La sortie, c'est par là ! Motosacoche en 1930
Les moteurs MAG D 50 "compétition client"
Couverture du catalogue de pièces détachées D 35 A - D 50 A d'août 1931. Elle prouve à l'évidence que les suppositions de l'auteur en matière de dénomination de type sont fondées. Elle fournit, par le nombre de tirage (200), une idée assez précise de ce qu'à pu être la production maximum de moteurs en version A. Document Collection B. Salvat. Déjà 25 années d'une longue histoire pour cette marque genevoise. L'occasion d'un premier bilan. Pour marquer cet anniversaire, la marque conçoit une nouvelle gamme, dite "Jubilé" avec trois grosses nouveautés: le 500 cm3 Jubilé tourisme, moteur monocylindre à soupapes latérales et arbre à cames "en long" dans l'axe de la moto, cadre à double berceau ; le 500 cm3 Jubilé sport de même architecture mais muni de soupapes "en tête" et le 500 cm3 "Compétition" équipé du tout nouveau MAG D.50.

La marque a déjà depuis fort longtemps un service course officiel et ce D.50 n'est donc pas une surprise pour les amateurs de vitesse ! Dès la fin du premier conflit mondial, Motosacoche crée un vrai moteur de compétition réservé aux coureurs officiels: c'est un 500 cm3 bicylindre en V et soupapes en tête, disposées perpendiculairement au sens de la marche, échappement à gauche, équipée de la "boîte" deux vitesses (deux chaînes primaires, changement par le célèbre "moulin à café"). Cette moto est très légère et excelle surtout dans les courses de côtes, en particulier dans les mains du coureur Rossi.

L'écurie crée ensuite une 750 cm3, toujours en V, mais distribution à deux A.C.T. par cylindre (qui courait parfois en 350 cm3 moyennant l'ablation du cylindre avant). Fin 1927, l'usine fait appel au déjà légendaire Dougal Marchant, créateur de très belles 350 à un A.C.T. chez Chater-Lea, invincibles, avec ou sans side, sur l'anneau de Brooklands au cours des saisons 1926 et 27. Chez MAG, il construit les A 50, A 35 et A 25, respectivement 500 cm3, 350 cm3, 250 cm3, tous monocylindres à un A.C.T., graissage par carter sec, (réservoir d'huile en tôle sous la boîte de vitesses), moteurs très hauts, dûs à des particularités de montage sur lesquelles je reviendrai car le D 50 en bénéficie.

Document Collection B. Salvat. En 1929, deux autres moteurs sortent du service course. Moins évolués techniquement, ils sont dérivés des 350 et 500 cm3 sport bitubes et se prénomment C 35 et C 50. Sans être de vrais moteurs "usine", je ne pense pas qu'ils étaient pour cela destinés aux privés. Disons des semi-officiels car leur diffusion fut très restreinte. En effet, seules survivent aujourd'hui une Motosacoche et une Monet-Goyon en 350 cm3 et un moteur seul en 500 cm3.

C'est dans ce contexte, service course usine très florissant, nombreux records du monde et victoires, qu'arrive la gamme Jubilé, comprenant ce moteur MAG D.50. On peut aujourd'hui le considérer comme le premier (et le seul) compétition-client de cette marque, faisant ainsi abstraction du 500 TT de 1920 et du F 50 de 1936, tous deux n'ayant à ma connaissance pas eu de diffusion réelle, mis à part les catalogues. Car, malgré tout, il reste quelques D 50 aujourd'hui, ce qui tend à prouver une relative diffusion, sinon un réel succès de vente.

En effet, méfiez-vous toujours de la popularité d'une moto de compétition... elles ne se résume souvent qu'à une petite dizaine d'exemplaires fabriqués par année... Pensez que si toutes (ou presque) les marques proposèrent une compétition client, elles le firent presque toutes après 1930, alors que la crise était déjà là et que le public commençait à déserter les circuits, même en Angleterre.
Le tour de l'heureux propriétaire
Extrait du catalogue 1931 de Motosacoche. Document Collection B. Salvat. Motosacoche A 50. Document Moto Revue - Collection B. Salvat. Je n'en suis malheureusement pas ! Lorsque le D 50 paraît, Dougal Marchant n'est plus chez Motosacoche. Il est déjà chez FN, y créant de nouveaux blocs-moteurs à un A.C.T. qui ne peuvent nier une grande parenté avec le A 50. De mauvaises langues prétendent même qu'il aurait dessiné le FN en 1929, dans son bureau d'études chez MAG... Pure vilenie !

