La sortie, c'est par là ! Les motos militaires Belges
Tricar équipé de la mitrailleuse Hotchkiss 13 mm anti-aérienne, dans la cour de l'usine. Remarquez, sous le châssis, les béquilles amovibles nécessaires pour la stabilité de la plate-forme, lors du tir. Dans les deux parties précédentes de notre série, nous avons abondamment parlé de la FN 1000 avec side-car, de sa conception, de ses essais et des diverses caisses du side-car, ainsi que des différentes versions.

Le moteur flat-twin (2 cylindres à plat) qui l'équipe est jugé, à juste titre, tellement fiable qu'il va servir de base à la réalisation du Tricar FN T3.

Avant d'étudier ce véhicule plus en détail, il nous semble intéressant de vous signaler que le moteur original à soupapes latérales a été modifié sur un prototype et équipé de culbuteurs.

La guerre n'a pas permis la généralisation de ce moteur.
Le Tricar FN type 12 T3
Prototype du moteur culbuté placé sur une moto type 12aSM. Pour la circonstance, le filtre à air a été disposé à droite de la génératrice. Si la nécessité d'une armée motorisée s'imposait aux clairvoyants, les moyens pour y parvenir (et la technique de l'époque) n'étaient pas commodes. Il y avait effectivement un vide pour le transport de petites charges d'environ 6 à 700 kg. Rien n'était prévu et il fallait obligatoirement emprunter un camion, ce qui n'était ni rentable ni toujours efficace. Enfin, point important au niveau politique: le camion était repris administrativement comme "véhicule", tandis que le Tricar pouvait être assimilé à une "moto"; cette subtilité permit de nouvelles dotations et la mobilité des unités y gagna.

Tout le monde était content ! Il faut reconnaître que l'idée du Tricar n'était pas due à la FN (à l'époque: Fabrique Nationale d'Armes de Guerre de Herstal), mais, à notre connaissance, sur une échelle commerciale, à la firme Moto Guzzi qui, la première en 1928, avait sorti son type 107. Au premier coup d'oeil sur cet engin, l'on remarque directement qu'il s'agit d'un véhicule "composite": l'avant, jusqu'à la selle du conducteur, est celui d'une moto, mais l'arrière est indiscutablement de conception automobile.

Colonne de Tricars en attente au camp de Beverlo. Caisse du type transport de mitrailleuse. L'ensemble forme cependant un tout agréable et utile. Nous ne nous attardons pas sur le moteur qui est identique à celui de la moto 12aSM (voir VMI n° 16). Le châssis est constitué de robustes tubes en acier étiré de 3 cm ; il est le "jumeau" de la moto jusqu'à la selle. A l'arrière, un solide pont de type banjo transmet le mouvement aux deux roues motrices. Le mouvement est transmis du moteur au pont par un arbre plus ou moins long selon qu'il y a un réducteur ou non. Un joint toilé de type "Hardy" assemble l'arbre et le pont.

Le réducteur, placé directement après la boîte de vitesses, était en option, de même que le blocage du différentiel. Bien qu'initialement prévues à fils, les roues deviendront rapidement à voile plein. Les pneus utilisés sont des 14x45 à l'arrière et un 12x45 à l'avant, en temps normal (14x45 pour les travaux exigeants). Les roues sont interchangeables.

Vue droite du Tricar. Châssis sans caisse. Remarquez le châssis tubulaire. Le souci des réparations aisées et de l'utilisation militaire de l'engin a poussé la FN à scinder le châssis en deux parties à hauteur de la selle. Au niveau de cinq points d'attache, il peut être divisé en deux parties totalement indépendantes et donc facilement réparables séparément. L'immobilisation d'un véhicule était ainsi fortement réduite. Le confort (!) était assuré, à l'avant, par la fourche et, à l'arrière, par deux gros ressorts semi-elliptiques reposant sur le pont arrière, renforcés par deux amortisseurs hydrauliques Armstrong.

En ce qui concerne les dimensions, le Tricar possède un empattement de 2,20 m et une voie de 1,36 m. Sa longueur est de 3,30 m et sa largeur de 1,60 m, sauf avec carrosserie spéciale. Le rayon de virage minimum est de 3 m à la roue extérieure. La masse d'un Tricar nu (châssis, moteurs et roues) est de 425 kg, la masse en charge pouvant atteindre 1100 kg ! La partie arrière, réservée à la carrosserie, a une surface utilisable de 24,5 m2.

Le rêve du collectionneur ! 70 Tricars attendent dans le hall de montage la caisse qui leur est destinée. Sa vitesse maximum en palier est de 75 km/h, mais ses performances en charge sont remarquables: des pentes de 40% sont gravissables sans réducteur, tandis qu'avec celui-ci, la pente gravissable n'est limitée que par l'adhérence des roues au sol ! Pour ces essais, la charge était de 550 kg. Cet aspect tous-terrains du Tricar FN constituait sa qualité prédominante et lui conférait une valeur militaire qu'aucun autre véhicule similaire n'avait jamais atteinte.

