La sortie, c'est par là ! JBB - Kawasaki 750
Perspective d'avenir
La suspension avant fait appel à des triangles superposés. A l'heure où Yamaha lance en série une suspension avant à bras sur la GTS, la JJB-Kawasaki avec son concept original, confirme le bien-fondé d'un tel système. En exclusivité pour Moto-Journal, l'essai de cette moto qui préfigure peut-être la moto de demain et qui tentera de s'illustrer dès le prochain Bol d'Or. Jean-Bertrand Bruneau et Vincent Sébileau ont réalisé un superbe travail.

Malgré un budget dérisoire, ils sont en effet parvenus à mener à terme la construction et la mise au point d'une moto originale qui marche d'ores et déjà fort bien, Jean-Bertrand Bruneau n'est pas un inconnu dans le milieu moto puisqu'il compte à son actif plusieurs réalisations originales dont la dernière en date est la JBB-Kawasaki 750 qui fait l'objet du présent essai.

Très créatif et brillant technicien, jamais à court d'idée, Bruneau a développé il y a quelques années une suspension avant inédite, à deux bras latéraux, qui fait d'ailleurs l'objet d'un brevet. Restait à valider le concept entreprise, qui prit une tournure décisive avec l'arrivée de Vincent Sébileau qui grâce à ses qualités de pilote et à ses compétences techniques a pu mener la mise au point de la suspension avant, l'expérience ainsi accumulée a permis de revoir et de corriger le cahier des charges pour finalement donner naissance à la JBB-Kawasaki, une machine très aboutie et dotée d'un potentiel tout à fait promeneur. Circuit Carole, temps sec, le camion transportant la JBB arrive...
L'enfant
La superbe coque alu pivote et autorise une accessibilité mécanique parfaite. Premier constat, la JBB n'est pas du style à passer inaperçue. A peine sortie du camion et posée sur sa béquille d'atelier,la JBB crée l'attroupement dans le paddock du circuit Parisien Carole. Avec un look pareil, l'inverse eut été étonnant. Incroyablement basse, super compacte en même temps qu'aérée, dégageant une grande impression de légereté et d'agressivité ; à la fois très sophistiquée et d'une superbe simplicité, parfaitement réalisée et de finition soignée, avec une roue avant visuellement aussi grosse que la roue arrière et, en cerise sur le gâteau, trois yeux qui ajoutent au mystère de la bête...

Y a pas, la JBB inspire autant le respect que l'intérêt. Technologiquement parlant, c'est un "must" avec ses suspensions avant à bras, arrière monobras (toutes deux à progressivité variable), son moyeu avant directionnel, sa direction à biellettes et son moteur porteur. On apprécie la magnifique coque alu qui officie comme réservoir et comme support de selle et on admire le regroupement des masses vers le centre de gravité, tous les éléments, y compris les deux amortisseurs, enserrant au plus près le moteur. Les phares Valéo à parabole complexe dessinant un faisceau plat font preuve de l'ingéniosité des concepteurs, les extérieurs montés inclinés assurant un éclairage normal une fois la moto sur l'angle.

Bref, la JBB est un piège à regards irrésistible, du connaisseur au néophyte, épaté que l'on est, par son gabarit inhabituel et ses différences techniques parfaitement mises en évidence. Deshabillée, le choc est encore plus grand, le dépouillement étant extrême et les solutions adoptées superbement pensées. OK, tout ça c'est parfait mais comment roule-t-elle ?
Sensations connues, possibilités nouvelles
Deshabillée, la JBB impressionne encore plus, sa structure étant réduite à l'essentiel. Malgré la toute petite taille de la machine, l'ergonomie n'a pas été sacrifiée. La position de conduite est agréable et les commandes sont parfaitement disposées. Hormis l'absence du té supérieur de fourche, rien ne diffère de l'habituel. En statique, la consistance de direction est celle procurée par une fourche classique assez fermement freinée par un amortisseur de direction, dont la JBB est dépourvue. L'angle de braquage est conforme à ce que l'on trouve habituellement sur une machine de course, bref, rien ne déroute, rien ne perturbe.

