La sortie, c'est par là ! Le pari Honda
Le pari Honda
Décembre 77:
Honda annonce son retour à la compétition

Décembre 78:
pas de nouvelle !

Décembre 79:
ça n'a pas très bien marché mais Honda travaille...

Quant à la Honda 500, c'est une machine à la fois révolutionnaire et classique qui peut surprendre par son aspect massif. Ses deux sorties, en Angleterre et au Mans, se sont soldées par des échecs complets mais Honda a une capacité de travail prodigieuse et comme en plus l'honneur de la marque est attaqué ! Honda, premier constructeur mondial de motos ; Honda, le géant ; Honda revient ! En décembre 1977, le président de Honda annonce que le service compétition de l'usine met en chantier une 500 cm3. Le programme s'établit: le moteur sera un quatre temps pour continuer la politique de la firme, il y aura trois motos et trois pilotes. Quelques courses d'essai en 78 et le rouleau compresseur sera prêt début 79.

Mick Grant au guidon de la Honda 500 ! En fait, ce n'est qu'en août 79, au Grand Prix d'Angleterre que Honda dévoile ses batteries. Entre temps, les bruits les plus divers ont traversé les salles de rédaction de tous les journaux du monde. Une seule chose était sûre: le moteur serait un quatre cylindres quatre temps pour répondre à la définition du règlement de la Fédération Internationale et aux impératifs commerciaux.

Peu à peu, les informations se font plus précises ; la partie-cycle sera révolutionnaire, le moteur aussi ! Mais les délais annoncés ne sont pas respectés et tout le monde commence à douter ! Sera-t-il possible à Honda de tenir son pari ? Les derniers quatre temps compétitifs que nous ayons vu en course, c'étaient bien sûr les fantastiques MV Agusta, mais depuis six ans les spectateurs de Grand Prix ne connaissent plus que le miaulement des deux temps.

Quant à la Honda 500, c'est une machine à la fois révolutionnaire et classique qui peut surprendre par son aspect massif. Ses deux sorties, en Angleterre et au Mans, se sont soldées par des échecs complets mais Honda a une capacité de travail prodigieuse et comme en plus l'honneur de la marque est attaqué ! Honda revient ! Est-il raisonnable en 1980 de tout mettre sur un type de moteur que beaucoup pensent dépassé ? Il est certain que Honda a des moyens extraordinaires ; il est certain également que Honda ne peut se permettre de terminer au fin fond du classement des championnats du monde !

Alors ? Chacun attendait avec impatience l'apparition de la 500 Honda. Elle nous a fait attendre, confirmant ainsi les gigantesques difficultés de la tâche. Les problèmes techniques rencontrés par le service course Honda doivent être de taille, aussi, les premiers bruits vraiment crédibles qui nous parviennent parlent de pistons ovales, de bielles en plastique, d'un régime de rotation du ou des vilebrequins proche de 20000 tr/mn !

Au mois de juin de l'année dernière, à Tokyo, Honda présente "sa" moto. Les réactions sont mitigées. Il y a sûrement des innovations techniques intéressantes mais le fond du problème reste omniprésent: quatre temps contre deux temps, le pot de terre contre le pot de fer ? Les acteurs de la tragédie Honda: le Japonais - Coréen Katayama (champion du monde 350 sur Yamaha) et l'Anglais Mick Grant qui n'est pas vraiment à sa place sur une moto d'usine. Août 79, Grand Prix d'Angleterre, l'invincible armada arrive.

Un déploiement de force impressionnant mais très vite le verdict impitoyable des chronomètres tombe: pas qualifiés, sept secondes séparent Katayama du meilleur temps des essais réalisé par Roberts et sa Yamaha ! C'est la douche froide... Quelques semaines auparavant, les Japonais s'étaient rendu sur le circuit Anglais de Donnington et Katayama "aurait" approché le record de la piste de deux secondes. Il est à peu près sûr maintenant que ces temps sont faux et que leur annonce était de "l'intoxication" ! Les deux Honda prennent quand même le départ du GP (le mot magouille n'est pas trop fort) mais ne vont pas loin.

