La sortie, c'est par là ! L'homme par qui la fourche disparaît
Si la GTS 1000 a déjà fait couler beaucoup d'encre, on a beaucoup moins parlé de son instigateur, James Parker
Si la GTS 1000 a déjà fait couler beaucoup d'encre, on a beaucoup moins parlé de son instigateur, James Parker. Si la GTS 1000 a déjà fait couler beaucoup d'encre, on a beaucoup moins parlé de son instigateur, James Parker. Cet Américain a encore plein d'autres projets d'avenir que l'on pourrait trouver chez Yamaha ou, pourquoi pas, chez d'autres constructeurs. si la GTS parvient à déclencher une révolution, grâce à son train avant sans fourche télescopique, James Parker, inventeur Américain méconnu, pourrait bien devenir célèbre dans les prochaines années. Pour l'instant les nombreux acquéreurs de GTS 1000 ne savent pas grand-chose sur l'homme qui inspira le châssis Oméga de Yamaha. Son nom figure au moins sur les chèques de royalties: selon l'accord avec Yamaha, il touche un pourcentage sur chaque GTS vendue.

Car ne vous y trompez pas, le système GTS est en fait le concept de James Parker. Dix ans après son premier trait de géniale créativité, le rêve d'industrialisation de son système de suspension avant s'est enfin concrétisé. Agé de quarante-six ans, l'homme est petit mais d'une évidente bonne santé. Son bureau, installé chez lui à Santa Fe, au Nouveau Mexique, comprend une table à dessin, plusieurs certificats de brevets Américains et la coupe de vainqueur lors d'une course de production de six heures en 1978.

Le design de cette moto confié à un bureau de style de Los Angeles parait encore futuriste aujoud'hui. Plus révélateur: la photo de Parker serrant la main d'un ponte Japonais de Yamaha, tous deux aux côtés d'une GTS 1000. Que de temps passé entre cette photo et les années 70, époque à laquelle Parker, alors pilote de vitesse et associé dans une concession Norton et Hodaka à Santa Fe, s'intéressait de plus en plus à l'étude et la construction de motos. Il mit au point plusieurs machines novatrices dont une Hodaka 100 cm3 de course à châssis monocoque en aluminium et une Yamaha 500 mono avec cadre Godier Genoud d'endurance.

Les photos d'une autre machine Française, la Elf-X, lui donneront l'idée de pousser plus loin. "A partir des photos, j'ai fait des croquis de la Elf à l'échelle, procédé à des analyses et conclu que leur système comportait très probablement des interférences entre pouvoir directif et débattement de suspension, indique-t-il. Je me suis donc attelé à dessiner un système qui réduirait ces effets néfastes à néant. Une fois sûr de mon coup, sans autre compromis, j'étais persuadé de tenir une idée."

Son concept, composé de deux bras horizontaux avec jambe de force verticale reliée à une colonne télescopique au-dessus de la roue avant, constitue le principe même de la GTS 1000. La finalisation de son projet lui prit plusieurs années mais, en 1981, il était non seulement persuadé que le système présentait des avantages sur les fourches télescopiques, mais également de réelles applications commerciales. Il déposa un brevet en 1982 et fonda la société RADD un an plus tard (un diminutif de Rationally Advanced Design Development) dans le but de vendre l'idée à un grand constructeur.

Honda devait être le premier interlocuteur et l'importateur Américain lui fournira une XL 600 trail qu'il transformera aussitôt en prototype roulant. En quatre mois, il achèvera lui-même l'étude et la fabrication pour finir avec une épure de suspension avant qui préfigurait déjà le système de la GTS. Parker était d'ailleurs très satisfait de son comportement mais, après des tests effectués par American Honda et un rapport au Japon, la réponse fut un poli "non merci".
Rainey avouera avoir apprécié
Ce prototype sur base FZ 750 montre dès 1987 ce que sera le système de suspension de la GTS. Son prototype sous le bras, Parker contactera ensuite Cagiva, Kawasaki et Yamaha, ce dernier manifestant le plus d'intérêt. Wayne Rainey lui-même l'essaiera à Willow Springs pour le compte de Yamaha-USA. Il rentra aux stands perplexe, en avouant avoir "apprécié": "Je n'arrive pas à me faire une idée définitive. Si elle avait une fourche, elle serait beaucoup trop souple, et pourtant elle réagit parfaitement".

