La sortie, c'est par là ! MV - Honda: Le Grand Retour ?
Un nouveau règne du quatre temps en GP
Mike Hailwood Giacomo Agostini Nous sommes dans l'inter-saison des Grands Prix du Championnat du Monde. Que va t-il se passer en 1978 ; c'est la question que tout le monde se pose. Actuellement, c'est la valse des sponsors (manque de partenaire pour cette danse), des écuries, des pilotes et des usines !

En effet, Yamaha s'adjuge Johnny Cecotto, le jeune pilote Vénézuélien au caractère ombrageux, Kawasaki mise à fond sur la 250, réembauche Mick Grant et engage Kork Ballington. Suzuki est satisfait de Barry qui va tenter de reconduire son titre en 500 cc pour la 3e fois.

De l'autre côté des Alpes tout le monde se remue et il suffit de lire les "bruits" de MOTO-presse pour se rendre compte du Business qui occupe les professionnels durant l'hiver. Enfin, sachons que Morbidelli n'aura plus d'équipe officielle en 125 cc, se contentant de sa supériorité numérique au départ pour garder le titre grâce aux privés mais se consacrera aux 250 cc, catégorie où l'usine est aussi championne du monde et aux 350 cc. De son côté, l'usine Harley aimerait bien revenir au premier plan et malgré les querelles intestines, nous verrons peut-être Walter Villa sur des motos d'usine.

La 500 MV 4 en 1972. Frein avant 4 cames et fourche Cériani. C'est l'ancien cadre qui est un double berceau classique. Remarquez l'embrayage à sec et le caractère artisanal de la fonderie moteur. La 250 cc six cylindres photographiée à Clermont en 1966. On aperçoit la rangée de six carburateurs, le carter rond de l'allumage par magnéto, en dessous le boitier de commande d'embrayage et le pignon de sortie de boîte. En gros, on s'aperçoit que les marques championnes du monde viennent de deux pays: le Japon et l'Italie. En effet, le dernier titre de constructeur anglais date de 1952 (Norton en 350 cc) et depuis seule l'usine espagnole Derbi, a pu remporter deux titres (1969 et 1970 en 50 cc) au milieu des trusts italiens et japonais.

On fait exception du règne BMW en side-car. Dans ces deux nationalités, deux noms importants de l'histoire des sports mécaniques n'ont pas été encore cités: il s'agit de MV Agusta et de Honda. Si nous allons nous intéresser à eux, c'est parce que l'on parle de leur retour en Grand Prix l'année prochaine et cela dans la catégorie reine des 500 cc.

Procédons par ordre et passons à un historique de ces marques pour nous remettre en mémoire l'époque faste des deux grands. Nous tenterons après de comprendre les motifs de ce retour par l'analyse de la situation actuelle du Championnat du Monde et l'intérêt que représente un titre pour deux marques aussi différentes l'une de l'autre.
Historique MV Agusta
Mike Hailwood, dit « Mike the bike » au guidon de la 250 six cylindres lors du Grand Prix 1967 de France traditionnellement disputé à Charade près de Clermont Ferrand dans les monts d'Auvergne. Ce circuit naturel long de 8,055 km est en action depuis 1960 et le dernier G.P. y eu lieu en 1974. C'est le cadre de Spa mais le tracé est nettement plus technique. Ago (500 MV 3) surveille Hailwood (500 Honda 4). Nous sommes à Assen en 1967 et quelques tours avant la fin Mike ouvrira et s'envolera vers la victoire. C'est sûrement la plus prestigieuse de toutes les usines de l'histoire de la compétition motocycliste. Jugez-en plutôt: trente sept fois victorieuses de championnat du monde en 125, 250, 350 et 500 cc depuis 1952. Cette année, les 125 cc qui avaient commencé à courir en Italie dès 1948 ouvrent la série en remportant le premier titre pour MV avec Cecil Sandford. La machine était un monocylindre 4 temps à arbre à came en tête commandé par une cascade de pignons. Déjà la 500 faisait ses premières armes dans les courses inter au main du pilote Anglais Leslie Graham qui trouvera la mort lors de la Senior TT Race de 1953. Il avait beaucoup travaillé sur les performances du moteur qui était déjà un 4 cylindres quatre temps face à la route et à double arbre à came en tête.