Katayama fait quatre tours et s'arrête (pas de précision !) quant à Grant, il aura bien du mal à démarrer sa machine et chutera... au premier virage du premier tour ! Arrive le GP de France au Mans. Là encore les Honda ne sont pas qualifiées mais cette fois la direction de course et l'ACO ne laissent pas faire. Malgré une tentative relativement incorrecte vis à vis des autres pilotes (les deux motos se retrouvent derrière le peloton juste au moment du départ "en espérant que..."). le HIRCO (Honda International Racing Company) quitte Le Mans par la petite porte.
Bref
Ces "arrangements" tiennent plus de politique que de la compétition, et espérons seulement que de telles bavures (le mot est à la mode) ne viendrons plus ternir l'image de marque du premier constructeur mondial de deux roues. 79 laissera donc un goût amer chez Honda et il faut avouer que la culbute de son service compétition est à la mesure de l'ampleur de la tache et l'on peut se demander si la barre "quatre temps" n'est pas trop haute par rapport aux deux temps même si les moyens engagés (budget et matière grise) sont d'une importance considérable.
L'avenir
Honda revient ! Les mécaniciens du service course Honda ne doivent pas chômer ! Il est probable que leur travail doit se diriger dans deux directions. Si le moteur quatre cylindres en V que nous connaissons s'est révélé valable au cours des essais privés de cet hiver, tout est donc pour le mieux et nous verrons cette saison une Honda qui défendra honorablement ces chances. Il serait alors difficile de ne pas lui pardonner quelques défauts de jeunesse au niveau de la fiabilité, tous les essais du monde ne remplaçant pas les dures conditions d'un Grand Prix. La Honda serait alors opérationnelle mi-80 et pourrait alors prétendre au titre en 81.

Mais, si ce moteur ne donne pas satisfaction aux ingénieurs qui doivent, ne l'oublions pas, gagner à tout prix et ce dans un délai raisonnable ? Aussi, il est probable que Honda travaille toujours sur d'autres types de moteur, sans doute en quatre temps mais peut-être en deux temps, et que cet autre programme sera abandonné que si le premier arrive à maturité. Il doit donc régner à l'heure actuelle une activité incroyable chez Honda Japon car maintenant que le défi est relevé, il est hors de question de faire machine arrière et de tout arrêter.
Et les autres ?
Quelques-unes des rares photos de la 500 Honda et de son moteur alors que les mécaniciens travaillent dessus. Un quatre cylindres en V d'une architecture relativement classique mais avec des détails intérieurs inhabituels. Quant à la partie-cycle, un cadre mono-poutre cantilever et un système anti-plongée sur la fourche avant... Nous avons toujours tendance à placer Honda au dessus du lot ; il est vrai que ce constructeur ne connaît pas la demi-mesure, l'endurance en est la preuve. Mais Yamaha et Suzuki sont en fin de compte en bonne position, Kawasaki n'en étant qu'à ses balbutiements. Yamaha, en partie grâce au talent de Roberts, est champion en titre pour la seconde année consécutive. Suzuki vient de subir deux cuisantes défaites. L'émulation que crée cette situation met ces deux constructeurs en position d'attente face à Honda mais une attente loin d'être statique.

