La sortie, c'est par là ! Soichiro Honda
(17 Novembre 1906 - 4 Août 1991)
L'Empire éclaté
Soichiro Honda a commencé sa carrière d'industriel avec la moto. Dans le Japon encore gérontocrate de l'aprés-guerre, l'insolente réussite d'un "gamin" de 40 ans ne pouvait que faire des vagues. Mais l'homme était plus subversif encore. Avec quelques personnalités aussi marquantes que lui, tel Akio Morita, fondateur de Sony, il allait secouer le vieil Empire féodal et tout bonnement jeter les bases du Japon moderne. Révolutionnaire ! Au Japon, l'originalité est encore souvent considérée comme antisociale: on ne tolère que de quelques artistes qu'ils ne se fondent pas dans le moule. Or, Soichiro Honda ne fera jamais rien comme tout le monde. Garnement déluré, adolescent bricoleur, jeune homme bon vivant (réputation qui lui vaudra une certaine popularité dans les pays latins...), le personnage n'entame de sérieuses études qu'à 30 ans passés, la première entreprise qu'il eût montée ayant mis ses lacunes en évidence.

Débrouillard, il se refait une santé durant la Guerre... et reperd tout sous les bombardements Américains, puis dans un tremblement de terre purement Japonais. Pas découragé, il se met alors à assembler des vélos munis de moteurs auxiliaires récupérés dans les surplus militaires. Principal argument de vente: l'essence étant rare dans le Japon occupé et sinistré de l'après-guerre, Honda a récupéré une pinède et distille son propre carburant ! Le vrai déclic est pour 1947. La rencontre du jeune ingénieur Kiyoshi Kawashima va équilibrer l'intuitif et fantasque Honda: c'est lui qui va trier et mettre sur le papier, sous forme rationnelle, les folles idées qui fusent en permanence de son cerveau.

Fin 1990, Soichiro Honda était à Paris avec Senna pour fêter leurs titres mondiaux. Et quand en 1949 le commercial Takeo Fujisawa vient les rejoindre le trio est prêt à s'offrir le monde: ces trois génies, le créatif, l'industriel et le gestionnaire, ne seront séparés que par le décès de Fujisawa, quarante ans plus tard. Entretemps, l'entreprise Honda aura volé de succès en succès, au-prix souvent d'énormes prises de risques dont on a peu conscience aujourd'hui. Car les trois hommes sont de gros joueurs et la société sera plus d'une fois mise en péril par des endettements audacieux. Faut-il le préciser, l'establishment Japonais, voyant d'un mauvais oeil ces jeunots anticonformistes, ne leur avait guère facilité la tâche...

Les provocations de nos trois dynamiteurs de l'ordre finiront pourtant par être admises lorsque les faits parleront d'eux-mêmes. Premier constructeur mondial de motos dès 1959, Honda brave les recommandations gouvernementales pour s'engager dans l'automobile en 1963 et en devient le huitième constructeur mondial avant la fin des années 80. Lui-même pilote habile et grièvement blessé en course avant la Guerre, Honda a d'autre part toujours considéré la compétition comme la meilleure des stimulations, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'entreprise, et sa firme a amassé, en quarante ans, un palmarès considérable sur 2 et 4 roues.

Tous ces succès, S. Honda finira par les savourer à distance: fidèles à la politique instituée depuis les origines, Honda et Fujisawa avaient pris leur retraite en 1973 pour laisser, selon leur propre expression, la place aux jeunes. De toute évidence, si l'entreprise est aujourd'hui orpheline, elle avait depuis longtemps coupé le cordon et n'aura donc pas à surmonter le chaos que vit encore Ferrari depuis la disparition du "grand homme". Gouverner c'est prévoir, à commencer par sa succession...
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