La sortie, c'est par là ! Honda 750 NR
Honda 750 NR Superlative
Les deux énormes silencieux sont les points terminaux d'un échappement (tubes en acier inoxydable de 1,2 mm) en 8 dans 4 dans 2 dans 1 dans 2 (ouf !). Du rhéostat au voyant de réserve, difficile de faire plus complet. Ca ne tourne plus très rond. Après une décennie de gestation Honda met l'un de ses moteurs au régime du piston ovale. La NR 750 prête sa gueule d'enfer à l'une des rares évolutions techniques dignes de ce nom. Si les prototypes NR de course n'avaient pas de prix, la version routière en a un... 370 000 F. Honda passe à l'acte.

Pour une durée limitée, la moto de série la plus chère du monde figure au catalogue de la marque. Le livret de commande restera ouvert quatre saisons complètes, d'octobre 91 à octobre 92. L'équipe de spéciatistes ayant en charge cette production si particulière, tiendra un rythme de trois unités par jour.

Et vos têtes bien pleines d'entreprendre des calculs savants: " Donc ! Cinquante deux semaines à cinq jours ouvrables, cela nous fait... 260 jours de production que multiplie trois NR, égale 780 machines ". Cependant, les responsables Japonais reconnaissent pouvoir fabriquer cinq NR 750 si le besoin s'en fait sentir. En substance, avec le plus grand sérieux, ils laissent entendre que tous les jours de la semaine pourraient être mis à contribution. Voilà quelques éléments qui rendent caduques vos calculs.

Quoi qu'il en soit ! l'épisode industriel de la NR ne s'éternisera pas. L'offre se calquant sur la demande, le volume d'acquéreurs potentiels n'est pas extensible à l'infini. Le continent Américain, par exemple, ne veut pas entendre parler de cette moto. Grosso modo, seuls le Japon et l'Europe deviendront les terres d'élection de la NR. Dès le mois de mars prochain, la livraison en France des premières séries sera effective. Selon les prévisions de Honda France, une soixantaine d'exemplaires rouleront sous immatriculations hexagonales. Pour ne pas tenter le diable d'une frontière à l'autre, Honda Motor Europe uniformise le prix de vente de cette exception enfin concrétisée. D'éventuels mouvements spéculatifs initiaux seront ainsi entravés.
La plus haute des mises à prix...
1980: puissance maxi: 120 ch à 18000 tr/mn, poids à sec 145 kg. 370 000 F à quelques milliers de francs près. Cette somme appelle des questions. La NR est-elle trop cher ? Vaut-elle vraiment ce prix là ? Peut-elle être l'amorce d'un " bon coup " pour les spéculateurs avertis ? Ne dérivons pas trop vers les basses considérations de cet ordre. En premier lieu cette moto est unique, inimitable et inégalable dans toutes ses composantes. Le genre moto a désormais sa prêtresse. Sa figure de proue, intrônisez-la comme il vous plaît.

L'important n'est pas de savoir si une bécane devient enfin le pendant d'une Ferrari. L'essentiel est plus abstrait. L'image de marque de Honda, au travers de la NR, se confond avec celle de l'ensemble de la production motocycliste. Voilà qui met du baume au coeur de celles que l'on aime, à défaut de pouvoir s'offrir cette folie. La NR est-elle trop chère ? Non, si l'on considère la synthèse de l'aboutissement esthétique et technologique.

1982: cette pièce d'orfèvrerie développe 135 ch à 18500 tr/mn. La première évidence saute aux yeux, le phantasme sanguin ne ressemble à rien de connu. Elle ne partage aucune parenté stylistique avec qui que ce soit, si ce n'est elle-même. Si l'effet de surprise est altéré par les apparitions successives de la NR, sa contemplation provoque toujours l'équivalent d'un raz de marée mental. La seconde évidence est déjà un truc d'initié. Si l'on demeure hermétique aux sortilèges internes du piston ovale, l'égo du proprio peut s'énorgueillir en affirmant que rien, en ce bas monde, ne tourne ou ne pistonne sous cette forme et... à çe prix.

Elle pourrait valoir plus cher sans que nous trouvions à y redire. La NR n'est pas faite pour s'embarrasser d'à peu près. Son problème n'est pas d'être plus ou moins accessible autour d'un pactole considérable. Naïfs, nous imaginions cependant la NR devenir plus abordable en sélectionnant certains de ses équipements dans la banque d'organes Honda. Supposition erronée car les Japonais se sont montrés économes en comptant la dot de la NR. Peu à peu, elle a perdu certains de ses accessoires uniques. Voilà le risque auquel on s'expose.