Malheureusement, la série noire continue et le pilote Rhodésien Ray Amm se tue lors de sa première course pour MV à Imola. Comme la 500 n'a pas de chance, l'usine se rattrape sur la 125 qui continue heureusement sa carrière. C'est en 1956 que MV débauche le pilote de l'usine Norton, John Surtees et commence à s'attaquer avec succès aux deux invincibles des catégories 350 et 500 cc, Gilera et Moto-Guzzi. Gilera aura un dernier sursaut en 1957 en remportant les deux titres mais l'usine MV est maintenant bien au point dans ces deux classes et Surtees est un pilote de valeur. Ainsi va commencer durant trois ans (58, 59 et 60) la terrible domination de l'usine qui s'adjuge les 4 titres de l'époque (il n'y avait pas encore les 50 cc) à la suite. En 125, et 250 cc, c'est un pilote Italien, Carlo Ubiali qui mène les MV. Pourtant l'opposition est coriace et il faut continuellement travailler sur ces motos pour qu'elles soient dans le coup chaque année. La 250 ne fût d'abord qu'un gros 125 passé à la classe supérieure uniquement par une augmentation de l'alésage, mais en 57 une nouvelle deux et demi voit le jour. C'est deux cylindres de 125 cc accouplés qui feront que très vite le résultat dépasse les espérances et dépasse même la 350 en vitesse de pointe !

Bergamonti à Barcelone en 1972. Angelo devant se tuer quelques mois plus tard à Riccione. La 350 à Jarama lors des années faciles de MV. Belle n'est-ce pas ? Cet "étalage" de MV portait le flanc aux critiques de l'époque qui voyaient les victoires de la marque acquises facilement grâce au peu d'épreuves disputées alors et au manque d'adversaires valables. On pourrait faire remarquer que l'usine en 125 et 250 cc avait de 1950 à 1957 eut affaire à forte partie avec l'opposition de NSU, Guzzi, MZ et Mondial, qu'elle avait acquis dûrement la suprématie et pourtant lorsqu'en 1957 MV se retrouva seul, l'usine n'hésita pas à construire la 250 bicylindre avec laquelle elle gagna jusqu'en 1960, année où les trois premières places des 250 cc lui revinrent. Il y eut aussi une 500 6 cylindres qui vit le jour mais qu'on ne vit jamais en course en 1959. Signalons qu'elle occupait aussi les trois marches du podium en 350 et 500 cc.

Read en Autriche sur la 500. Frein à disque à l'avant et à l'arrière. Une nouveauté en 1974. Seule MZ avec une médaille de bronze en 125 cc vint s'incruster dans la couronne MV. Ce ne sera qu'en 1961, quand les usines japonaises se tournèrent vers l'Europe que MV se vit sérieusement menacé. La firme Italienne eut quelques difficultés avec Honda et préféra délaisser les petites cylindrées pour se concentrer sur les 350 et 500 cc. Du coup, cette même année, Garry Hocking (Rhodésie) fait doublé dans ces deux catégories devant Jawa et Norton dans les demi-litres.

Mike Hailwood devint en 1962, le premier pilote de la marque pour tenter de contrer Honda qui se lançait en 350 cc. Ce sera peine perdue car le titre est remporté par James Redman, encore un Rhodésien pour la marque Niponne, Mike finissant deuxième mais remportant son premier titre de Champion du Monde et ce, dans la catégorie des 500 cc où la MV était intouchable. Le scénario sera identique en 1963 et les deux parties restent sur leurs positions respectant jusqu'à leur classement de l'année précédente... Les saisons se suivirent durant lesquelles Honda prenait le meilleur en 350 cc et MV en 500 cc.

1958 de gauche à droite: Surtees (champion en 350 et 500), Brambillia (maintenant en F1), Milani (vainqueur du GP de France en 500 en 1951), Provini (champion en 250), Venturi (2e en 500 en 1959 et 1960), Libanori, Ubbiali (champion en 125 et 3e en 250), Hartle (2e en 350 et 2e en 500). Ça bougeait nettement plus du côté des pilotes qui se succédaient jusqu'en 1966, année où laquelle Giacomo Agostini (il secondait Hailwood depuis 1965) devint le premier pilote de l'usine. Mike passe à l'ennemi. Pour cette occasion, MV sortit un trois cylindres à la place du 4 cylindres utilisé depuis le début. 1966 et 1967 furent marqués par la lutte de géant qui les opposa: Monza, Imatra, Charade, Spa. Tous les circuits du Continental ont vu les courses mémorables des deux hommes et le bruit fabuleux de 3, voir 4 et 6 cylindres quatre temps dans la descente de Charade ; Le TT était particulièrement disputé et sur des courses de 364 km, ils tournaient à plus de 160 à l'heure de moyenne se disputant les records du tour !

