La sortie, c'est par là ! La Suzuki Nuda
Suzuki tisse sa toile
Certains prototypes ont parfois de curieuses destinées. La Falcorustyco présentée en 1985 séjourne sous une cloche de plexy. Après Yamaha et Honda, nous voici chez Suzuki. Encore une marque qui porte le nom du père fondateur. A priori, il n'y a pas de rapport entre un métier à tisser et une GSX-R. C'est pourtant par là que tout a commencé... Nous voilà à Hamammatsu. Au bas mot 500000 âmes. Encore l'une de ces villes ou il faut un bon décodeur pour ne pas se perdre. Notre guide, Yasuharu Osawa, attaché au Président de Suzuki France, connaît les lieux aussi bien que les méandres de la langue Française. Cette ville n'est autre que le berceau de l'industrie motocycliste Nipponne.

Honda, Yamaha et Suzuki y ont leurs racines historiques. Allez donc savoir pourquoi, ces sacrés bonshommes se sont donnés le même mot: moto. Entre 1949 et 1959, deux industriels du piano (Yamaha) et des métiers à tisser (Suzuki) ont rejoint Soichiro Honda. Plus d'une centaine d'industriels du vélomoteur, n'ont pas survécue à ces trois marques... Pour la petite histoire, Suzuki fabriquait déjà des automobiles en 1937. Cette marque est restée fidèle à cette cité, en y conservant son siège et une importante unité de production (192000 m3).

L'activité de Suzuki Motor Corporation s'étend à trois grands secteurs d'activités: automobile, motocyclisme et motonautique. L'importance des chiffres d'affaires suit cette chronologie. Avec une progression constante, l'automobiles est en passe de peser de plus en plus lourd dans la balance. Cette spécialité pour Suzuki, fait partie de l'histoire ancienne. Si la technique est maîtrisée pourquoi ne pas y appliquer en plus, ce que la moto leur a enseigné: déclinaison de gammes et renouvellement des modèles ?

A l'inverse des autres marques, Suzuki a soigné son partenariat Européen (production en Espagne, association avec Rover) pour étayer sa branche automobile. Dans une perspective de mondialisation de la production, sujet d'une actualité brûlante, Honda, Yamaha et Kawasaki ont plus ouvertement misé sur leur specialité. Ils ont pris pied chez MBK, Peugeot, Derbi et Montesa. Suzuki n'a pas encore franchi ce pas, en misant fortement sur la production dans les pays asiatiques (Malaisie, Thaïlande, Chine, Inde, Pakistan, Philippines).

Dans un ordre d'idée à peu près similaire, Honda et Yamaha ont depuis un certain temps des centres d'études Européens (design, marketing).Ce n'est pas le cas de Suzuki dont les préoccupations collent à l'équilibre de sa propre économie au prix d'une gestion serrée. Pour l'heure et avec une réussite certaine en France, Suzuki Motor Corporation préfère répondre à une attente, sans prendre ouvertement le risque de la devancer.
Un simple avis ou une décision sur le mode Nippon ne peut-être pris ou donné qu'à l'unanimité
La NUDA présentée en 1988 est une évolution de la Falcorustyco, mais sur ce prototype les deux roues sont motrices. Ces considérations nous conduisent directement dans un salon feutré, sous l'effigie encadré du créateur de la marque. Ce n'est plus un tour de table, c'est un collège. Les cartes de visite sont échangées, douze personnes prennent place. Le staff présent illustre une idée répandue selon laquelle un simple avis ou une décision sur le mode Nippon ne peut-être pris ou donné qu'à l'unanimité. Ce n'est pas caricatural, ou si peu, c'est pyramidal. Partons du principe qu'à chaque thème abordé, personne ne peut se substituer à l'avis de celui qui en a la maîtrise.

Plus simplement, pour nous la démonstration coule de source. Comment ne pas y voir l'intérêt porté au marché Français ? C'est de bonne guerre, M. Tani, premier Président de Suzuki France, veille au grain. La moindre allusion faite à la nouveauté attendue pour 1992 lui permet, très cordialement, de tirer d'embarras les chefs de projets impliqués.