Yamaha devait rester enthousiaste mais les progrès étaient lents jusqu'à fin 1986. "Personne à part moi pouvait considérer la XL et envisager une telle suspension sur une grosse moto sportive". Parker se décida donc à en fabriquer une autour d'un bloc de FZ 750. Un projet bien plus noble et ambitieux. Parker persuadait Yamaha de lui fournir une FZ, contactait le studio GK Design de los Angeles pour l'esthétique, ainsi que le magazine Motorcyclist Magazine afin qu'ils dévoilent le résultat dans leur numéro spécial 75° anniversaire.

Baptisée MC 2 (pour "Motorcycle n° 2": mais également en rappel de la théorie d'Einstein), la machine s'avère aussi fraîche et futuriste aujourd'hui qu'après sa phase de construction effrénée, au rythme de vingt heures par jour, avec à la clé la couverture du numéro de juillet 1987 de Motorcyclist. Les essayeurs du magazine étaient dithyrambiques quant à la tenue de route, tandis que le travail de GK assurait à la MC 2 un look et une finition en parfaite adéquation avec sa sophistication technologique. Présentée au salon de Milan, elle s'envola ensuite vers le Japon pour être disséquée par Yamaha.

Là encore il fallut convaincre l'usine et il ne se passa pas grand-chose jusqu'à fin 1987. Mais finalement, après que Parker avait fait appel aux services d'un businessman Américano-Japonais du nom de Gien Fukuda, le manufacturier concéda un contrat de deux ans pour l'exclusivité dans la recherche et le développement, et se mit au travail sur le premier de plusieurs prototypes issus de la FZR 1000. "Je sus assez tôt qu'il s'agirait vraisemblablement d'une GT sportive car la FJ 1200 avait fait son temps et Yamaha Europe réclamait un modèle high-tech, dit Parker.

Dix ans après son premier trait de géniale créativité, le rêve d'industrialisation de son système de suspension avant s'est enfin concrétisé. Fin 1989, ils donnaient le feu vert et nous avons signé un accord de licence au début de l'année suivante. Ils m'ont également engagé pour cent heures annuelles sur trois ans, si bien que je travaille encore aujourd'hui avec eux". Yamaha n'est cependant pas le seul constructeur à qui pourraient profiter les études de Parker puisque l'accord actuel n'est pas exclusif. Parker a discuté avec d'autres constructeurs Japonais et aimerait beaucoup collaborer avec les Européens. "Cagiva ou BMW pourraient venir me voir aujourd'hui et signer un accord, avec l'énorme avantage de pouvoir acheter une GTS 1000, la mesurer sous toutes ses coutures, et ainsi profiter de tout le développement fourni par Yamaha".

Indique-t-il. Yamaha a suivi de très près le dessin initial de Parker, même après le passage des ingénieurs visant une application industrielle de la GTS. "Ils ont effectué deux modifications de détail dans le système de direction: l'utilisation d'une rotule à la place d'une bague dans l'axe de direction et un joint universel légèrement différent, mais le concept est bien le mien, avoue-t-il avant d'ajouter: Je trouve qu'ils ont fait un travail fantastique. La moto marche vraiment bien. Jusqu'à un certain point, elle se comporte de façon similaire à la MC 2, avec les même avantages de base: antiplongée, faculté de freiner fort sur les surfaces les plus bosselées et aucune interférence au freinage dans la phase d'envirage".

Bien sûr, les fourches sont bien plus efficaces et rigides aujourd'hui par rapport à l'époque ou Parker démarra son projet. Mais Parker est persuadé qu'un développement similaire sur son système de suspension avant apporterait des progrès équivalents. "Il nous faut de nouveaux moteurs afin d'optimiser le système, alléger les motos tout en recentrant les masses, dit-il. Les pneumatiques doivent également être développés car un tel concept réclame un profil et une carcasse différente. Les carcasses devraient être moins rigides du fait de la stabilité inhérente du système. A l'inverse, le pneumatique pourrait être plus rigide puisque la suspension est plus accommodante. Tout cela est très excitant car les nouvelles possibilités sont tellement nombreuses".
Une Yamaha 600 avec un mono-bras amélioré ?
Honda fut le premier interlocuteur de Parker qui développa ce prototype XL 600 dès 1987. Tout dépendra de l'essor d'un tel concept et Parker espère bien sûr que Yamaha poursuivra son effort en commercialisant une deuxième moto ainsi équipée. "On parle d'une 600, je présume plus orientée vers le sport", dit-il, conscient que construire une super-sport sans fourche pose un problème d'identité marketing par rapport au pedigree course. Yamaha Europe admet qu'une moyenne cylindrée pourrait être une possibilité dans un futur proche mais avoue qu'il ne s'agirait pas d'une sportive.

