La sortie, c'est par là ! Laverda 1000 cm3 V6
Laverda 1000 cm3 V6: L'avenir ?
Le 1000 au banc avec derrière: l'ingénieur Alfieri en chemise sombre et Luciano Zen en clair. Pour sa première apparition en course la Laverda 1000 V6 va jouer les vedettes. 5 ans expérience, elle n'a pas de prétentions pour la victoire mais, avec son 6 cylindres et sa transmission par arbre, elle sera le réalisation technique la plus intéressante du plateau. En exclusivité pour Moto-Journal, le père de la V6, l'ingénieur Alfieri vous raconte la genèse de la machine.

Aujourd'hui l'ingénieur Alfieri après avoir fait profiter Laverda de ses connaissances en particulier de ce type de moteur, est devenu directeur de production des nouvelles usines Honda en Italie. Depuis ses visites chez Laverda sont bien entendu rarissimes. "Techniquement, la solution du V6 était la plus tentante et nous a séduit dès le départ, explique Luciano Zen directeur technique de Laverda, et nous avons fait appel à Alfieri, ingénieur le plus célèbre dans ce domaine".

Laissons le raconter avec passion et dans un Français absolument parfait. "J'ai commencé à travailler sur les motos chez Innocenti Lambretta avec des machines de record et en particulier une 250 bicylindre en V. Ensuite, je suis rentré chez Maserati (rappelez-vous les fameuses Bird-Cages à moteur 5 l des années 60) puis j'ai travaillé chez Citroën sur le projet SM. Actuellement je suis directeur de production de Honda Italie et je ne fais plus que de très rares visites chez Laverda pour suivre l'évolution du moteur".
De l'auto à la moto
Le 1000 du Bol d'Or en cours d'habillage. Pour le moteur proprement dit, le passage de l'auto à la moto n'a posé aucun problème particulier et le V6 Laverda est dérivé du 2,7 litres que j'avais dessiné pour la SM Citroën.

La seule petite différence était d'éliminer les effets du couple de renversement propres aux moteurs disposés dans l'axe de la moto.

Nous l'avons réalisé d'une manière tout à fait classique en faisant tourner l'embrayage en sens inverse du vilebrequin.

Le gros problème avec ce moteur très puissant (140 ch à 11000 t/mn) restait les effets de sa transmission par arbre: une force verticale sur l'arrière de la moto dont nous avons réduit au maximum les effets néfastes en adoptant un très long bras oscillant ancré très en avant sur la boîte de vitesse.
Partons sur du classique
Nous avions pensé évidemment à une partie cycle beaucoup moins classique par exemple à une direction de même type que sur la Elf prototype et quelques autres solutions comme la suspension arrière à amortisseur unique sous le moteur présentée au salon de Milan mais comme on dit ici "qui met tout au four en même temps, se brûle" t'entends pépé, et nous avons trouvé sage de partir sur des solutions classiques.

Le reste sera pour plus tard. Cette partie cycle est très simple. Le moteur est porteur avec un petit treillis de tubes supportant la fourche et un simple tube supérieur rejoignant la boîte à l'arrière. Nous avons effectué des essais avec divers types de pneumatiques en particulier des gros pneus de 16 pouces (arrière 3,75/600/16) mais dans un premier temps nous reviendrons peut-être à de classiques 18 pouces pour le Bol d'Or.
Le courage de perdre et l'avenir du V6
La direction Laverda a eu énormément de courage de se lancer dans une telle aventure. Pour le moment la technique de la moto 6 cylindres est encore toute jeune et il faut tout inventer mais il ne fait aucun doute que le V6 supplantera le quatre cylindres à court terme. Ses plus gros avantages sont la faible cylindrée unitaire et le parfait équilibrage.

Quant au poids, il n'est guère plus élevé et cette 1000 n'avoue que 200 kg avec huile mais sans essence. C'est lourd direz vous mais le plus important n'est ni le poids ni l'emplacement le plus bas possible du centre de gravité mais surtout la concentration des masses autour du centre de gravité et leur bonne répartition.

Notre V6 répond très bien à ces critères et est très maniable (NDLR: vous noterez que ces conceptions étaient aussi celles de Shoichiro Irimajiri, père de la CX 500 et de la 400 T et de la CBX 1000 Honda et actuellement responsable du secteur compétition au service Recherche et Développement Honda.
La série pour demain
Laissons le mot de la fin à Luciano Zen qui fait des sourires malicieux quand on lui parle de l'adaptation du V6 à la série: "C'est pour très bientôt, avoue-t-il, nous avons un projet qui reprend le moteur de la machine d'endurance. Une moto ainsi conçue péserait environ 240 kg mais resterait très maniable et facilement utilisable".