Plus de quatre années ont passé sans parvenir à effacer le souvenir de la NUDA, esthétiquemeniet technologiquement ce prototype n'a en effet rien perdu de son impact: "La NUDA a été creé par un groupe d'étude specialement formé pour cette tâche particulière à l'occasion du salon de Tokyo.

Ce groupe était constitué d'ingénieurs mais aussi de personnes du marketing. Nous ne pouvons faire aucun commentaire relatif aux diverses solutions potentiellement applicables à la série". Pour mémoire, rappelons que la NUDA fut précédée en 1986 de la Falcorustico. Il existe plus d'un trait de ressemblance entre ces deux machines, à commencer par leur transmission et leur direction hydrauliques.
Nous retenons la promesse d'un mode de transmission inédit
La NUDA présentée en 1988 est une évolution de la Falcorustyco, mais sur ce prototype les deux roues sont motrices. La NUDA, à la ligne plus apurée, disposait de deux roues motrices, toujours par une entremise hydraulique. En revanche, celle-ci n'était pas dotée du 4 cylindres en carré de sa devancière, préférant dissimuler sous son carénage un 4 cylindres en ligne refroidi par huile.

Sans que cela puisse constituer un indice concret, seule la Falcorustico semble avoir rejoint le musée. Les fantasmes ont la vie dure, et ce style de réalisation démontre que la réflexion n'est pas en reste.

Nous retenons la promesse d'un mode de transmission inédit. Les lignes de ces deux exercices de style, introduisent naturellement un échange de point de vue relatif au design. "En ce qui concerne les valeurs de Cx (trainée aérodynamique) et Scx (surface frontale), la recherche se situe non pas au niveau de la vitesse maximale, mais davantage sur la réduction de la consommation, la protection avec le souci de préserver la maniabilité et l'aisance de conduite.

Le bio design semble répondre à un phénomène de mode, le retour des lignes tendues devrait s'effectuer bientôt".
Le retour du deux temps est très sérieusement envisagé, qu'il s'agisse d'application auto ou moto
L'état-major de Suzuki au grand complet (moteur, partie-cycle, design, marketing) de la division motos. Réunion placée sous la houlette de Masao Tani, premier Président de Suzuki France. Comme tous les constructeurs Japonais, Suzuki analyse les fluctuations du marché, reste raisonnablement optimiste pour l'Europe et ne désespère pas d'une relance aux Etats-Unis: "Pour les quatre prochaines années, le marché Européen, devrait se calquer sur les saisons passés. Pour cela, la stabilité économique doit se maintenir et les taux de change demeurer stables. En espérant une ouverture vers les pays de l'Est, nous comptons sue l'unification de l'Europe avec un permis unique.

Par ailleurs, nous sommes conscients du climat d'insécurité relatif à la pratique de la moto". Pour vous ; ces perspectives peuvent prendre un tour très concret. Si votre pouvoir d'achat n'augmente pas, la parité monétaire entre le Franc et le Yen suffit à faire basculer les prix de vente les plus stables. C'est l'une des raisons mises en avant par Suzuki pour expliquer l'effondrement du marche US: "La hausse des prix due aux taux de change, mais peut-être aussi un degré de sophistication trop élevé pour le marché, engendre des prix de vente trop élevés". Les responsables de l'usine semble désireux de ne pas différencier la demande entre les marchés.

C'est à dire prendre en compte les impératifs US et leur adjoindre ceux propres à l'Europe. L'objectif avoué est simple, trouver un compromis suffisamment bon marché répondant à un cahier des charges général. Voilà le but reconnu de toute firme digne de ce nom, réduire les exigences spécifiques inhérentes à chaque pays à de simples opérations au coût minimum. Un souci de cet ordre, visant à amoindrir les coûts de production, se répercute sur les prix de vente final.