Comme cela la tradition fut respectée et Honda/Hailwood gagnent en 350 cc, font second en 500 et MV/Agostini le contraire. Il n'y eut pas de Grands Prix de France en 1968 année où Honda s'est retiré et MV entame un cavalier seul. Cinq ans de suite, l'usine s'approprie ces deux titres lorsqu'en 1973, Phil Read devenu star chez Yamaha, 5 fois Champion du Monde (4 en 250 cc et 1 en 125 cc) passe chez MV pour devenir compagnon d'écurie du "campionissimo".

MV trouvera son compte puisque Ago gagne en 350 et Read en 500. La mécanique n'est pas oubliée puisque toujours à la recherche de puissance pour contrer Yamaha, les modèles défilent entre les mains des pilotes. La fin des années tranquilles (68/73) sera l'occasion pour Agostini de tester plusieurs quatre cylindres (52 mm d'alésage, 40,4 de course, boîte sept vitesses et 69 cv à 15000 tours minutes) carastéristiques générales..., différents sur la 350 qui remplacent depuis 1971, l'ancien trois cylindres. Du côté de la 500, deux machines sont utilisées. L'ancienne trois cylindres manque de compétitivité par rapport à la Yamaha 4 de Saarinen mais est toujours aussi solide. La quatre est surtout pilotée par Read mais le poids du moteur rend la machine trop lourde par rapport à la puissance gagnée.

La 500 MV 4 en 1974 à Clermont. C'est le nouveau cadre mais encore l'ancien moteur. Le nouveau se reconnaît aux caches extérieurs différents sur les trappes d'arbres à cames. Remarquez la tension de chaîne par excentrique à la fixation du bras arrière. Venturi (n° 317) et Milani (n° 283) 1er et 2e du Tour Motocycliste d'Italie en 1957 sur 175 MV. Aussi, en milieu de saison, le service course se met à construire un autre moteur qui garde les caractéristiques techniques mais utilise largement les métaux plus légers comme l'électron. Il existe aussi une 430 (56 x 44) obtenue à partir d'un moteur 350 cc réalésé mais qui sera très peu utilisée. La nouvelle 4 cylindres 500 participera donc au maximum d'épreuves en 74. D'un alésage course de 57 x 46, la cylindrée est de 498 cc et le moteur tourne à plus de 15000 tours. Cette lutte à la puissance n'est malheureusement pas suivie par les parties cycles. Si l'évolution du freinage (disques à l'avant puis à l'arrière), des jantes en alliage, des amortisseurs, du carénage est réelle, le cadre lui, n'est plus à la hauteur. Pourtant début 73, une nouvelle conception a été utilisée car le cadre calculé sur ordinateur n'est plus un double berceau mais un treillis tubulaire sous lequel le moteur est suspendu. Retournons à nos pilotes. En 1973, l'équipe Agostini/Read ne brille pas par sa cohésion et l'Italien, vexé d'avoir dû concéder son titre en 500 cc à l'Anglais, quitte MV pour conduire les Yamaha d'usine. Read se retrouve donc premier pilote ; Gianfranco et Bonera viennent renforcer les rangs pour 1974. Ce sera une nouvelle saison passionnante, MV se retrouve à la lutte contre une usine Japonaise et le duel parviendra au sommet comme à la bonne époque. Dès le premier Grand Prix de la saison à Clermont-Ferrand, les hostilités commencent.

Ago gagne en 350 cc et Read en 500 cc, les Grands Prix se suivent et Bonera réussit son entrée en gagnant le Grand Prix d'Italie en 500. La 350 sera délaissée pour concentrer les efforts sur la catégorie supérieure. Du coup Agostini remporte le titre, pour Yamaha, interrompant MV qui avait remporté six titres à la suite en 350 cc. En 500 cc, c'est Ago qui ne peut suivre à cause du manque de fiabilité de la Yamaha 4 et Read et Bonera seront donc Champion et Vice-Champion du Monde. MV est vainqueur pour la 16e fois de suite dans la catégorie reine.

