La sortie, c'est par là ! Invitation to Yamaha
Le devoir de réserve est d'ordre stratégique et politique
Siège social et usine principale de Yamaha. Cinq autres usines sont dans un proche périmètre. Vis-à-vis des médias spécialisés, la diplomatie dont font preuve les responsables Japonais en terme de communication, n'a d'égale que leur volonté d'esquiver les parti-pris. Les 1 et 2 août derniers, Yamaha clôt en beauté notre tournée Japonaise. Depuis le terme des 8 Heures de Suzuka, nous comptons déjà trois visites. Bien aidés par le Shinkansen (TGV Japonais), nous n'avons pas chômé: Suzuka-Hammamatsu, Hammamatsu-Akashi, Akashi-Tokyo, Tokyo-Hammamatsu, Hammamatsu-Iwata, Iwatac-Tokyo.

Le tout dans la plus importante île de l'archipel Japonais, celle de Honshu. Autant dire que nous maîtrisons la topographie locale. Nettement plus experts dans la manière de composer un itinéraire, que dans celle d'appréhender une interview. Le fait que nos interlocuteurs se tiennent sur la défensive est légitime. Le devoir de réserve est d'ordre stratégique et politique. Par atavisme, le Japonais ou tout autre Asiatique, est un personnage secret. Au royaume du soleil levant, à aucun moment nous n'avons eu la faiblesse d'imaginer décrocher la lune, sous la forme d'un scoop. Là-bas le désir d'équité est sacré.

Vis-à-vis des médias spécialisés, la diplomatie dont font preuve les responsables Japonais en terme de communication, n'a d'égale que leur volonté d'esquiver les parti-pris. Cela, nous l'avons vite compris. L'interview formelle est moins importante que l'entretien en lui- même, ou le simple fait de lier connaissance. La qualité du contact humain prévaut. Pour en arriver aux faits, les masques doivent tomber et le journaliste mettre en sommeil sa curiosité, pour laisser l'interviewé suggérer ou analyser.

Masashi Mizutani, Masahiro Inumaru, Koichi Iwahara. Pour cette première visite, l'important n'est pas l'attente d'une improbable déclaration fracassante. C'est, beaucoup plus modestement, l'opportunité de mettre des utilisateurs au contact d'industriels hautement concernés. Pourquoi ne pas vérifier par nous-mêmes si certaines de nos intimes convictions figurent au rang de leurs préoccupations ? Nos amis Japonais nous ont appris la patience. L'attente d'un autre niveau de conversation. De préférence hors des murs de l'entreprise, au détour d'une bière bientôt suivie d'une seconde.

C'est à se demander si hors contexte, ils ne se sentent pas en danger. Le désir est de parler, sans risquer de trop se compromettre, cruel dilemme. A Moto Revue de faire comprendre qu'une question ne sous-entend pas forcément une réponse transcrite noir sur blanc, ici même. On ne tire pas les vers du nez d'un ingénieur ou alors on s'expose à une réponse subtile masquant une superbe pirouette.

Le profil bas figure en bonne place dans la panoplie de ce qui touche la défense et le secret industriels. Nous vous devions ces quelques réflexions simplifiées. Pour ne pas sortir d'un cadre "motocycliste", malgré tout terre à terre, les notions de culture et valeurs idéologiques en sont écartées. Le contexte est donc dépeint dans le plus simple appareil. Il est virtuellement applicable aux articles à venir.
Une vrai montagne, lisse, parfaite et parfaitement écrasante
Lors de notre visite, il sortait de cette chaîne d'assemblage de 140 mètres de long quatre vingts FZR 1000 par jour. Après les rails du Shinkansen, nous retrouvons la boîte automatique de notre Ford de location. Il est 8 heures du matin et la climatisation donne tout ce qu'elle a. Cette route, nous la connaissons bien. Il sagit de la Route 1, nous l'avons empruntée plus au sud pour gagner Suzuka. Une route impériale s'il vous plaît, pour rallier deux villes de même nature, Tokyo et Kyoto. Elle longe le Tomei Expressway. Cette autoroute serpente au pied du mont Fuji. Une vraie montagne, lisse, parfaite et parfaitement écrasante.

