La sortie, c'est par là ! La V1000 Hesketh
La belle Anglaise de demain
100% Anglaise, 100% Hesketh. Onze ans qu'on n'avait pas vu ça. Une vraie nouvelle moto Anglaise. Une belle en plus. Une pure race, sportive jusqu'au bout des pneus, fignolée par des amoureux de la mécanique et annoncée pour 86 ch et 225 km/h. Pas moins. Elle sera produite dès le début de l'été au Chateau de Lord Hesketh qui a financé cette belle oeuvre. "Nous pouvons fabriquer cette moto en quantité limitée en la vendant fort cher" nous dit le jeune Lord Hesketh "mais là n'est pas notre seul but, et nous cherchons à nous associer avec une grande marque Britannique qui produirait la moto en plus grande série pour un prix concurrentiel face aux Japonais".

Le partenaire, vous l'avez deviné, est bien évidemment la coopérative Triumph de Mériden et la Hesketh V1000 d'aujourd'hui a bien des chances de devenir le haut de gamme Triumph de demain. Actuellement âgé de 29 ans, Lord Alexander Hesketh a débuté dans sa carrière de mécène dès 1972 en créant son propre team de Formule 1 avec James Hunt comme pilote. Il a fait un pas de plus en 1974 et finance entièrement la construction d'une F1, la Hesketh 308, qui, en 1975, finit quatrième au championnat du monde des constructeurs. Seulement, si fortuné qu'on soit, et il l'est, l'entretient d'une écurie de F1 devient hors de prix et Lord Hesketh, qui se refuse à tout sponsor extérieur, préfère se retirer de la compétition automobile en octobre 1975.

L'idée lancée par Lord Hesketh lors de la soirée de Noël 1977 est illico mise à l'étude. Les très modernes ateliers de mécanique super équipés, installés dans les écuries du chateau à Easton Neston continuent cependant à préparer des moteurs, à étudier et à construire des prototypes pour diverses équipes mais la "Hesketh automobile products limited" a d'autres responsabilités. Pourquoi ne pas utiliser tout ce potentiel matériel et humain pour construire de toutes pièces une nouvelle moto Anglaise de prestige ?... L'idée lancée par Lord Hesketh lors de la soirée de Noël 1977 est illico mise à l'étude. Il apparait bien vite que la future Hesketh doit être entièrement originale et ne peut employer un moteur déjà existant.

D'une part ce serait quasi obligatoirement se tourner, oh, horreur, vers un moteur étranger, d'une part on courrait le risque de voir le fabricant prendre le projet à son compte et en cas de succès faire une réplique plus ou moins de bonne qualité. La Hesketh sera donc 100% Anglaise et 100% Hesketh ; Enfin, presque, car le projet finalement choisi est un plan de moteur dessiné par Weslake mais, l'honneur est sauf, toute l'étude et le développement se fera dans les écuries du chateau. Le V-twin a séduit l'équipe Hesketh sous tous les angles ; traditionnel en diable, et Dieu sait que cela a de l'importance en Grande-Bretagne, il est le type de moteur qui permet de faire le gros cube le plus étroit et avec le centre de gravité le plus bas placé. Economique en consommation, il est virtuellement exempt de vibrations et a pour dernier avantage d'être fondamentalement différent de la meute des quatre cylindres Japonais.

Le V-twin a séduit l'équipe Hesketh sous tous les angles. Traditionnel sous sa forme, le moteur choisi n'est pas moins moderne: deux arbres à cames en tête, quatre soupapes par cylindre, allumage électronique, démarreur électrique, graissage sous pression des pignons de boite, embrayage hydraulique... Rien ne manque et, si l'un des leitmotiv de l'étude a été la recherche d'un rendement optimal avec la meilleure économie de carburant possible, aucune concession n'a été faite dans les choix techniques et la qualité de la réalisation. Faite maison, également, la partie cycle a ceci d'original que le bras oscillant est articulé sur le même axe que le pignon de sortie de boite (au prix d'ailleurs d'une certaine complexité de la dite boite). La chaine a ainsi une tension constante avec un réglage assuré par un excentrique en bout de bras oscillant. Dans ces conditions, "disent-ils", une simple chaine de 15,8 mm suffit amplement... puisse cela être vrai. De fait, la chaine qui travaille ici dans des conditions idéales s'use moins et transmet immédiatement la puissance sans à-coup de transmission.