Hélas, la fin du règne approche et 75 verra la supprématie de la marque aux trois diapasons. Phil Read mettra tout son talent au service de MV mais la moto n'est plus dans le coup et l'usine Italienne ne peut reconduire le titre. Le dernier 4 temps disparaît donc fin 75 et le règne du deux temps ne semble que commencer.
Historique Honda
Les mécaniciens de l'usine étaient deux par machine et il arrivait que la marque s'aligne dans quatre classes par week-end avec deux motos dans chaque classe ! On portait déjà des gants blancs pour travailler et les machines étaient connues pour le sérieux de leur préparation. Dans les années soixante, l'usine Japonaise a dominé les Grands Prix. L'énorme investissement mis en oeuvre se révèle efficace car leur domination s'étendra durant neuf années sur la vitesse et se soldera par 16 titres de Champion du Monde et près de 140 victoires dans les classiques internationales. Après avoir couru au Japon, Honda débarque en Europe en 1959 pour se rendre sur l'île de Man participer au TT en 125 cc. Mais les pilotes Japonais n'étaient pas vraiment habitués à ce circuit et ils durent se contenter de la 6e, 7e et 11e place. En 1960, l'usine engage les Australiens Tom Phillis et Bob Crown qui auront plus de succès en 125 cc et 250 cc au TT et dans les classiques des courses européennes.

Durant cette saison, le Rhodésien Jim Redman a son premier guidon pour l'usine Japonaise dont il deviendra pilote et team manager durant les années fastes de la marque. Les 125 du tout début sont des twins quatre temps à arbre à came en tête, quatre soupapes par cylindre mais elles n'atteignaient pas la puissance du mono MV et dès 1960 de nouveaux modèles faisaient leurs débuts, la dernière 125 et les premières 250. Celles-ci fûrent vraiment les premières machines compétitives au plus haut niveau de l'usine nipponne. Bicylindre et 4 cylindres quatre temps, double arbre à came en tête entraîné par une cascade de pignons centrale.

Les frères ennemis lors de leur première sortie pour MV à Imola en 1973. La puissance du 4 cylindres approchait les 45 cv à 14000 tours minute. Lorsqu'en 1961, MV se retire de la compétition, dans ces catégories là, Honda saisit l'occasion pour accentuer son pressing. Luigi Taveri signe son contrat alors que Redman et Phillis reconduisent le leur, Brown s'étant tué l'année précédente. Des motos furent aussi prêtées à Bob Mac Intyre et Mike Hailwood. Avec une équipe comme cela, Honda pu remporter le titre en 125 cc avec Phillis et 250 cc avec Hailwood suivi aux deux et troisième places par Phillis et Redman. La domination était complète. En 1962, une nouvelle catégorie voit le jour ; les 50 cc. Aussitôt, la marque sort un Twin simple arbre à came en tête à quatre soupapes par cylindre qui délivre 10 cv à 14000 tours. La vitesse approchait les 140 km/h mais ne suffisait pas pour contrer les Suzuki.

Poursuivant leurs efforts, Honda investit dans de nouvelles machines et de nouveaux pilotes. En effet, apparaît en début de saison une 350 qui n'était encore qu'une 250 réalesée à 285 cc puis vint plus tard une vraie 350. Avec ses machines parfaitement préparées, Honda dispute toutes les catégories à l'exception des 500 cc. Durant ce temps, Tommy Robb est devenu lui aussi pilote d'usine et il termine 3e en 125 et 350. Redman lui, emporte les titres en quart de litre et en 350. Taveri, prenant la succession de Phillis en 125 car ce dernier se tue lui aussi au TT. Avec l'effort intensif, des deux dernières années, Honda a vécu 1963 sur la lancée.

Redman renouvelle ses deux titres, alors que la 50 est momentanément abandonnée et que la 125 ne peut suivre la Suzuki. Par contre en 1964, de nouveau matériel apparaît en 125 cc avec un quatre cylindres tournant à 16000 et à boîte huit vitesses qui atteignaient 205 km/h. 250 cc, un modèle plus compétitif apparu dérivé étroitement du précédent puis quand la pression Yamaha fut trop forte, l'usine sorti une 6 cylindres. Au Championnat, Taveri récupère le titre en 125 cc, Redman perd en 250 cc face à Read et à sa Yamaha mais reconduit son titre en 350 cc. En 1965, un nouveau bicylindre reprend l'avantage sur Suzuki en 50 cc et Ralp Bryans reconquiert le titre perdu. Par contre, c'est la débandade en 125 cc et 250 cc et Redman ne peut qu'assurer une seconde couronne en 350 cc. Heureusement l'année 1966 verra le grand chelem que seul MV avait réussi (à trois reprises d'ailleurs) avant eux. En effet, l'usine remporte les 5 titres de Champion du Monde des constructeurs. Le calcul différent des points pour l'attribution des titres entre le Championnat des conducteurs et celui des constructeurs explique qu'en 50 cc par exemple, Bryans ne soit que second mais que Honda prenne quand même le meilleur. En 125 cc, Taveri reprend la couronne grâce à la légendaire 6 cylindres. Cette machine unique tournait à 20 000 tours !