A droite, Michio Suzuki le père fondateur de la marque. Tout a commencé par des machines à tisser alors que le premier cyclomoteur fut commercialisé en 1952. Suzuki n'a-t-il pas la réputation de tirer ses prix ? Pour un proche avenir, nos interlocuteurs soulignent le redéveloppement de trois modèles de base: GS 500, VX 800 et 1100 G afin d'en abaisser le coût de production au maximum. Lors de notre rencontre, les futures dispositions Européennes se rapportant à la période probatoire de deux ans, après passage du permis de conduire, étaient d'actualité. Cette période test s'accompagnera d'une mise en circulation de machines à la puissance réduite.

Le marché intérieur Japonais, largement pourvu en 250 et 400 cm3 (de 40 à 59 ch), pourra étendre la commercialisation de ces modèles à l'ensemble de l'Europe. La Bandit fait partie du lot, ne manquez pas de vous reporter au système de distribution variable équipant la nouvelle Bandit à culasse rouge. Parfaitement ! Testa Rossa, comme Ferrari.

C'est une solution technique chère au coeur de Sadayuki Inobe. Le même personnage semble aussi en savoir long sur le concept d'une deux roues motrices... Ici aussi, le retour du deux temps est très sérieusement envisagé, qu'il s'agisse d'une application auto et moto. Nous rêvons tous d'une Schwantz Replica. Les services d'homologation rêvent d'un gros deux-temps non polluant et silencieux, il manque le feu vert des services commerciaux.
Nos hôtes annoncent la fin du développement de leur ABS, il est prêt
La première Suzuki. Baptisée Power Free, c'est une bicyclette propulsée par un moteur 2 temps de 36 cm3 développant 1 cheval. Qui aurait pu dire qu'un jour il aurait fallu se contenter de... 100 fois plus ? Pour Suzuki aussi, la limitation à 100 CH est un problème délicat. L'usine confirme la difficulté de son respect absolu, face à l'absence de compromis satisfaisant au niveau de la législation Européenne. Dans le cours de la conversation, les débuts de la GSX 1100 F sont évoqués. A l'époque la presse spécialisée avait mis en garde Suzuki France face à la tenue de route incertaine de cette GT. Après une période de doute et une commercialisation effective, l'usine a pris les choses en mains: "Ce modèle a été conçu au niveau mondial. Les impératifs de certains pays n'ont pas été pris en compte. Notre réaction, nous a enseigné beaucoup de choses..." A l'époque, l'usine a délégué en France l'un de ses ingénieurs pour activer la mise en configuration définitive du modèle. Le responsable en question semble, à cette occasion, s'être offert un certain nombre d'allers et retours dans la région de Toulon. Nos hôtes nous annoncent la fin du développement de leur ABS, il est prêt.

Reste à décider de sa commercialisation et du modèle phare susceptible de le recevoir dans un proche avenir. Une grande partie de ce qui n'a pas été dit, l'est dans la présentation détaillée de la nouvelle GSX 750 R. Un modèle dont le succès ne se dément pas et sur lequel Suzuki fonde de très sérieux espoirs sportifs. Nous achevons notre visite par le hall d'exposition. Un résumé historique à l'échelle 1 où se superposent des générations d'appliquations mécaniques. Une Rotary RE 5 y a sa place. Associée à la GT 750, elle représente une époque flamboyante. Sur une mécanique Allemande (NSU / Wankel), les ingénieurs Japonnais ont éprouvé le meilleur de leur technologie ; calculs informatiques, usinage, ergonomie, design, tests tous azimuts. Cette bécanne n'a rien perdu de sa modernité.