Maniement classique des commandes, je décolle en souplesse, le 4 cylindre Kawasaki ZXR 750 standard qui équipe la JBB (le moteur de course préparé par Jean-Luc Bazin ne devant être monté qu'après cet essai) conserve ses qualités originelles. Tester l'unique exemplaire d'une moto aussi novatrice qui de surcroît a coûté des milliers d'heures d'efforts à ses concepteurs-réalisateurs et qui doit prendre le départ du Bol d'Or dans 15 jours, est un moment impressionnant. Aussi, j'attaque les premiers tours avec circonspection. Alors que je m'attends à tout, la JBB m'étonne par son feeling très classique, me surprend par sa facilité de conduite et sa neutralité de comportement qui n'est pas toujours l'apanage d'une machine de course menée à faible allure.

Excepté le disque avant carbone très peu puissant à froid, tout met en confiance et incite immédiatement à accélérer le rythme. Au bout de quatre tours, je commence à rouler et à m'inquiéter de la faiblesse du frein quand d'un coup, en arrivant au virage de "Golf", les plaquettes semblent se souder au disque. Démoniaque... je suis obligé de relacher la pression pour ne pas m'arrêter net 50 mètres avant le virage.

Du coup, je réduis les distances de freinage d'un gros tiers, et prends la mesure des possibiltés en sollicitant davantage la moto. Malgré l'énorme jante avant de 4,50 pouces de large et le pneu slick Michelin adapté, la JBB est hyper maniable, parfaitement stable, très neutre et très confortable à piloter.
Aisance, et rigidité sans faille
Ce qui surprend, c'est que rien ne surprend justement, hormis l'étonnante aisance de la machine et sa rigidité sans faille. Le feeling est parfait et très conventionnel, la stabilité impeccable, tant en ligne droite que sur l'angle. La suspension avant assure un guidage de la roue très précis tout en se montrant confortable, au freinage notamment... En fait, il n'y a que deux choses inhabituelles, qui nécessitent une accoutumance. La première, la plus évidente, c'est l'impressionnante puissance du frein avant qui est difficile à gérer, surtout lors du relaché à la mise sur l'angle.

Il faut dire qu'une fois en température, le frein carbone offre une instantanéité d'action bluffante. Cette caractéristique m'a d'ailleurs permis de sentir le grip très important du gros pneu avant sur l'angle lors de prises de frein mal dosées. A noter qu'il est prévu l'essai de disques aux caractéristiques différentes (t° de fonctionnement plus basse, progressivité accrue au détriment de la puissance, excédentaire en l'occurrence), qui sera effectué avec l'aide d'un technicien de Carbone Industrie le fournisseur. Second motif d'étonnement, la façon dont la machine arrondit naturellement les trajectoires.

Un phénomène probablement provoqué par la taille inhabituelle du pneu avant. C'est à la fois un des facteurs de l'agrément de la JBB, mais c'est aussi l'obligation de repenser les trajectoires pour des virages type épingle, nombreux à Carole. Avec une machine classique, on redonne un poil d'angle au début de la sortie du virage pour casser un peu la trajectoire et ainsi relever plus tôt la machine afin de favoriser l'accélération. Avec la JBB, c'est la trajectoire initiale qui doit vous permettre de relever aussitôt la machine.

Car, une fois la réaccélération qui précède cette cassure de trajectoire entamée, la JBB enroule de façon inéluctable sur l'arrondi de sa trajectoire. Après la première séance de huit tours, je suis conquis par la facilité de pilotage et le comportement général qui se situent à mi-chemin entre ceux du 500 mono Tucson Véga (voir MJ n° 1046) et de la Yamaha OW 01 de Mounier, deux machines que j'ai essayées dernièrement. Mais je sens que je n'ai pas encore tout compris des possibilités de la JBB. Je repars pour une séance, et, l'habitude aidant, maîtrise instantanément mieux les particularités de la JBB. Sans aller chercher le plein potentiel de la machine, je le sens de plus en plus éloigné au fur et à mesure que je m'en approche.