Ralph Brianz sur la Honda six à Assen en 1967. C'est l'une des rares apparitions de ce pilote en 250 cc car Ralph était plutôt considéré comme un pilote de petites cylindrées. En 250 cc, Hailwood est revenu chez les Japonais et avec la nouvelle 6 cylindres à 6 vitesses, chronométrée au TT à 237 km/h, il s'impose devand Read. Par contre, il ne peut malgré et aussi à cause de la puissance de la 500 remporter le Championnat dans cette classe. Là aussi, le calcul des points permettra cependant à Honda de prendre le titre pour les constructeurs. L'année suivante, Honda se repose sur ses lauriers et seules quelques machines d'usine disputeront les épreuves. Les 50 et 125 abandonnées, Hailwood étrennera une 297, ce six cylindres qui lui permit d'assurer son titre en 350 devant Ago.

Les cinquante à Spa en 1964. Ralph Brians sur le bicylindre Honda emmène Morishita, Mitch et Hugh Andersson tous sur Suzuki. Ralph devra se contenter de la seconde place au championnat derrière Andersson. Il prendra le titre l'année suivante devant son équipier Taveri. En 250, il s'impose d'extrême justesse à nouveau devant Read et sa Yamaha mais il échouera d'aussi peu derrière Ago pour le titre en 500. Mike the Bike n'aura pas été champion du monde en 500 avec Honda. Honda quitte les Grands Prix à la fin 67 avec dix huit titres de Champion du Monde, en sept années du Continental Circus. Leur énorme investissement et l'abondance de leur apport tant aux pilotes qu'ils employaient qu'aux machines qu'ils construisaient ont donné au sport motocycliste une nouvelle dimension. Les ambitions de Honda se sont tournées au début de 1970 vers les Etats-Unis où l'usine prit une part importante dans la participation à des courses comme Daytona. On vit aussi des tentatives de record du monde de vitesse avec le puissant "Hawk" qui établit un temps non homologué en 1972 à Bonneville à 461,075 km/h ; restant officieusement jusqu'à Don Vesco et Yamaha en 75, le plus vite sur deux roues.

En dépit du phénoménal succès de Honda aux courses de Grands Prix dans les années soixante, le plus important pour eux restait le Championnat du Monde 500. C'était précisément dans ce but que l'usine avait pris Hailwood dans son écurie. Mais après une saison de bagarres exceptionnelles avec Ago sur la MV, Mike trouva que la grosse Honda n'était pas suffisamment sûre. Par contre, Honda peut être fière d'être la seule usine à avoir remporté 4 grandes courses du Championnat dans la même journée de Grand Prix. C'était à Brno en Tchécoslovaquie en 1966. Hailwood remporta les 250, les 350 et 500 cc et Taveri complèta le tableau avec les 125 cc. Depuis, l'usine n'est plus jamais apparue en vitesse. Toutefois la création du Team Hert qui représente le service course de l'usine en Europe pour l'endurance depuis 1975 est un premier pas en ce sens.
Pourquoi MV reviendrait en Grand Prix ?
Comment enlever un moucheron gênant avec quand même de l'angle. A l'époque Ago n'avait pas de souci à se faire pour gagner. Effectivement, il n'y a pas de raison évidente ! La marque est la plus titrée de toutes, il n'y a pas d'impératif commerciaux puisque la diffusion des motocyclettes MV est restreinte. Et aussi la flamme de la compétition est peut-être enterrée avec le Comte Domenico Agusta disparu en 1971. Homme légendaire qui hérita d'une usine d'aviation en 1927 et fonda en 1945 La Meccanica Verghera à Gallarate pour fabriquer des motos.