Le V4 revendique la bagatelle de 159,7 ch... A chacune de ses apparitions publiques nous disséquions les détails inédits: tés de fourche taillés dans la masse, maître-cylindres ovoïdes comme le " reste ", réglages d'écartement des leviers intégrés, des commodos sans parenté avec la grande serie, les étriers de freins taillés dans le métal brut, une fourche prompte à libérer la roue... tout cela n'est plus sur la version définitive. Mais le rêve est toujours là, nous rêvons encore.

Insatisfaits et comblés. Il lui reste des arguments en béton, et l'inconnue d'une technologie dont les coûts de recherches et de développements furent aussi difficiles à maîtriser qu'une longue et incertaine mise au point. La NR peut-elle faire l'objet d'une spéculation ? Sans doute pas, mais c'est d'ores et déjà une machine de collection, ni plus, ni moins. Un objet qui rejoindra la poignée de becanes rares et prestigieuses ayant marqué ce siècle.

Les mois passés l'ont démontré. Au plus fort de la poussée spéculative sur le marché de l'automobile de collection ou de l'art, celui de la moto n'a pas flambé. Par bonheur, il reste réaliste et equilibré. Tant qu'il en sera ainsi, rien de ce qui touche ce marché ne sera artificiel. La plus value à se faire sur son dos n'est pas d'actuatité.
L'exception est sa seule règle...
La paire de bougies prend juste la place nécessaire entre les quatuors de soupapes. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. "Une NR qu'est-ce que c'est ?" Si des législateurs d'un monde où l'on tue la liberté l'avaient découverte avant l'heure, sa beauté aurait été interdite de voie publique. Sans autre forme de procès, son moteur mis au banc des accusés. A quoi bon dévoyer les braves gens avec ses pistons étirés en long. Pour seules circonstances atténuantes, les accusateurs et détracteurs de tous crins trouveront que cette machine dévergondée conserve certains attributs dans la norme. Cadre connu ! monobras toujours d'actualité, poids respectable (222,5 kg) à sec, fourche conventionnelle, pas de quoi la confondre avec un OVNI ou la dernière CBR 900 de 185 kg.

La NR 750 n'est plus une machine de course. Elle n'est pas non plus une moto expérimentale. Pire ! Elle roule. Sa contemplation n'est pas un crime. La lippe salive, l'oeil sature. Il faut lui tourner autour pour le reconnaître. La NR est bourrée d'effets visuels. On visite cette planche de bord supersonique. Deux bons yeux ne suffisent plus à enregistrer ce qu'elle affiche. Toutes les températures... d'huile et d'eau, pression d'huile, jauge d'essence et son voyant d'avertissement, le compte-tours qui viole les interdits mécaniques. Le tour du compte-tours en 15000 tr/mn, c'est pas fictif. C'est écrit. Pour lui aussi l'angle de déplacement est presque de 270°, comme les autres instruments.

Puis, à la suite de l'analogique, profond comme une fosse océane, il y a le tachymètre et son affichage à cristaux liquides. Parce que le cockpit des bombardiers US " F 15 " est traité avec du titane, la bulle de la NR a droit à ce traitement. A son propos, dans le dossier de presse, il est dit: " Les fréquences de lumière bleue (dues au titane) réduisent l'éblouissement en provenance du soleil ou de l'éclat des phares ". Entre chien et loup, la NR se mue en caméléon façon fluo. Un détail à mettre au profit de la sécurité passive.

On apprécie le conduit d'admission très droit ou l'attaque directe des cames sur les poussoirs. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Poursuivons... La NR 750, peut-elle symboliser l'éloge de l'aérodynamisme ? Tout porte à le croire. Pour une fois, sans le dévoiler, on parle de " l'obtention d'un faible coefficient de pénétration dans l'air..." Pourquoi en douter, lorsque l'on détaille la forme très élaborée du dosseret de selle. Il est taillé et profilé pour mettre de l'ordre dans l'écoulement de l'air. Vous le savez, dans le dos du pilote c'est souvent l'anarchie aérodynamique. Les conférenciers de la présentation ont insisté: " Tous nos essais tiennent particulièrement compte des cas pour lesquels la pression aérodynamique commence à influer directement sur la tenue de route..."

La NR offre une portance zéro. La forme particulière du carénage annule l'effet de lift, cette composante verticale néfaste à la tenue de cap à haute vitesse. Une NR présentée en 1989 était équipée de deux ailerons latéraux pour accentuer la charge aérodynamique au sol. Monsieur Takeo Fukui, à qui cette 750 doit beaucoup, reconnaît que leur présence provoquait un effet inverse sur un brutal délestage (dans la famille OVNI, elle pouvait donc le faire). Certains effets indésirables sont apparus en courbe, au point de modifier l'attitude de la machine.