Cette particularité citée, le cadre, un treillis tubulaire ouvert bien rigide avec un maximum de tubes droits, n'apporte pas de révolution et se contente d'être merveilleusement réalisé. Tout en tubes Reynolds 531 de 28,5mm nickelés et avec des raccords brasés comme seuls les Anglais savent en faire. Dommage seulement, à notre goût, que le modernisme n'ait pas été poussé un peu plus loin côté débattement des suspensions. Avec celles choisies, une fourche Marzocchi à l'avant, une paire de Girling à l'arrière, le confort risque d'être assez sportif. Heureusement que la selle possède le rembourrage qu'il faut pour compenser. Pour chausser cette belle bête, Hesketh a choisi les nouveaux Avon Venom pour hautes vitesses, un 18 pouces à l'avant et un 17 pouces bien large à l'arrière. Ils sont montés dans de très légères roues Astrolite composées de deux flasques en alu.

Impressionnante et agressive, la V1000 Hesketh a tout pour ravir l'oeil, que l'on se fixe sur l'ensemble, sur le moteur, sur la partie cycle ou sur l'habillage mais le plus frappant reste encore la finition. Non pas un louable soin du détail et de l'équipement comme nous avons l'habitude d'en voir mais un vrai luxe sans gadgets qui va des durites type aviation au montage flottant de l'étrier de frein arrière en passant par dix autres détails. Un joli travail qui, espérons-le, ne restera pas l'apanage des seuls modèles de pré-série.
Les essais
Dans le carter droit, tout le reste: embiellage, arbres primaire et secondaire, sélection, et arbres de sortie. En attendant le nôtre, pour bientôt espérons-le, nous ne pouvons que vous communiquer les résultats des essais effectués par l'équipe Hesketh, des chiffres bien prometteurs: une vitesse maxi, pilote couché de 260 km/h, et de 225 km/h assis avec, dit-on, de bien plus grandes possibilités en affutant un peu ce moteur ici sous développé (257 km/h annoncés !). Le couple respectable de 7,94 mkg arrive à cette valeur maxi à seulement 5000 tr/mn et la consommation moyenne au cours des essais routiers est annoncée de 5,7l/100 km, soit une autonomie d'environ 400 kilomètres.

Lord Hesketh au guidon et en passager le parrain de la V1000, Mike Hailwood. A l'ouverture des carters, à plan de joint vertical, le carter gauche garde la transmission primaire, l'embrayage, et la transmission du démarreur électrique (qui prend place sous le cylindre avant). Dans le carter droit, tout le reste: embiellage, arbres primaire et secondaire, sélection, et arbres de sortie.

Comme de tradition en Grande-Bretagne, la sortie de boîte s'effectue en bout d'arbre primaire (par un pignon fou, entraîné par un pignon de l'arbre secondaire), mais l'ancrage de bras oscillant très haut a nécessité une cascade de pignons pour y remonter la vraie sortie de moteur: de fait, les deux pignons supérieurs ne sont que des renvois, les vrais arbres de boîte sont les deux du bas, avec encore en dessous le tambour de sélection et les axes de fourchettes.

Lord Hesketh au guidon et, en passager, le parrain de la V1000, Mike Hailwood, nous donnent une idée des dimensions de la moto en particulier de la hauteur de selle très raisonnable. L'esthétique originale, et plutôt réussie à notre goût, est due au même styliste qui dessina le carénage de la 1100 Yamaha Martini.