Sa passion pour le sport motocycliste fût sans limite et c'est grâce à elle que l'on doit d'avoir vu pendant plus de 20 ans les bolides rouges et leurs pilotes aux noms prestigieux sur tous les circuits d'Europe. MV est maintenant le 2e constructeur mondial d'hélicoptères. Que viendrait faire l'usine dans cette galère ? Pourtant, Arturo Magni, responsable du service course de l'usine est bien vivant lui et l'apparition au dernier Salon de Milan d'une MV à partie cycle Segoni pour le grand tourisme fait preuve de son dynamisme.

Hailwood. Détendeur de neuf titres de champion (3 en 250 cc, 2 en 350 cc, et 4 en 500 cc) entre 1961 et 1967 sur Honda et MV. Le problème d'un retour en compétition est autrement plus ardu. En 75, à leur arrêt, la 500 MV n'était plus compétitive. Non par manque de puissance mais à cause du poids et de la tenue de route. En gros, la moto n'était exploitable face à la 500 Yamaha que sur le circuit de Spa et ses 8 kilomètres de grande courbe où la puissance moteur est prépondérante.

En gardant le même principe de cadre (celui conçu par ordinateur et qui en fait ressemblait étrangement à un Norton), plusieurs types de suspension et d'amortisseurs fûrent essayés pour tenter de rendre la moto plus conduisible sur les tracés de pilotage.

Sans grand succès. Coté moteur, on parlait beaucoup pour MV en 76 (mais l'usine, on le sait n'a pas couru), d'un moteur boxer, quatre cylindres à plat opposés deux par deux, quatre temps. On n'a pour l'instant jamais vu ce fameux moteur. Le Colte Corrado Agusta qui dirige actuellement l'entreprise se désintéresse peut-être des Championnats du Monde mais qui sait seulement si la venue officielle de Honda ne va pas tenter MV à mettre un point d'honneur à relever le défi. A moins qu'un gros sponsor ne se manifeste et monte une écurie privée avec le matériel qui existe actuellement. Toutes les questions sont possibles et surtout tout est possible avec les Italiens quand on parle de "campionato del Mondo"...
Pourquoi Honda revient en Grand Prix
Honda Le problème est tout autre pour Honda. Fortement implanté sur le marché européen depuis une dizaine d'années, Honda voit sa suprématie plus que menacée par Yamaha. L'usine aux trois diapasons a conquis son premier titre en 1967 avec Bill Ivy sur une 125 quatre cylindres deux temps et depuis, à l'exception de 1969, a glané au moins un titre par an. A la même époque, 1967, Honda cessait toute participation aux GP et si Hailwood et la Honda 6 font encore rêver les motards de la vieille garde, ils ne veulent plus dire grand chose à la jeune clientèle motocycliste.

Le passage à l'endurance et les deux titres de champion d'Europe de ces deux dernières années ont confirmé à Honda l'importance d'un titre et ses répercussions directes au niveau des ventes. De là à tenter de reconquérir un titre mondial en vitesse, il n'y a qu'un pas qui a été franchi il y a quelques jours par Soichiro Honda, fondateur de la marque, et M. Kawashima, président actuel de la société. En effet, dans une conférence de presse tenue récemment au Japon, Kawashima annonce qu'un budget de 20 millions de francs a été débloqué et que le feu vert a été donné à l'ingénieur Irinajiri aidé de vingt techniciens pour qu'une 500 soit compétitive en 79.

On peut donc envisager de voir Honda cette saison faire une approche et reprendre contact avec les circuits de GP. Le règlement actuel ne permet pas de faire courir une six cylindres en 500, en effet le nombre en est limité à deux pour les 125, 250 et 350 cc, et à quatre pour les 500 cc. Du coup, il risque d'être délicat de construire un moteur quatre temps qui se révélerait aussi efficace qu'un deux temps disposant du même nombre de cylindres (500 Suzuki 4).