Vous admirerez les conditionnels. En tout cas certains détails ne trompent pas ne fut-ce que l'aspect des carters moteurs de la V6 d'Endurance, qui prouve, que la série ne devrait pas tarder.
Heurts et malheurs d'un joint de cardan
La 1000 V6 première version présentée au salon de Milan l'an dernier. Jamais jusqu'ici une transmission par arbre n'avait équipé une moto aussi puissante, et si l'équipe des ingénieurs Alfieri et Zen a l'air de dominer parfaitement ses problèmes de moteur, il semble que les responsables de la partie-cycle se trouvent confrontés à des phénomènes (à première vue) bizarroïdes dans le train arrière. Que celui-ci se soulève à l'accélération, c'est normal: rien de bien alarmant là-dedans, une médication simplissime (le rallongement du bras oscillant, comme sur les BMW et la XS 1100) permet d'en masquer les effets, la seule solution radicale résidant dans un double bras, en parallélogramme, qu'avait adopté les premières MV de Grands Prix il y a un quart de siècle.

Ici, on s'est contenté d'un très long (et très renforcé) bras oscillant, au moins aussi lourd et encombrant que l'idéal parallélogramme, mais qui provisoirement évitera à la petite équipe de devoir défricher le terrain d'une technique encore mal maîtrisée: le principe du V6 suffit pour l'instant à les occuper ! Ce long bras, par ses faibles variations angulaires, a également conduit à l'abandon de la très belle suspension arrière du prototype pour de classique (mais magnifiques) Marzzochi réglabes de partout: quand le V6 sera au point, on verra à y revenir...

Le second phénomène, moins connu jusqu'alors, apparaît comme beaucoup plus inquiétant, puisque le pneu arrière a tendance à partir rapidement en lambeau du côté droit: justement le flanc qui travaille le plus sur les circuits, ceux-ci tournant le plus souvent comme les aiguilles d'une montre ! Cela est dû au fait que la roue a le détestable instinct de tourner autour de l'arbre de transmission, et qu'il en résulte un cisaillage de pneu au niveau du sol: cette moto étant 50 % plus puissante qu'aucune autre à cardan avant elle, l'effort de cisaillement atteint ici des valeurs encore inconnues (environ 150 kilos, d'après mes calculs).

Le hic, c'est que les remèdes sont rares: un deuxième arbre de l'autre côté de la roue serait parfait (...), sinon deux palliatifs: fournir à la roue un couple minimal (en allongeant les rapports internes et en raccourcissant le braquet final), ou éloigner l'axe de l'arbre par rapport au point de contact de la roue au sol (de fait, le mal semble empirer avec une roue de 16 pouces au lieu des classiques 18 pouces). Tout ça pour dire qu'il y a encore pas mal de plâtres à essuyer: si le Bol n'apparaît que comme un test, et si la moto ne peut espérer (cette année) faire la nique aux maîtres de la place, elle sera à coup sûr la plus applaudie des amateurs de della mecannica !
Fiche technique Laverda 1000 cm3 V6
Moteur: 6 cylindres en V à 90° refroidis par eau (5 litres).

Alésage x course: 65 x 50 mm (995,5 cm3).

Distribution: 2 ACT par groupe de trois cylindres entraînés par chaîne. 4 soupapes en toit par cylindre, pistons plats.

Allumage: électronique type F1.

Puissance au banc en sortie de vilebrequin: 140 ch à 11000 tr/mn.

Lubrification: carter sec avec deux pompes. Réservoir d'huile dans le dosseret de la selle.

Alimentation: 6 carbus spéciaux Dell'Orto FRD de 30 mm.

Boîte: 5 vitesses.

Embrayage: multidisque à bain d'huile.

Partie cycle: moteur porteur avec poutre supérieur tubulaire et treillis avant.

Suspension avant: Marzzochi réglable.

Suspension arrière: Marzzochi à gaz. Oscillante.

Transmission: Par arbre et cardan. (Plusieurs couples coniques prévus pour adaptation au circuit. Temps de changement: 5 minutes).

Freins: trois disques Brembo.

Pneus: Dunlop 16 ou 18 pouces.

Poids avec huile mais sans essence: 200 kg.
Informations tirées de Moto Journal.
Par François-Marie Dumas
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