Car, créé pour le service dur à l'armée et possédant toutes les caractéristiques essentielles d'un engin vraiment militaire, le Tricar offrait les possibilités d'utilisation les plus variées: transport d'officiers d'Etat-Major, transport de troupes, transport de munitions, installation de postes de TSF, transport de matériel téléphonique, transport de carburant, véhicule atelier, base pour mitrailleuse, transport de vivres, etc. Sa grande surface carrossable l'a fait équiper de toutes les versions possibles.

Même la FN a "civilisé" un tel engin pour en doter son propre corps des pompiers ! Les militaires ont de suite remarqué la plate-forme idéale pour supporter une mitrailleuse anti-avions ; le Tricar offrait de surcroît la mobilité. De (trop) longs essais furent demandés afin de déterminer la mitrailleuse la plus adéquate ; la compétiton fut âpre et les désirs de l'Etat-Major excessifs. Aussi, lorsqu'enfin les essais réels débutèrent avec les mitrailleuses Maxim, on remarqua que les balles de 7,65 mm utilisées étaient peu efficaces contre les avions ; en outre, une fois équipées pour le tir anti-aérien, il n'était pratiquement plus possible d'effectuer des tirs contre des objectifs au sol.

Tricar en version utilitaire. Il fallut donc repenser complètement le problème, tant au point de vue de l'arme que de l'affût. Après une nouvelle série d'essais, seules les mitrailleuses lourdes Hotchkiss de 13 mm furent adoptées, avec réticence car la Commission d'Armement avait remarqué que les canons ne résistaient pas bien à un tir prolongé et continu de 1000 coups ! Or, il était connu qu'en tir anti-aérien sur des avions volant bas, on ne tire que de courtes rafales... Bref, après de nouvelles tergiversations, la "drôle de guerre" sentant le roussi, l'Etat-Major se décida enfin, presqu'à contre-coeur, à passer commande, le 27 février 1940, de 88 Tricars équipés de la sorte. La FN promit la fourniture pour le mois de juillet... (* voir au bas de la page). Bien entendu, aucun ne fut livré.

Tricar en version transport de passagers. Avec le recul, nous connaissons hélàs la suite. Mais sans vouloir refaire l'Histoire, nous pensons que ces 88 Tricars anti-aériens, disséminés dans les unités, elles-mêmes poussées et noyées par la masse de civils sur les routes en mai 40, auraient pu faire de l'excellent travail et au moins gêner les Stuka dans leur triste besogne. Ils n'auraient certes pas changé l'issue du conflit, mais ils auraient pu au moins, c'est notre intime conviction, inspirer un peu plus de respect, pour ne pas dire de prudence, à l'aviation ennemie qui a pu, en leur absence, agir comme à l'exercice.

Le nombre total de Tricars fabriqués est de 331 exemplaires, toutes versions comprises, dont une blindée. Tous ces véhicules ont été livrés à l'armée Belge, à l'exception de trois exemplaires exportés vers l'Amérique du Sud et les Indes Néerlandaises. Il est donc inutile d'insister sur la rareté des survivants ! Au niveau dotation, les Tricars remplacèrent en priorité les motos side-car 12aSM équipées du side "réserve essence" ou "atelier" de la 1re Division de Cavalerie.

Les motos ainsi remplacées échurent à la 2ème Division de Cavalerie, aux Chasseurs Ardennais et aux Cyclistes. Enfin, pour terminer sur ce sujet, il est utile de préciser que seul le Tricar ayant un châssis tubulaire est d'avant-guerre.

En effet, après le conflit, vu la pénurie de véhicules, la FN a produit un véhicule identique mais avec un châssis en acier profilé en U, avec ou sans cabine, dénommé T8 ; il était équipé du même moteur, mais avec une boîte à 5 vitesses au pied, démarreur électrique Paris-Rhône et carburateur Solex. Ce modèle n'a jamais été livré à l'armée. Il n'en est fait mention ici que pour renseigner les lecteurs de VMI qui sont par ailleurs collectionneurs.

* Note: Certains auteurs parlent de la mitrailleuse Browning 13,2. C'est possible, mais notre source est le général Van Overstraeten lui-même. Le débat est ouvert.
Tricar en version transport de munitions. Couverture du magazine Das Motorrad du 18/1/1941. Des mécanos Allemands travaillent sur une boîte de vitesses et un embrayage de FN 1000.
Le Tricar civilisé des pompiers de la FN. Cet exemplaire avait été réalisé en vue d'intéresser le marché civil. Vue en plan du Tricar. Remarquez le système de blocage du différentiel, les deux tringles de freinage, les amortisseurs hydrauliques Armstrong et le joint Hardy.
Informations tirées de VMI (Véhicules Militaires International) N° 20 du 15 octobre/15 décembre 1987.
Par Charles Gillet. Archives de l'auteur.
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