Pour cela il faudrait que le régime du moteur soit très élevé, bien plus de 15000 tours, afin d'obtenir une puissance suffisante. N'oublions pas que Irinajiri est le père de la 250 six cylindres et de la 125 cinq cylindres et que rien ne semble impossible dans le domaine du quatre temps à Honda. Citons pour terminer une phrase de Monsieur Honda:" Le championnat du monde n'est pas fini pour nous ; nous considérons que lorsqu'un concurrent privé court, c'est un fait sportif, lorsqu'il s'agit d'une marque, c'est un fait technique ". La technique, Honda la connaît et aime ça.
Techniques actuelles et "dépassées" des 500 GP
Jim Redman sur la 350 quatre cylindres (Charade 1966). Bien qu'il ne soit né en Angleterre, il a commencé sa carrière en Rhodésie avant d'être engagé chez Honda en 1960. Champion du Monde en 350 cc en 1962, 63, 64 et 65 il l'est aussi en 250 cc en 1962 et 63. Pilote d'un grand talent, il savait ne pas tenter les risques impossibles et fut un team manager précieux pour l'usine Honda jusqu'en 1966. Nous assistons au règne du deux temps depuis que MV a acquis son dernier titre en 74 avec Read et Bonera. La 500 Yamaha quatre cylindres deux temps en ligne face à la route (56 x 50) développe une puissance de plus de 90 cv à 10500 t/mn et permet à l'usine, en 1975, d'acquérir pour la première fois un titre de champion du monde dans la cylindrée reine. L'année 76 apporte quelques boulversements car Yamaha ne revient pas aux 500. Agostini retrouve ses anciennes amours et tente, grâce à un financement privé, un retour sur MV 500.

Nettement hors du coup, elle ne doit sa septième place au championnat du monde qu'au pilotage d'Ago, qui compense le rapport poids/puissance (150 kg pour 95 cv à 14500 tr/mn) défavorable. Aux mains de Barry Sheene, la 500 Suzuki fait des ravages, et derrière lui, à part la MV, on trouve onze compé-clients, preuve de la domination de ces motos japonaises.

Le moteur deux temps est un quatre cylindres en carré qui, pour celui de l'usine, possède des cotes de 54 x 54 et produit environ 110 cv pour un poids proche des 140 kg. Encore leader en 1977, Suzuki a dû faire face aux trois Yamaha d'usine alignées avec Baker, Cecotto et Agostini.

En effet, Suzuki a surtout amélioré sa partie cycle alors que la Yamaha est actuellement la plus puissante. Ce n'est plus deux blocs cylindres mais quatre cylindres séparés qui équipent ce moteur dont l'alésage course ne change pas. La nouveauté technique apportée à mi-saison chez Yamaha est une soupape de contrôle à l'échappement chargée de mieux contrôler la fermeture à la sortie du cylindre. Ce système permet une meilleure étanchéité et donc d'éviter une perte de la colonne gazeuse.
L'avenir des soupapes au milieu des lumières
Allemagne de l'Est - Sachsenring - en 1970: Ago démarre, Pasolini surveille derrière, Bult a déjà le nez dans la bulle et Andersson au fond va s'élancer. Apparemment, il ne semble pas assuré. Pourtant, à l'échelle mondiale, on assiste à une lutte contre la pollution et la consommation d'énergie. Or, le 2 temps fume et consomme plus qu'un 4 temps. On a déjà remarqué le revirement de Kawasaki, Suzuki et Yamaha qui délaissent les lumières pour se consacrer aux soupapes sur les motos de tourisme.

On peut alors se demander l'intérêt pour une marque de faire courir une machine dont le principe de fonctionnement est à l'opposé de celui qu'elle commercialise. D'un autre côté, on assiste à une modification du règlement de la Fédération Internationale de Moto qui tendrait à limiter la capacité de réservoir d'une 500 de Grand Prix à 24 litres. Actuellement, une course dans cette catégorie se dispute sur 120 à 140 km et pour ce faire, les machines emportent plus de 30 litres de mélange.

Le calcul est simple et va obliger les pilotes à ravitailler. Si, comme cela semble être le cas, le ravitaillement rapide par valve Zénith est interdit, ce sera en dizaine de secondes qu'il faudra compter le temps perdu au stand alors qu'un quatre temps n'aurait pas à s'arrêter. Peut-être ira-t-on même jusqu'à instituer le nouveau système des Championnats du monde du Tourist Trophy aux Grands Prix ! Je ne sais si ce serait une bonne chose ou pas.

Je me borne à constater le revirement des "autorités" en ce qui concerne les deux temps et peut-être suis-je de mauvais augure en prédisant leur disparition. Si l'on en discute entre passionnés, certains trouvent cette fin impensable et d'autres inévitable. Ce ne sont que des conjonctures et Dieu seul sait si ce sont les craquements des deux temps ou les feulements des quatre temps qui hanteront nos circuits de vitesse dans les années à venir.
Informations tirées de MOTO-Presse N° 16 du 21 décembre 1977.
Par Laurent Gomis.
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