Honda a donc mal choisi son moment pour revenir à la compétition ; il y a trois ans, la 500 Suzuki était reine, mais actuellement, la bagarre pour la couronne mondiale est acharnée et tous les protagonistes mettent les bouchées doubles. Honda malgré sa puissance et son argent pourra-t-il non seulement venir au niveau de ses deux adversaires mais encore les dépasser alors que ceux-ci ont en main des éléments d'analyse leur permettant de progresser sans doute plus qu'ils ne 1'ont fait depuis deux saisons. Suzuki sait que la RG arrive au bout de sa carrière et Yamaha connaît maintenant tous les défauts de la 500, leur réplique risque d'être plus que forte ! Honda se déplace actuellement sur un terrain mouvant sans savoir exactement ce que vont faire les autres ! Une situation délicate que les problèmes de l'année dernière n'arrangent pas !
Réponse le 23 mars
Le 23 mars au soir, le Grand Prix du Venezuela sera terminé. Chaque joueur aura montré ses cartes, reste à savoir lequel devra faire le mort !
L'avis d'Eric Offenstadt
Quelques-unes des rares photos de la 500 Honda et de son moteur alors que les mécaniciens travaillent dessus. Un quatre cylindres en V d'une architecture relativement classique mais avec des détails intérieurs inhabituels. Quant à la partie-cycle, un cadre mono-poutre cantilever et un système anti-plongée sur la fourche avant... Quelques-unes des rares photos de la 500 Honda et de son moteur alors que les mécaniciens travaillent dessus. Un quatre cylindres en V d'une architecture relativement classique mais avec des détails intérieurs inhabituels. Quant à la partie-cycle, un cadre mono-poutre cantilever et un système anti-plongée sur la fourche avant... L'usine Honda n'a pas choisi la facilité en construisant une 500 de Grand Prix à moteur quatre temps. C'est un pari audacieux et courageux qui apportera de toutes façons à l'usine Japonaise une somme d'enseignements repercutable sur leur production de machines de tourisme. Savoir si cette 500 Honda gagnera un jour dépasse ma compétence et dépend plus du travail de mise au point à venir que de la théorie pure.

Sur le moteur, ce que je peux dire, c'est que les techniciens de Honda ont estimé qu'un huit cylindres quatre temps devait pouvoir obtenir la même puissance ou une puissance supérieure à celle d'un quatre cylindres deux temps. Ils ont donc réalisé un moteur dont l'architecture et le nombre de pièces en mouvement sont ceux d'un huit cylindres, l'astuce étant d'avoir accouplé les pistons et les culasses afin d'obtenir l'homologation de la FIM et respecter la limitation à quatre cylindres du règlement 500 cm3.

Il est possible que ce moteur puisse un jour tourner à un régime situé entre 22000 et 25000 tr/mn. A ce régime, rien n'interdit de penser que la puissance obtenue ne sera pas égale à celle d'un moteur deux temps, d'autant qu'au GP de France le manque de chevaux n'était pas le principal handicap des Honda. Je n'en veux pour preuve que le 16ème temps des essais d'Hervé Guilleux et de la But avec une trentaine de chevaux de moins que les Honda. Pourtant ces dernières ne se sont pas qualifiées. La partie cycle de la Honda ne me plaît guère pour plusieurs raisons: le diamètre des roues, 16 pouces, abaisse leur axe par rapport aux 18 pouces et rendent plus facile le délestage de la moto tant au freinage qu'à l'accélération. Le bras oscillant, qui se prend dans l'axe du pignon de sortie de boîte est une technique que je connais bien pour l'avoir testé sur la première HO ; raccourcissement de la base de sustentation (ou la distance comprise entre l'articulation des suspensions) et le bras co-axial à la sortie de boîte accentue les mouvements de tangage de la moto.

De plus, il annule l'effet anti-écrasement qu'amène les efforts de traction de la chaîne sur un bras arrière classique. Dans la pratique, cela oblige les techniciens Honda à durcir les suspensions arrière et provoque donc des réactions néfastes sur les bosses ainsi qu'une perte de motricité à l'accélération. En clair, la 500 Honda de l'année dernière ne pouvait pas sortir rapidement des virages.

Cette vitesse de sortie, dont le pilote conserve l'avantage dans pratiquement toute la ligne droite suivant la courbe est une des conditions principales de l'efficacité d'une moto de Grand Prix. Quant à la question d'une éventuelle victoire de cette moto, seuls les techniciens de Honda peuvent actuellement y répondre mais il semble qu'ils rencontrent de grandes difficultés dans la poursuite de leur programme. Un pilote/metteur au point d'une grande compétence et si les ingénieurs maîtrisent les problèmes de segmentation évidents pour un moteur tournant à cette vitesse, en un mot s'ils font leur travail qui est avant tout de rechercher en permanence leurs propres erreurs, alors pourquoi pas ?
Informations tirées de Motoplay N° 1.
Par François Gomis. Photos Crose, Villani, D.P.P.I.
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