son train arrière à voie variable à trois positions: 80, 83 et 130 cm ; la largeur est déterminée en fonction des impératifs du terrain ; un autre atout est la possibilité de cheniller rapidement les deux roues arrières, ce qui permet d'escalader des pentes de 50 et parfois même 70%. Avec son moteur de 760 cc qui développe 20 cv à 4200 tr/min et sa transmission complexe (un différentiel arrière et un central, avec blocage), la mule mécanique peut rouler de 2 à 50 km/h. Malgré cela, le véhicule - qui est difficile à conduire, connaît des problèmes de manoeuvrabilité et d'encombrement - n'est pas adopté sur une grande échelle: Guzzi de Mandello del Lario (CO) en construit environ 200 entre 1960 et 1963, exclusivement pour l'armée Italienne. Le 24 juin 1963, l'Etat Major décide d'affecter une section de véhicules de montagne à chaque brigade alpine.

La mule mécanique en service dans l'armée Italienne, avec et sans chenilles. A gauche, transport de l'une des trois charges constituant un obusier 105/14 Mle 56 ; à droite, transport de mortier de 81 mm M29 par le Bataillon Alpin Aquila en 1964. En 1967, l'un de ces 3x3 (le nombre de roues motrices ayant ainsi donné son nom à l'engin lui-même) est essayé sur la neige par la police dans sa Scuola Alpina di Moena (TN). En opération, un 3x3 peut transporter un mortier Brandt de 81 mm prêt au tir ou, démonté, un mortier de 120 mm AM 50, voire l'un des trois ensembles formant l'obusier de 105/14 Mle 56 ; pour cet obusier, il faut cinq 3x3: trois pour la pièce et deux pour les munitions. Mais l'expérience fait préférer le transport à dos de mule (aujourd'hui encore !) ou un autre véhicule tracteur, par exemple la Jeep AR 59, même si le poids à vide du 3x3 est inférieur à la moitié de celui de l'AR 59, la charge utile légèrement inférieure à celle de la Jeep et le rayon de braquage égal au tiers de celui de l'AR 59. Le fait est que, malgré les excellentes performances en tous terrains, le 3x3 est mal suspendu, se renverse facilement (comme le Kettenkrad) et coûte fort cher. Néanmoins, chacune des cinq brigades alpines disposera, de 1963 à 1975, de trente de ces 3x3 qui font aujourd'hui la joie de certains collectionneurs ou passionnés de mécanique...
Caractéristiques générales
Dénomination: Veicolo da Montagna 3x3 (1960/1963)
(Servizio Tecnico Motorizzazione Esercito - Moto Guzzi)

Type moteur: 2 cylindres en V (à 90°)
Cylindrée: 754 cc, 8O x 75
Puissance: 20 cv à 4000 tr/min
Refroidissement: par air
Transmission: embrayage mono-disque à sec, boîte à 6 rapports (+ 1 arrière) normal ; 1,2 3 AV et AR réduits
Freins: hydrauliques et mécaniques
Suspensions: fourche télescopique monojambe pour la roue avant et à bras flottants longitudinaux pour les roues arrières
Pneus: 6,OO x 15 avec chambre spéciale ; gonflage: av 1,75 atm ; ar 2,50
Chenilles: en tôle profilée
Longueur: 3,00 m hors-tout
Largeurs: 1,10 m ; 1,42 m hors-tout
Hauteur: 1,42 m hors-tout (1,33 m pour le prototype)
Garde au sol: 25 cm
Empattement: 2,03/2,05 m
Vitesse maximale: 50 km/h
Rayon de braquage: 2,20 m
Pente maximale: 60% sans chenilles, 70% avec chenilles
Consommation: 6,6 km par litre (15 l/100 km)
Réservoir: 53 l
Autonomie: environ 350 km (tous-terrains: environ 9 h)
Poids à vide: 1000 kg
Charge utile: 500 kg plus le conducteur, équipement pour le transport du mortier 107 mm M30 et de l'obusier 105/14 M56
Informations tirées de VéMil N° 8 d'avril 1991. Par Nicola Pignato.
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