Un autre célèbre coureur-ingénieur-metteur au point lui succède: Bert Le Vack, créateur - entre autres - des 250 et 350 JAP deux A.C.T. de 1922 et des 1000 JAP bicylindres KTOR en 1924. Le D 50 ne peut nier ses origines "Marchant" mais il ne me semble pas que Dougal ai eu en charge sa réalisation. D'autre part, Le Vack travailla surtout sur les motos de série, effectuant seulement des essais et courses sur le A 50 (sur lequel il devait trouver la mort en 1931) et c'est donc un dessinateur "maison" qui fit les plans du D.50. En effet, Dougal Marchant ne s'occupait que d'efficacité et pas directement d'esthétique. J'en veux pour preuve l'exemple des reniflards. Sur le A 50, ils sont disposés là où il restait de la place, sans plus, alors que ceux du D.50, tout en étant aussi efficaces, ont vu leur emplacement choisi par pur souci esthétique. Ce sont tous ces petits détails additionnés, que je vois mal dans les préoccupations de Dougal, qui me font attribuer la parenté, mais pas la réalisation.

Car, pour tout amateur de mécanique, pour qui une belle moto n'a pas forcément quatre cylindres, le MAG D.50 est pur chef-d'oeuvre. Sa hauteur démesurée semble un défi à tout créateur voulant l'installer dans un cadre déjà existant et ses carters moteurs ont des formes si torturées que l'on a peine à imaginer que le vilebrequin qu'ils cachent soit rond... Un seul tube d'échappement sort, incliné vers le bas, de la culasse et confère une ligne très agressive à ce moteur.

La boîte de vitesses, montée haut dans le cadre confirme cette impression, donnant du caractère au côté embrayage, partie généralement la moins élégante d'un moteur.

Tout ceci n'est qu'une question d'appréciation, me direz-vous. Aussi, je vous laisse seuls juges et en viens au point où, à priori, l'esthétique ne joue pas: la technique ! (mais que faire alors du célèbre dicton qui nous dit qu'esthétique et technique sont indissociables ?).
Le bas moteur
Culasse du D 50. Photo P. Delli. Embiellage du D 50. Photo P. Delli. Les deux demi-carters principaux sont très profonds. En effet, la moto ne possède pas de réservoir d'huile et celle-ci est contenue dans le bas du moteur. Une poche en aluminium coulé y est fixée sur l'arrière et permet une capacité de deux litres. Quantité très faible qui est à l'origine du peu d'endurance du moteur, l'huile atteignant très rapidement des températures critiques (surtout les huiles d'époque, même le ricin) et qui en fit réserver l'usage aux seules courses de côtes. Le bouchon de remplissage est sur la droite de cette poche, le niveau maxi au ras du bouchon. Il y eu deux types de D.50: "A" et B (*). Je ne connais de "A" qu'en photographie et il correspond au montage de la boîte de vitesses directement sur la poche d'huile. Autre différence: le sigle MAG est venu de fonderie en bas du carter droit. Sur le B, ce sigle se retrouve, énorme, sous l'embase gauche du cylindre et surtout, la poche ne soutient plus la boîte. En effet, le couple - énorme, paraît-il - du moteur dut créer des problèmes de rigidité et d'étanchéité sur le "A" et l'évolution du B confirme ce point.

A vrai dire, le vilebrequin ne fait pas très "course" si l'on excepte sa bielle, très fine. Les deux volants sont naturellement en acier forgé mais ils ne sont ni polis, ni chromés, ni même "pleins" pour limiter l'entraînement et donc la résistance de l'huile. Nettement moins beau qu'un Saroléa "Grégoire" pour rester dans le même ordre de machines "privées". Le montage des soies et du maneton est très classique, par cônes peu pentus, clavettes et écrous. Ces soies tournent dans de gros roulements (deux côté primaire, deux côté distribution) et ils sont emmanchés dans de grosses coquilles d'acier usiné montées légèrement dures dans les alésages axiaux du carter. Elles ne sont pas boulonnées dans l'aluminium des carters, à la manière des Terrot course, par exemple, mais les vis les traversent et deux contre-plaques d'acier permettent l'immobilisation. Le graissage est confié à une pompe munie d'un seul étage d'engrenages, logée dans le fond du carter droit, sur l'arrière et entraînée par le vilebrequin, via une vis sans fin et un pignon hélicoïdal. Elle pompe l'huile par un long tuyau dans l'extrémité de la poche amovible et l'envoie, à travers des forages, dans le couvercle de distribution où l'huile se divise en deux flux: l'un vers le vilebrequin, au travers d'une vis-filtre et l'autre vers le boîtier de culbuterie, en passant alors par un indicateur de pression Best and Loyd. L'huile redescend par gravité et est filtrée, sous le vilebrequin, par une grille.