La vieillissante FZR 600 sera bientôt remplacée selon l'aveu d'un porte-parole. Mais l'hypothétique 600 à monobras avant serait positionnée aux côtés de la nouvelle super-sport, un peu comme la GTS et la FZR 1000. Une perspective intéressante. Du fait de sa rigidité accrue par rapport aux fourches télescopiques, Parker est confiant quant à l'utilisation de son système en compétition, et ce malgré les millions de francs investis par Elf en grands prix sans grand succès. "Les résultats de Ron Haslam sur la Honda RS trois cylindres étaient comparables à ceux obtenus avec la Elf.

Même si le look n'est pas d'une colossal finesse, on devine les intentions de vouloir concilier dans un unique système guidage et suspension de la roue avant. Ce qui rend songeur quant aux performances que Lawson aurait pu réaliser à son guidon, argumente Parker. Les temps d'Haslam avec la Elf n'étaient pas meilleurs, soit, mais la moto était peut-être beaucoup plus compétitive qu'on ne le croit". Malgré celà, Parker pense que son système profiterait plus au milieu de plateau qu'aux top-pilotes. "Plus un pilote est rapide, moins il risque de sentir le progrès réel d'un tel concept car il a su mieux s'adapter que le pilote lambda. Avec mon système, on peut appliquer les freins sur l'angle et poursuivre son freinage, ou encore s'apercevoir que le virage se resserre et donc modifier sa trajectoire. Rien de tout cela n'effraie la GTS 1000". Pour Parker, l'avenir à court terme dépend des ventes de la GTS 1000. "Cette période est critique. Si la GTS est un succès, cela dégagera un élan considérable pour le développement, sinon tout le monde sera découragé" dit-il.

Les dirigeants de Yamaha Europe évoquent le démarrage timide des ventes. Mais ils gardent espoir, sachant qu'un produit aussi high-tech et onéreux pourrait prendre plus longtemps que la normale avant d'être accepté. Pendant ce temps, Parker poursuit ardemment le développement d'autres idées. Son bureau abrite une large variété de dessins détaillés, comme cette machine d'endurance à moteur FZR ou ce roadster à cardan propulsé par un moteur deux temps très sophistiqué. Dans son atelier situé à la sortie de la ville, le vieux prototype Honda XL 600 a été équipé d'une barre antiplongée: un petit axe métallique courant sous la moto qui relie les suspensions avant et arrière, pour tenter de conserver une assiette constante de la moto au freinage ou à l'accélération.

Le prototype FZR 600, baptisé RA 6, roule en attendant un autre proto et une moto de série à mono-bras avant et arrière. Toutes ces tentavives dépendront du succès commercial de la GTS. "C'est la même chose qu'une barre antiroulis sur une voiture, explique Parker. Si le cadre veut plonger de l'avant, ce système abaissera également l'arrière, pour équilibrer le tout. A la conduite, la sensation est intéressante". L'autre machine de recherche s'appelle RA 6: une FZR 600 équipée d'un monobras arrière doté, d'après Parker, d'avantages significatifs par rapport aux systèmes utilisés par Honda, Aprilia et Gilera. Au lieu de s'incurver jusqu'au moyeu comme sur le Pro-Arm, le bras de Parker est droit, avec la couronne à l'intérieur, et d'apparence très similaire aux bras oscillants traditionnels quand on regarde la machine du côté gauche. "Les avantages concernent le réglage linéaire et non excentrique de la chaîne, ainsi qu'un mécanisme d'entraînement moins complexe, explique Parker. L'axe et diverses autres pièces ne réclament pas la même résistance, d'où un gain de poids et d'argent.

Le système sur la FZR est plus léger de 30% par rapport à la 650 Hawk que j'ai achetée pour comparer. En grande série, cela équivaudrait à un gain de 20 ou 25%". Parker admet qu'un mono-bras ne peut-être aussi rigide qu'un bras oscillant conventionnel du même poids. "Mais mon bras pèse en fait 500 grammes de moins que l'origine, donc le coup serait jouable pour la série". Parker a déposé un brevet pour ce bras et essaiera peut-être de persuader Yamaha de ses bien-faits en modifiant la GTS 1000 qu'il devrait recevoir prochainement du manufacturier. "Je voudrais leur proposer une GTS dotée d'un mono-bras arrière, dit-il. Peut-être ferais-je un prototype car le potentiel est important et je pense être sur la bonne voie". Si cette moto voit le jour en grande série, rappelez-vous, c'est James Parker qui l'a faite.
Informations tirées de Moto 1 N° 123.
Par Roland Brown. Adaptation Alexander Campell. Photo Oli Tenn
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