L'un de nos hôtes qualifiera son ascension d'inintéressante, au grand désespoir de mon camarade Claude, grand globe-trotter devant l'éternel. Remarquez, rapporté à l'envergure des pas dont est capable son mètre soixante-huit, il était mûr pour les premières neiges... La route desservant l'usine, Yamaha nous échappe une première fois. Le bâtiment gigantesque que nous avons identifié comme étant le siège social, ne l'est pas. De fait, il a une fonction sociale, pour le compte de Yamaha, sous la forme d'un dortoir destiné aux ouvriers célibataires.

Par ses dimensions, l'hôtel Méridien de la Porte Maillot, pourrait être son annexe. Finalement, à l'heure tapante, on y arrive. A gauche le siège, à droite le département Recherches et Developpements. Les deux bâtiments se valent. Côte à côte, séparés de quelques dizaines de mètres, ils offrent un parallèle entre l'importance de l'administratif et la prédominance technologique. Le premier gère, le second pense à l'avenir de Yamaha. La stratégie et la matière grise. C'est clair, l'un est d'un accès facile. L'autre demande un sauf-conduit en béton. Promis, l'année prochaine Moto Revue s'y attaquera.
Un département baptisé "Humanonics Section" a en charge ce type d'études
Test d'endurance sur une unité de simulation. Le grand hall d'accueil ne fait pas dans le clinquant. Derrière son comptoir, l'hôtesse observe notre arrivée. Elle partage l'endroit avec les deux petites dernières réservées au marché intérieur, une Zeal et la TZR 250 R, véritable Kocinsky replica. L'heure du meeting est précédée d'une présentation générale de Yamaha Motor, suivie de la visite de deux sites industriels ; assemblage châssis et assemblage moteur. Après un déjeuner Français dans un restaurant Français, sans une minute de retard sur l'horaire prévu, réunis dans un salon particulier, le staff nous attend déjà.

Le très honorable Hatsuo Onosawa chargé des relations publiques a sollicité pour l' occasion deux des responsables marketing Europe dont le boss "Keith" Iwahara, un ingénieur, un chef de produit et son assistant. Le premier a sans doute atteint là trentaine, ce qui ne semble pas devoir être le cas du second. Le jeune assistant, Haruo Okui, devant ses pairs interviendra à de nombreuses reprises. Non seulement à la suite de son supérieur hiérarchique Masahiro Inumaru, mais aussi au gré de son initiative. Une indication précieuse quant à l'autonomie prédominante de cadres jeunes, au stade le plus avancé de l'élaboration des produits.

Image de marque oblige, nous demandons des nouvelles de la Morpho. Simple dream-bike ou véritable concept-bike ? "La Morpho permettra effectivement d'appliquer certaines solutions techniques à la série, et d'en améliorer certaines autres. Cette moto est loin d'un simple exercice de style". Pour mémoire, la Morpho présente à la fois la particularité d'une suspension avant à bras oscillant, la direction pouvant être mécanique ou hydraulique. Quant à l'ensemble des points d'appui du pilote (guidon, selle, repose-pied), ils sont réglables en hauteur, écartement ou recul.

L'un des principes élaboré sur la Morpho est d'ordre ergonomique. A un tel niveau, la recherche fondamentale n'est pas seulement d'ordre esthétique ou ergonomique. La Morpho remet en question tout le comportement dynamique d'une moto, en termes de maniabilité et de stabilité. Les responsables seront un peu plus loquaces sur les études ergonomiques. "La protection, la position de conduite, les leviers et commodos font l'objet d'un développement permanent. Un département baptisé "Humanonics Section" a en charge ce type d'études. Parallèlement, nous poursuivons nos recherches sur le coefficient de pénétration dans l'air dans un tunnel à soufflerie, sans l'aide d'ordinateurs".

A priori, nous n'avons pas pris de court nos interlocuteurs en dénonçant l'immobilisme des constructeurs en matière de systèmes antivols. Un aspect pratique vital en Europe, prioritaire par rapport aux métamorphoses dont est capable le prototype décrit plus haut: "A cet égard nous avons deux axes: l'emplacement d'un "U" sur la moto lors de son transport et le choix d'un nouveau système. Nous travaillons sur ces deux aspects séparément". Une allusion tout juste voilée, laisse entendre que l'emplacement du "U" fait l'objet d'une idée très définie. Yamaha ne souhaite pas la divulguer. On comprend...
De plus en plus d'acheteur hésite entre deux modèles opposés dans le style
La Yamaha Morpho 2. En matière de paradoxe, nous soulignons sur la TDM l'intérêt du réglage de confort du combiné arrière. Encore un de ces petits riens allant dans le sens d'une plus grande facilité d'utilisation. Dans la foulée, Mr Mizutani prend note de la mauvaise accessibilité de l'écrou de précontrainte sur ce même amortisseur, avant d'ajouter: "Nous comptons modifier la clé destinée à ce réglage..." La 850 TDM est un vrai sujet de conversation. Voilà qui confirme, si besoin est, la place de cette machine dans le courant des années 90. Son positionnement et sa définition sont longuement commentés.