Si la vis-filtre du vilebrequin est aisément démontable, il n'en est pas de même pour cette grille, qui nécessite le démontage des deux demi-carters pour y accéder. L'arbre à cames est supporté par deux petits roulements et il attaque les tiges par l'intermédiaire de basculeurs. L'allumage est assuré par la très fiable magnéto Bosch FF 1 A montée sur une plateforme venue de fonderie sur le carter droit. Elle est maintenue en place par la classique bride en aluminium des productions Motosacoche. Quatre vis, dont deux munies de tétons de centrage, se trouvent entre la plateforme et la magnéto, permettant d'en régler la hauteur et donc la tension de la chaîne de commande. L'avance maximum ne doit pas dépasser 45° quel que soit le carburant employé. Les indices thermiques de bougies varient suivant l'usage entre 280 (sans trop tirer) et jusqu'à 360 pour de bonnes performances sans "percer" de piston. Le bas moteur est muni de deux reniflards montés sur l'avant du cylindre et débouchant dans une chambre de tranquilisation. Les pignons moteur varient entre 16 dents et 19 dents.
Le haut moteur
D 50 B. Document Collection P. Delli. Monet-Goyon MAG A 50 1929. Document Moto Revue - Collection B. Salvat. Je ne vous ai pas encore communiqué les cotes moteur: le piston a un diamètre nominal de 82 mm et la course est de 94 mm, soit 498 cm3. D'origine, le piston est plat (une des meilleures formes pour une chambre de combustion) et donne une compression de 8,3 à 1, nécessitant l'usage d'un carburant fortement alcoolisé, qui offre, outre une plus grande puissance, un meilleur refroidissement interne (non effectué par le peu d'huile du moteur, rappelez-vous !).

Deux cales sont livrées avec le moteur: 2 et 3 mm. Avec la cale de 2 mm (qui se monte sous le cylindre), on roulera au super d'aujourd'hui ou au 50/50 essence-benzol de l'époque. Si l'on ne dispose que d'essence (très faible taux d'octane en 1930), on ajoutera encore la cale de 3 mm soit 5 mm au total. Pour ne pas trop dérégler la distribution, trois jeux de tiges sont fournis et sont à changer en même temps que les cales. Le cylindre, coulé en fonte spéciale, est appareillé aux carters (même numéro de série) et son montage dans l'alésage des carters doit s'effectuer sans précipitation ! Il est maintenu en place par quatre goujons et écrous.

La culasse, de la même fonte, est très ailetée (pour 1930, j'entends !) et repose sur une large embase du cylindre et sept goujons et écrous assurent l'étanchéité de la chambre de combustion. Le conduit d'échappement est dans l'axe de la moto, tandis que celui de l'admission est légèrement déporté vers la gauche. Un long tube de 50 mm de diamètre évacue les gaz. Les deux soupapes, en V, reposent directement sur la fonte de la culasse. Le guide d'admission est en bronze étiré car bien refroidi par les gaz frais. Celui de la soupape d'échappement est, lui, en fonte.

L'énorme boîtier de culbuterie se fixe sur le dessus de la culasse par quatre vis. Les deux culbuteurs oscillent sur de gros axes traités et le réglage du jeu aux soupapes (échapt. 0,25, adm. 0,15 mm) s'effectue par excentriques sur le côté gauche. Les culbuteurs n'attaquent pas directement les soupapes. Deux guides sont emmanchés dans le boîtier et dans l'axe des soupapes, et ils reçoivent deux poussoirs cylindriques, permettant, grâce à ces pièces intermédiaires, une attaque bien axiale des soupapes, limitant ainsi l'usure et l'ovalisation des guides de soupapes, très exposées. Ceci est une des caractéristiques majeure des moteurs "Marchant" (A 50, et plus tard, toute la série des FN G.P., y compris les derniers moteurs "cross" d'après 1945...). L'on s'explique mieux alors la hauteur de ces moteurs !

La culbuterie est graissée, comme je l'ai déjà dit, sous pression et une dérivation sur la descente par gravité alimente les deux guides de soupapes par de petits tubes débouchant du carter vers la culasse. Le carburateur est normalement un Amac sans aiguille, double cuve, à fixation par collier sur un tube fixé à la culasse par une bride non normalisée.
Quelques chiffres
Document Collection B. Salvat. Pour les inconditionnels de la fiche technique...

Puissance: de 25 à 33 chevaux à 5 500 tr/mn selon les cales et le carburant.
Régime maxi: 6 000 tr/mn.
Vitesse maxi théorique: 160 km/h avec le 19 dents à 6 000 tr/mn.
Boîte normalement montée: Sturmey-Archer sans kick, 3 vitesses.