Au demeurant l'examen du profil "piqueur" de la NR accrédite ce soin apporté aux influences de l'air. Pour ne pas vous donner envie de l'enfourcher, nous passerons sous silence la qualité des poignées ou celle de la selle pourtant très étudiée. Sportive intégrale, la NR sait aussi satisfaire nombre d'exigences fonctionnelles.
L'ovale en long, en large et en travers...
La plus somptueuse des couronnes coiffe une mécanique impériale: culasse 32 soupapes, injection électronique PGM/F1. Un peu d'histoire. A la fin des années 70, Honda prépare son retour sur la scène des Grand Prix. La volonté affichée est d'opposer un 500 cm3 4 temps à l'invincibilité des moteurs 2 temps. Pour obtenir la puissance nécessaire en garantissant des régimes de rotation très élevés, plusieurs solutions étaient au programme. Par exemple multiplier le nombre de cylindres ou accroitre le volume d'admission. Dans le premier cas de figure, il était difficile de composer avec les pièges de l'encombrement. Cependant, le fractionnement des cylindres a une autre particularité.

Celle de réduire le volume des chambres de combustion, et d'imposer des éléments mécaniques mobiles plus petits. En théorie, ce choix permet un accroissement du régime moteur, s'il n'y avait en contrepartie des frictions accrues. Le second cas de figure, plus audacieux, consiste à conserver une cylindrée unitaire importante en augmentant le volume de combustion. Ce volume peut s'accroitre si le nombre de soupapes l'est aussi. Seulement voilà, un piston de forme ronde ne permet pas le placement de plus de 4 ou 5 soupapes.

L'idée du piston elliptique est là, permettre l'alignement de 8 soupapes par cylindre. L'augmentation sensible de l'alésage (définissant la dimension des soupapes) autorise une réduction de la course du piston, il en résulte une puissance augmentée et une progression du régime moteur. Cette configuration se double d'un taux de compression assez élevé de 11,5: 1.

En 1987, sur la NR d'endurance la segmentation était différente et surtout ne présentait pas la courbure permanente de l'ovale retenue sur la version définitive. Enfin, si les gros alésages sont connus pour avoir un temps de combustion plus long, deux bougies par cylindre la favorisent. C'est simple comme bonjour et cela donne une puissance de 125 chevaux à 14000 tr/mn, pour une valeur de couple de 7 mkg à 11OOO tr/mn. Face à de telles caractéristiques, les ingénieurs s'empressent de préciser que 4,5 mkg sont disponibles dès 3000 tr/mn et plus de 5,6 mkg entre 7000 et 15000 tr/mn. En un mot, le V4, 32 soupapes reste égal à lui-même: couple, traction, souplesse, linéarité, plage d'utilisation infinie. Une image a souvent apparenté l'idée du moteur à piston ovale à un V8. Un piston de NR, ressemblant beaucoup à deux pistons ronds accouplés. Ce n'est qu'une image... faussée. La circonférence ovale d'un piston est inférieure de 30% à celle de deux pistons cylindriques classiques. Cette résistance, entre chemise et piston, est la première qui s'oppose à la propagation de l'énergie. Energie, soit dit en passant, transmise par deux bielles en titane, seul point réellement commun avec un V8.

Ces bielles assurent un parfait guidage du piston, mais aussi une transmission idéale de l'énergie au vilebrequin. Leur alliage léger contribue à limiter l'inertie. Honda insiste sur l'application de procédés spéciaux améliorant la productivité du contact des métaux entre eux. Détail fondamental, les pistons de la NR 750 présentent sur leur face la plus étirée, une variation continue de la courbure.

Il ne fait pas bon être boîte de vitesses sur la NR, collée au fond du carter. Par rapport aux deux faces parallèles droites, caractérisant les pistons de la 750 alignée en 1987 aux 24 Heures du Mans, les incidences qui en découlent sont importantes, Honda a simplifié (tout est relatif) l'usinage des équipages cylindres/pistons en évitant le piège d'une segmentation trop complexe. Cette forme de piston, a peut-être aussi l'avantage d'assurer une étanchéité plus naturelle au plus fort des dilatations thermiques. Il n'est pas étonnant de voir la commande de distribution confiée à une cascade de pignons.

Sa localisation en bout de vilebrequin, à droite, préfigure sans aucun doute celle qui sera appliquée à la future VFR 750 version 93. Il ne serait pas étonnant non plus de retrouver sur ce futur modèle l'injection PGM-F1 (voir encadré) adoptée par la NR 750. Ce dispositif est le complément naturel des performances et de l'agrément de conduite auquel aspire la NR. En amont, le système d'injection multi-corps commande la programmation de l'avance à l'allumage via un système de type cartographique.