"Cette machine répond au désir d'une tranche d'utilisateurs, qui, au départ, ne sont pas définitivement fixés sur le choix de leur moto. De plus en plus l'acheteur hésite entre deux modèles opposés dans le style. Le but recherché avec la TDM est de satisfaire les exigences des uns et des autres en créant, non seulement une machine hybride offrant les caractéristiques d'une routière aux performances et comportement plus ou moins sportifs... le tout dans une partie-cycle et avec des suspensions de trails... mais encore d'ouvrir la voie à un nouveau type de machines".

Seules des études marketing poussées peuvent engendrer une démarche de cet ordre. Chez Yamaha, on ne semble pas trop craindre une éventuelle concurrence interne: "La TDM et la Super Ténéré appartiennent au même groupe, en son sein certains clients obtiendront une réponse plus satisfaisante avec la TDM. Néanmoins, ce type de consommateurs pourrait très bien être susceptible d'acheter un FJ 1200 ou une FZR. Seuls de petits détails feront la différence au moment de la décision d'achat et la TDM recueille plus de suffrages. Simplement parce qu'elle offre des réponses à chaque catégorie".

Pour tenir un raisonnement "à tiroirs" de cet acabit, lui donner ensuite la forme que l'on connaît, pas besoin d'être grand clerc pour imaginer la parfaite connaissance du marché que cela suppose. Cela ne changera pas la face du monde, mais à la demande de la tablée nous avons imaginé l'évolution technique "souhaitable" de la Super Ténéré. Cela dit, chez Sonauto, le gros trail en question figure au sommet des immatriculations. Y-a-t'il vraiment péril en la demeure ?... Bonne nouvelle, la sélection perfectible de la TDM n'est pas ignorée. Bien au contraire. Son évocation fait naître plus de sourires entendus que de moues exaspérées. Tout notre entourage est au courant. Cette critique de la 850, a dû prendre la forme d'une doléance unanime. Dans le genre "sensible", le cas de la 1000 FZR tombe à pic.

L'évocation de sa tenue de route perfectible, par la faute d'une direction devenue délicate jette un froid: "Nous avons préconisé l'adaptation d'un nouveau ressort". A force de chatouiller notre ingénieur sur ce point, nous frappons à la porte de l'exaspération. Stop ! sans rancune. Qui dit 1000 cm3, dit limitation de puissance. Qu'en pense Yamaha ? "Il faut attendre une situation plus définitive que celle actuellement en vigueur pour prendre les mesures qui s'imposent. A savoir, la conception d'une nouvelle machine. Soit à partir de bases existantes, soit un nouveau modèle spécialement étudié pour le marché Européen".
Nous entendons étendre notre système ABS à une grande partie de nos modèles.
Celle par qui tout est arrivé. La YA-1 Akatombo ou Red Dragonfly suivie en 1959 de la 250 YDS-1, puis en 1968 du premier trail 250 DT-1. Yamaha est serein, l'avenir des sportives ne peut s'en trouver compromis. Normalement, les directives Européennes ne prendront pas les motoristes au dépourvu. Si le respect des limitations de puissance est une préoccupation pour les pouvoirs publics, l'apparition de l'ABS frise la satisfaction absolue.

La firme régnant sur Iwata ne compte pas en rester là: "Nous entendons étendre notre système à une grande partie de nos modèles". La généralisation de l'antiblocage (nous l'espérons en option) sera l'un des vecteurs modérant son coût. C'est l'une des conséquences liées à une production massive. La sophistication et l'extrême compacité du système antiblocage Yamaha le prédispose à une vulgarisation n'intéressant plus seulement les GT.

La sécurité n'est pas tabou, bien au contraire. L'ingénieur Mizutani, pas rancunier s'en explique: "A titre d'exemple, nous avons le désir d'appliquer un phare directionnel. Nos ingénieurs travaillent aussi sur un système à deux roues directionnelles". De vous à nous, le second point semble plus enthousiasmant. Imaginez la chose suivante. Un phantasme technologique. Existera-t-il une liaison mécanique entre la direction avant et la roue arrière ? L'angle de braquage arrière peut-il, doit-il être asservi électroniquement ? Quelle peut-être l'incidence de braquage de la roue postérieure: l degré, 2 degrés, davantage ? Cela se complique plus encore si l'on évoque le mécanisme de direction hydraulique de la Morpho.