Le cadre en Reynolds 531 est entièrement nickelé et le château au fond ressemble curieusement au petit Trianon mais Madame Hesketh mère nous a certifiés que la demeure de ses ancêtres était antérieure.

Drôle de cadre, soigneusement construit, avec un moteur placé vraiment très bas qui rappelle en tout les Ducati: architecture bien sûr, mais aussi dessin des carters, assez proche des 350-500 vertical twins. Grand soin encore dans l'ancrage de frein arrière, en parallélogramme, avec des rotules. On appréciera le gros tube qui va sans cintrage de la colonne de direction à l'axe de bras oscillant (sur quatre roulements coniques).

Jolie fonderie pour les carters de chaînes de distribution. Ah, horreur... la Hesketh n'est Britannique qu'à 90%. Grosse gamelle "King Size", cylindres profondément plantés dans les carters (comme pratiquement sur tous les V), jolie fonderie pour les carters de chaînes de distribution (avec patin tendeur) et bel effort de standardisation entre cylindres avant et arrière, notamment dans l'ailettage.

Ah, horreur... la Hesketh n'est Britannique qu'à 90%: les compteurs et les commodos sont Japonais. Le vin offert du buffet était lui bien Français.

Il faut parfois savoir prendre les meilleurs produits, d'où qu'ils viennent. Notez en passant qu'à l'instar de la Laverda 1200 OR, la Hesketh est équipée d'une commande hydraulique d'embrayage qui paraît d'ailleurs et néanmoins fort dure.

Vous avez aussi remarqué la montre, le voltmètre pour contrôler la charge de la batterie et la commande des starters au tableau de bord.
Fiche Technique
Moteur
Type: bicylindre en V à 90°
Distribution: double ACT entraîné par chaine et 4 soupapes par cylindre
Alésage x course: 95 x 70 mm
Cylindrée: 992,35 cm3
Compression: 9,5 à 1
Puissance-maxi: 86 ch à 6500 tr/mn
Couple maxi: 7,94 kmg à 5000 tr/mn
Alimentation: 2 Amal de diamètre 36 mm
Lubrification: carter humide, pompe trochoïde

Electricité
Démarrage: électrique (Lucas)
Alternateur: Lucas 180 watts
Batterie: 27 A/h
Phare: Bosch H4
Allumage: électronique Lucas

Transmissions
Embrayage multidisque en bain d'huile
Transmission primaire par engrenages à taille hélicoidale
Secondaire par chaine à tension constante de 5/8 (15,8 mm)

Boîte: cinq vitesses en prise constante:
Rapport interne Vitesse à 1000 tr/mn Vitesse à 7000 tr/mn
3,710 11,4 km/h 80,5 km/h
2,378 17,7 km/h 123,9 km/h
1,786 23,7 km/h 165,7 km/h
1,481 28,5 km/h 199,5 km/h
1,334 31,7 km/h 222 km/h

Partie-cycle
Cadre ouvert treillis tubulaire double berceau en Reynolds 531. Axe de bras oscillant concentrique au pignon de sortie de boîte
Suspensions avant Marzocchi, arrière Girling
Roues: Astrolite (2 flasques alliage rivetées)
Pneus: Avon Venom 220. Avant: 110/90V 18. Arrière: 130/90V 17
Freins: 3 disques de diamètre 280 mm, 2 étriers Brembo
Longueur: 2337 mm, largeur du guidon: 660 mm, hauteur de selle: 787 mm, empattement: 1588 mm, garde au sol à vide: 114 mm
Poids 229,5 kg
Réservoir essence: 22,7 l dont réserve: 2,3l
Huile moteur: 3 litres avec radiateur sous le phare

Performances
Vitesse maxi couché: 225,3 km/h. Assis: 205,9 km/h
Consommation en usage normal: 5,71/100km
Autonomie: 400 km

Constructeur: Hesketh Automotive Products limited
Informations tirées de Moto Journal.
Par François-Marie Dumas et Didier Ganneau. Photos François-Marie Dumas
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