Il prend en compte deux paramètres: l'ouverture du papillon des gaz et le régime moteur. Une autre de ses fonctions, en tandem avec l'injection, est de surveiller l'alimentation en air et en carburant pendant la phase d'allumage. Sans changer de centre d'intérêt, Honda met l'accent sur le montage d'un alternateur compact utilisant un aimant. Il est capable d'alimenter sans restriction ce qui précède, mais sa masse ne s'ajoute pas aux éléments freinant le temps de réaction du moteur.
Qu'ajouter de plus...
L'unité de contrôle électronique est logée dans le dosseret arrière. Qu'ajouter de plus... Cette machine, dans toute sa splendeur, est superlative. Isolé du reste, son moteur est un tout. Après avoir permis à Honda, dix ans durant, d'accumuler une somme considérable d'enseignements, cette source de connaissances accède à la notoriété industrielle. L'héritière unique du HRC (Honda Racing Corporation) fait l'objet d'une production en série. N'est-ce pas aussi une forme de consécration ? La reconnaissance ne s'arrête pas là. Pas une marque, y compris automobile, pas un bureau d'étude ne manquera de se livrer à l'examen de ce moteur bousculant l'éthique mécanique.

La NR 750 véhicule quelque chose d'important dont l'impact se mesurera au cours des prochaines années. D'autres configurations mécaniques pourraient recevoir un piston ovale, les responsables Japonais ne l'excluent pas. "Le plus dur est fait", ils peuvent en tout cas s'offrir le luxe de cette réflexion. Dans quelques jours, un petit nombre d'heureux élus triés sur le volet passeront à l'acte sur le circuit Paul Ricard. Moto Revue sera de la partie pour goûter à cette rareté.
Une 250 de 153 ch
1981: c'est au Japon que la NR 500, confiée à K. Kiayama, obtient ses meilleurs résultats après une longue série d'abandons en Europe. Un certain Spencer la pilote par deux fois. Après la cessation du programme NR en GP 500, Honda prit deux options radicalement opposées dès 1983. La première fut de poursuivre le développement du programme NS en 500 cm3. La mise au point des moteurs deux-temps s'est avérée beaucoup plus rapide et fructueuse que celle du quatre-temps à pistons ovales. La seconde consista deux années durant (83/84) à développer une 250 NR suralimentée.

A l'époque, la réglementation en vigueur n'interdisait pas l'engagement d'une 250 turbo via un coefficient d'équivalence. Ce programme ne vit "officiellement" jamais le jour, la petite 250 s'avérant très puissante mais trop lourde. L'échec commercial de la suralimentation, appliquée aux machines de série, fut sans doute aussi un facteur décisif.

A l'époque, le 4 cylindres en "V" était déjà un cheval de bataille pour le service marketing de la marque. Peu de temps après, les RVF d'endurance calquèrent leurs destinées sur celles des VFR de route. Les caractéristiques techniques de l'épisode consacré aux 250 cm3 turbocompressées laissent réveur. Les motoristes du HRC travaillèrent sur deux configurations moteur: V-twin (90°) et twin en ligne bi-turbo. Au terme du développement le bicylindre en ligne est donné pour 153 ch. Deux nouvelles années furent nécessaires (85/86) pour préparer la nouvelle configuration du moteur NR en 750 cm3, destiné aux courses d'endurance.
L'injection à la une
tsoin-tsoin... Gilbert Roy himself roule aux 24 Heures avec Campbell et Nemoto. Le système PGM-Fl compte deux injecteurs séparés par cylindre. Le microprocesseur régit les calculs en provenance de sept groupes de données, afin de déterminer avec précision le volume d'essence à injecter. De la sorte le mélange air/essence est optimisé. Les sept capteurs reçoivent les données suivantes:

Arbre à cames: différence entre les cylindres pour déterminer le point d'injection.

Vilebrequin: position des pistons pour déterminer le point d'injection et vitesse du moteur afin de réguler le volume d'injection.

Dépression: contrôle de la pression interne du collecteur d'admission, régule le volume d'injection pour qu'il corresponde instantanément à la vitesse du moteur.

Papillon de gaz: selon l'ouverture du papillon, il commande le volume d'injection initial et régule son taux pendant l'accélération.

Liquide de refroidissement: contrôle de sa température et correction éventuelle des intervalles de base de l'injection.

Température d'air à l'admission: surveillance des variations de température de l'air admis et régulation du volume d'injection

Pression atmosphérique: contrôle les différentes pressions extérieures et régule le volume injecté pour offrir des performances constantes à toutes les altitudes.
Informations tirées de Moto Revue.
Par Philippe Gorce. Photos Eric Célis et Constructeur
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