A moins que nous imaginions deux "récepteurs" hydrauliques, sans aucune liaison autre qu'électronique. Si les motos ne sont pas encore accablées par les problèmes de parking, en courbe ce procédé risque de dévorer tout cru l'inertie, elle-même grande consommatrice de maniabilité. Comment Yamaha peut envisager la rotation du moyeu, aussi faible soit-elle, et de l'élément de transmission secondaire: la chaîne ? La réponse passe peut-être par une moto à deux roues motrices.

Nous en avons parlé: "Yamaha a un projet en cours. Le recours à une transmission hydraulique retient davantage notre attention. Mais ce choix-là, n'est pas encore arrêté". Avec l'aide de l'électronique, on poursuit le phantasme sur le mode du "tout" hydraulique. La transmission à deux roues motrices, la direction à deux roues directrices, l'ergonomie autour du pilote. Brut d'écriture, celà semble nébuleux.
Sonauto doit très bien faire le nécessaire, dans le domaine de l'utilitaire et du loisir, pardi
Atmosphère décontractée et parfois questions directes, n'ont fait que valoriser une visite enrichissante. Pourtant, l'ABS Yamaha synthétise et miniaturise l'indispensable au bon fonctionnement de ce qui précède. N'est-ce pas un bel intermède pour ne plus parler couple, puissance, finition ? Que l'on nous mette au régime citrouille, jusqu'au jour venu d'enfourcher ce carrosse. Ajoutons à ces roues une suspension active, une étude très avancée chère au coeur de Yamaha. Une question vient de l'autre bord, ce ne fût pas la seule: "Comment se fait-il qu'autant de quads se vendent en France. Votre pays est juste derrière les Etats-Unis ?"

Silence... "Sonauto doit très bien faire le nécessaire, dans le domaine de l'utilitaire et du loisir, pardi". Pour des véhicules non homologués, la performance commerciale a de quoi surprendre. A propos de la Diversion 600, Mr Onosawa s'inquiète de la consonance liée à son nom. Et nous d'argumenter sur le bien fondé d'une identification évocatrice par rapport à l'image et au positionnement du produit.

Nous avons poursuivi comme cela, à bâton rompu, délaissant le magnétophone pour aborder la décennie passée, l'état des immatriculations neuves, celui des machines d'occasions, les nouvelles et futures mesures de Mr Georges Sarre, le coût de la vie, l'impact des rallyes Africains. Tout un programme.

Nous déposons les armes dans une boîte de nuit d'Hammamatsu, pour y pousser la chansonnette tous ensemble. Un épisode très sympa où le protocole vole en éclats. Nos hôtes connaissent la musique. C'est par elle que tout est arrivé un jour de 1887. La fabrique de piano a un jour enfanté une moto... Les diapasons de la marque sont là pour vous le rappeler.
Yamaha Motor: L'entreprise...
Création de Yamaha Motor en 1955, émanation de Nippon Gakki Co Ltd crée en 1897 par Torakusu Yamaha. 10078 employés. 62 usines dans 45 pays.


Entreprise diversifiée selon plusieurs grands pôles industriels au nombre desquels:

Engine Technology.

18 activités: motos, hors-bord, motoneige, moteurs automobiles (Ford, Toyota), golf cars, AIl Terrain Vehicles, etc...

FRP Technology (Fiberglass Reinforced Plastics).

9 activités: bateaux à moteurs, voiliers, casques, piscine, Marine Jet, etc...

Autres: robotique, turbines, pompes thermiques, génératrices éoliennes, galvanoplastie, air conditionné, moteurs d'avion.


Le pourcentage des ventes par secteur d'activité lors de l'exercice 89/90 se divise comme suit:

motocycles (47,4%).

productions marines (24,6%).

productions moteurs (11,9%).

moteurs automobiles (9,2%).

autres (6,9%).


Le volume de vente enregistré par Yamaha Motor en 1990 est de 415,903 millions de Yen, dont 56,4% à l'exportation.
Informations tirées de Moto Revue.
Par Philippe Gorce. Photos constructeur et auteur.
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