Rapports:
1re: 2,18
2ème: 1,33
3ème: 1

Soit avec 18 dents:
10,25
6,86
5,16

Soit avec 19 dents:
10,63
6,50
4,88

Carburateur Amac de diamètre 27 mm.
Ressorts de soupapes à double pincette.
Quelques parties cycle
Condor à moteur D 50 1931. Photo Collection J. Goyard. A tout seigneur, tout honneur: la Motosacoche type 422 reçoit ce moteur MAG D.50. Il y eu deux types de parties-cycle. La première, c'est au début, quand les finances sont stables ! Elle se constitue principalement d'un cadre à double berceau ininterrompu, entièrement fermé, sans partie démontable et muni de chapes ajourées et de raccords de cadre à double biseau. L'angle de la fourche arrière est relativement fermé car la courbe de liaison des tubes descendants avec les tubes horizontaux inférieurs se trouve entre la boîte et le moteur.

Ce magnifique cadre, très proche des A 50 d'usine, est équipé d'une fourche Webbs "heavyweight" renforcée pour la course, de roues avant et arrière de 21 pouces (pneus 2,75 avant et 300 arrière) et d'un vaste réservoir au fond plat de 16 litres parfois festonné. Un réservoir en crosse de 20 litres peut être fourni moyennant un supplément nous précise le catalogue. La boîte de cette version ne me semble être que la Sturmey-Archer.

La deuxième version, vers 1932 environ, garde la même ligne mais le cadre est désormais celui du Jubilé sport, avec fourche arrière supérieure démontable, courbe inférieure à l'aplomb du tube de selle, en arrière de la boîte, et les raccords et chapes ne sont plus ni biseautés, ni ajourés...

L'on sait que la maison Hurth a fourni à cette époque quelques boîtes "racing" très massives à quatre vitesses au pied, avec une certitude qu'elles ont été montées sur les A 50 vieillissants, mais toujours vigoureux, mais je ne saurais affirmer que les D.50 en bénéficièrent. A partir de 1934, on ne voit plus ni publicité, ni catalogue parlant du D.50 et l'on peut donc en déduire qu'il ne se fabrique plus en 1935.

D'autres marques montèrent le MAG D 50. En Suisse même, la marque Condor en livra quelques modèles, louant, pour son propre service course et son pilote Cordey, le A 50. En France, au moins une New-Map type D 50 fut construite ainsi qu'une Motosacoche France, similaire à la New-Map pour sa partie cycle. Toutes deux sont équipées de boîtes Burman quatre vitesses et possèdent des parties cycles postérieures à 1932 (fourche New-Map à quatre gros amortisseurs) mais je ne puis être plus précis par suite du manque de documents. Alors, motos fabriquées avant 1934 pour des clients ne pouvant acheter une "vraie" Motosacoche ou motos construites après 1935, du fait de l'abandon du type 422 par Motosacoche ?

J'espère être arrivé à vous faire apprécier ce gros moteur qui, à défaut d'être très endurant et très rapide, révélait au dire des anciens une "santé" et des accélérations remarquables.

(*) n'étant pas sûr que le premier s'appelle "A", je joins les astérisques.

(**) ce qui confirmerait une "relative" diffusion en deçà des espoirs de l'usine. Patrick Delli.
Additif:
Une pré-série de cinq D 50 très puissants (38/39 chevaux sans cale) fut réservée par le service course. Ils possédaient un palier supplémentaire à l'extérieur du pignon moteur, tout comme les A 50.

C'est l'ingénieur Nebel qui réalisa la gamme "Jubilé" complète, y compris le twin 850 cm3 à soupapes latérales sorti un an plus tard, fin 1931.

Lors de l'arrêt de la fabrication du type 422, Motosacoche détruisit à Annemasse, le stock restant de moteurs fabriqués, environ une centaine (**).

A partir de 1930, MAG proposait, pour l'achat de cent moteurs de série (grosse quantité pour l'époque) un D.50 en prime. Un D.50 fut ainsi livré à Monet-Goyon d'après les livres de l'usine. Une boîte Burman quatre vitesses pouvait être montée en option sur les D 50 et D 35.

Les premiers plans de D.50 (décembre 1929) font apparaître une boîte Hurth racing à sélecteur.

Un troisième type de cadre fut également proposé: dérivé du cadre "Jubilé" sport, il était très renforcé au niveau des chapes et raccords, en prévision d'un usage avec side-car.

Les marques Allemandes Standard et Triumph (futur TWN) proposèrent le D 50 de 1931 à 1934. Eric Bezon - Genève.
Motocyclettiste N° 29
Revue des Fanatiques de Motocyclettes Anciennes
Novembre 1983
ISSN 0396-7612
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