Je parviens néanmoins à prendre en défaut la motricité qui est correcte mais pas exceptionnelle. Cette dernière devrait progresser avec les derniers Michelin type endurance et en peaufinant les derniers réglages. Autre désagrément, le dribblage de la roue arrière au freinage. De fait, la puissance phénoménale du frein avant et l'adhérence très importante offerte par le gros pneu font que la roue arrière a du mal à rester au sol. Une biellette anti-dribbling jugée inutile au départ devrait tout remettre en ordre.

Malgré toute ma réserve, les temps tombent de deux secondes en 1'10 au tour mais sont encore très loin de ce que la machine est capable de faire, avec moins de retenue et plus d'habitude. Et pourtant, il est visible que la JBB quoique très à l'aise sur un tracé très sinueux comme Carole du fait de sa grande maniabilité, doit s'avérer encore plus efficace dans les courbes rapides. Rendez-vous au Bol pour en avoir la démonstration...
Budget rikiki, passion maousse kosto
Quand on évoque le budget de la réalisation de ce proto, les chiffres annoncés laissent rêveur.

"Qui a financé le projet ?"

"C'est nous".

"Ça a coûté combien ?"

"Un peu moins de 100000 F"

"Seulement ?"

"Oh, bien sûr, c'est juste l'argent que l'on a pu y consacrer. Rien que le moteur, c'est la moitié. Mais on ne compte pas les milliers d'heures d'études, de conception et de réalisation, tout le monde ici, étant bénévole. Pas plus que la note de téléphone d'enfer et tout le reste. Michelin nous fournit les pneumatiques dont l'avant spécial ; Carbone Industrie les freins ; plein de monde, plein de trucs et la société Freix nous a offert grâcieusement les trois quarts de l'usinage, le reste étant entièrement effectué par l'équipe".
Fiche technique express
Tout aussi impressionnante de face que de profil.

Moteur: Kawasaki 750 ZXR, kit client, environ 125 ch
Châssis: Moteur porteur, coque alu faisant office de réservoir et de support de selle
Suspension arrière monobras à flexibilité variable. Débatement 120 mm
Suspension avant à double triangle superposés à flexibilité et anti-plongée variable. Débat 105 mm
Chasse réglable de 15° à 25°. Empattement réglable de 1350 à 1410 mm
Frein avant carbone 305 mm, étrier AP 4 pistons
Poids 160 kg en ordre de marche sans essence
Bruneau et Sébileau
JBB: 45 ans.Natif du Mans, où il exerce la profession de dentiste. Autodidacte de la technique, passionné de moto, il travaille dès 1972 à l'élaboration de protos originaux aérodynamiques, étude des flux d'air internes, conception de chassis voire de moteur (JBB a réalisé un V2/2 temps au début des années 80) Bruneau s'intéresse à tous les domaines. En 1984, il dépose un brevet pour un casque intégral à fermeture intégrée que Nolan lui rachète. C'est cette même année qu'il imagine une suspension à bras horizontaux. Il l'adapte tout d'abord sur une 750 Yamaha puis en 1990 il réalise autour de cette suspension, la JBB-Honda à moteur RC 30 qui s'alignera deux fois aux 24 Heures du Mans. Enfin, profitant de l'expérience accumulée sur la JBB-Honda et de son association avec Vincent Sébileau, il contruit la JBB-Kawasaki de cet essai.

Vincent Sébileau: 34 ans.Diplomé de l'IUT de génie mécanique du Mans, Sébileau commence à travailler dans un bureau d'étude pour le spatial en même temps qu'il fait ses débuts en compétition. Plusieurs années de coupe Yamaha et de promo lui donnent l'occasion de parfaire son pilotage et d'assouvir sa curiosité pour les choses de la technique. Il crée en 1986, la société Texto SARL (doc technique pour l'aérospatiale, étude et réalisation de machines spéciales). Fidèle aux épreuves d'endurance il se joint à l'équipe JBB voilà deux ans.
Informations tirées de Moto Journal
Haut de Page