A l'époque cela s'appelait, chez Suzuki, la contribution au motocyclisme moderne. Suzuki tisse sa toile avec méthode. Une manière de bien faire sa pelote en donnant du fil à retordre à ses concurrents. La moto a connu au milieu des années 80 un sérieux revers de fortune, le temps n'est pas encore aux vaches grasses. Il nous faut encore attendre pour connaître un marché apaisé plus enthousiaste. La moto à grand spectacle ne peut être jetée en pâture gratuitement à un marché manquant de culot. Suzuki se plie à l'humeur économique du moment. Pourquoi lui en faire grief, c'est le lot de tous ? Monsieur Osawa dont la présence nous fut très précieuse, accompagné de l'un de ses collègues, nous reconduit à la gare. Un Shinkansen nous attend, avec ses plateaux repas, ses annonces micros pour initiés, et des serveurs de bonne humeur qui saluent à la cantonade. C'est réjouissant, en étant là, d'avoir l'impression de faire plaisir à un inconnu.
La distribution variable selon Suzuki...
L'électro-vanne (axe horizontal) commande l'ouverture des deux circuits verticaux. Celui de gauche assure un mouvement de fermeture, l'autre l'ouverture de l'axe parallèle à l'électro-vanne. Le principe de la distribution variable intéresse les motoristes à plus d'un titre. Ce système tend à adoucir les mécaniques réputées pointues. Un mécanisme similaire peut aussi être envisagé sur un moteur ne fonctionnant qu'à charge partielle, en occultant un ou plusieurs cylindres. En ville, par exemple, l'économie de carburant s'en ressentira favorablement. Honda a adopté une distribution variable (VTEC) sur bon nombre de ses moteurs automobiles, y compris sur le V6, 3 litres de la fameuse NSX.

Après l'impulsion hydraulique, une crémaillère assure la rotation des supports de basculeurs. La came centrale détermine le diagramme à bas régimes: levée ADM: 5,8 mm - ECH: 5,4 mm. Les deux cames extérieures visent les hauts régimes à partir de 9000 tr/mn: levée ADM: 7,5 mm - ECH: 7 mm. L'intérêt du VTEC s'applique à des moteurs de petites cylindrées multisoupapes (1500 cm3), mais aussi à des bases moteurs réputées pour leur souplesse naturelle, doublée d'une importante valeur de couple. Le "VC Engine" (Variable valve Control) de Suzuki s'applique ici pour la première fois à la 400 Bandit. Son 4 cylindres n'est pas réputé pour sa souplesse, le rôle de ce dispositif est donc d'assurer un meilleur remplissage aux régimes intermédiaires.

L'amélioration est sans doute très sensible. Cette version de la Bandit se permet d'être plus puissante, 59 ch à 12000 tr/mn en déplaçant sa valeur de couple maxi vers le haut, 3,9 mkg à 10500 tr/mn (Bandit 91: 54 ch à 10600 tr/mn ; 3,9 mkg à 9600 tr/mn).

L'analyse de la courbe de couple ne laisse pas planer le doute. On dispose de 3 mkg à 5800 tr/mn, puis d'une valeur supérieure à 3,5 mkg entre 8000 et 10500 tr/mn. En clair, l'agrément d'utilisation entre le régime de couple maxi et la puissance optimale couvre une plage comprise entre 8000 et 12000 tr/mn.

Voici le schéma général permettant d'identifier le processus VC du moteur de la Bandit. Le couple, sans atteindre des sommets, demeure omniprésent. Ce constat théorique ne remplace pas un essai grandeur nature. Il nous faudra sans doute attendre un an, pour juger de l'intérêt de la distribution variable sur cette version de la Bandit. Pour l'heure, les chiffres plaident en sa faveur.

Nous imaginons l'intérêt qu'ils pourraient présenter sur un 4 cylindres, 4-temps, de cylindrée supérieure. Le mode de commande de cette valve se révèle être relativement complexe. Il fait intervenir l'électronique via des capteurs (carburateurs, ACT, rapport sélectionné), l'hydraulique, et un mécanisme à crémaillère purement mécanique activant l'axe supportant les basculeurs.

Les deux diagrammes de distribution travaillent en paliers, bas et hauts régimes. Dans un registre très différent, la valve gérant le passage de l'huile rappelle le mode de fonctionnement des ABS. Il y a effectivement analyse de paramètres, commande de l'électro-vanne couplée à un solénoide (électro-aimant), mais pas de pompe hydraulique.

Dernière précision, ce système n'est pas dédoublé de part et d'autre de l'entraînement de la distribution. Face à la route, la commande des basculeurs s'effectue à droite...
Informations tirées de Moto Revue.
Par Philippe Gorce. Transcription Claude Lapoumeyroulie. Photos Auteur et Constructeur
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