La sortie, c'est par là ! Yamaha RD 56/TD1C
Métisse d'usine
Combinés ressorts-amortisseurs bien droits, gros tambour, bras oscillant en tube rond... Voilà qui date la machine. Aux 100 miles de Daytona 1967, Gary Nixon l'emportait sur une Yamaha hybride, une TD1C au cadre de RD56. Une authentique curiosité retrouvée au fond d'un garage Américain et qu'à essayé notre correspondant Alan Cathcart.

Les précédentes Yamaha 250 twin avaient démontré de réelles qualités de compétitivité au sein du parc des machines privées dans les années 60, mais elles s'étaient également révélées très fragiles. Les compromis techniques dus au fait que leur moteur dérivait de la YDS de série n'étaient plus de mise sur le moteur à admission par distributeur rotatif de la RD56. Celle là même qui mena Phil Read au titre mondial 250 en 1964 puis à nouveau en 1965.
Une Manx deux-temps
La machine de notre essai est celle victorieuse à Daytona et à Indianapolis en 1967 aux mains de Gary Nixon. Une fois ses problèmes de jeunesse résolus, la TD1C devint, peu après son lancement en 1967, la fondatrice d'une lignée de machines de course qui devaient s'imposer dans de nombreux championnats, aussi bien en 250 qu'en 350.

Ce n'est que récemment qu'on a pu voir la domination des Yamaha réellement contestée par Rotax et Honda.

La TD1C fut donc une moto importante dans l'histoire de la compétition, puisqu'elle donna naissance à celle qu'on pourrait appeler la Norton Manx des années 70, à savoir la TZ à refroidissement liquide.

Toute la génération actuelle des ingénieurs qui s'imposent dans le monde de la compétition, de Kel Carruthers à Erv Kanemoto, se sont fait les dents sur des Yamaha TD, ainsi du reste que la plupart des grands pilotes tels Kenny Roberts ou Jarno Saarinen.
Un conte de fées
Les deux Mukini de 32 mm que nous voyons ici remplaçaient, dans la configuration d'Indianapolis, les Amal de 30 mm d'origine. La machine de notre essai est un véritable petit bijou d'authenticité. Elle appartient à Rick Soles, un New-yorkais de 31 ans qui dispute les compétitions "vintage" en Amérique du Nord. Elle fait partie des machines construites pour participer au 100 Miles de Daytona 1967 en 250. Le règlement AMA de l'époque exigeait que le moteur et la fourche avant soit dérivés de la série (de la YDS3 dans le cas d'espèce), les changements touchant le cadre ou le bras oscillant étant soumis à l'approbation des dirigeants de l'AMA.

Bien que Yamaha US ait réalisé que le cadre fragile de la TD1B était un peu juste pour recevoir le moteur du type C, le nécessaire fut fait afin que les RD56 soient homologuées pour Daytona. C'est ainsi que six des dix cadres de RD56 construits furent présentés à Daytona en 1967 avec de faux numéros de châssis propre à les faire passer pour des cadres de série modifiés et que deux autres furent équipés de moteurs 350 cm3, les tout premiers TR1, dotés de boîtes à quatre rapports (par blocage du cinquième pignon) afin de respecter la règlementation des courses 500 auxquelles elles devaient participer.

Le moteur dévoile ses origines de série. Les différences sont à l'intérieur. La pompe à huile de l'Autolube supprimée, le graissage se fait au mélange. Mike Duff et Tony Murphy furent peu chanceux dans la course des 200 Miles remportée par Gary Nixon sur sa Triumph. Pour ce qui est de la course des 100 Miles réservée aux 250, Nixon cette fois sur une RD56 métissée de TD1C réalisa le doublé en menant de bout en bout, seulement inquiété par ses compagnons d'écurie Duff, Murphy et Bobby Winters. Après cette course, il semble que ces machines n'aient plus couru qu'une fois, la même année, à Indianapolis où Nixon s'imposa de nouveau.

Dépassées par la TD1C devenue opérationnelle, ces machines hybrides furent expédiées au Japon, promises aux affres d'un chalumeau destructeur. Rick Soles, le propriétaire de la machine de cet essai, après l'avoir retrouvée au fond d'un garage et achetée pour 725 F, mena sa petite enquête auprès de Yamaha USA où on lui apprit que la machine concernée était sensée avoir été détruite à l'issue de la saison 1967.

Le moteur N° DS5-0002 installé dans le cadre DS5-02109 (numéro frappé sur la RD56 à la place de l'original) permettait de savoir que la machine était une des quatre 250 de Daytona, mais pas quel pilote avait conduit cette moto. Par contre, des photos permirent de s'assurer qu'il s'agissait de la machine que Nixon avait piloté victorieusement à Indianapolis. Le modèle était reconnaissable de par ses pots plus longs et plus gros que ceux de la TD1C de Daytona.
Un comportement moderne
Equipée de pneus modernes nettement plus performants que les triangulaires d'origine, la Yamaha est pénalisée par la faible garde au sol autorisée par le carénage. Bien que la TD1C de base soit fiable et puissante, délivrant 40 chevaux ou plus selon préparation, il était inquiétant que, passé 10500 tours, elle se révèle fragile des têtes et pieds de bielles, même si la lubrification était améliorée dans les moteurs à cinq transferts au lieu de trois dans les TD1B.

C'est pourquoi lorsque je me retrouvais par une froide journée dans le New Hampshire sur le plus vieux circuit Américain pour essayer l'engin, je dus arrêter le moteur pour faire répéter à Rick ce qu'il venait de me dire: "Tu peux la pousser jusqu'à 11500 tours".

Je dois dire que j'avais peur d'avoir mal entendu. Car si une Honda ne serre jamais, un deux-temps, surtout ancien, peut toujours serrer, et je n'étais pas venu en Amérique pour le prouver ! Sur le circuit on ressent la puissance dès 8000 tours, plus bas que je ne l'aurais cru, et même en évoluant en cinquième, on conserve un couple important.

Si de nos jours la qualité des métaux et la sophistication mécanique des deux-temps sont telles que les machines peuvent être menées au delà de 13000 tours avec une plage d'utilisation de 3000 tours, j'ai été surpris de constater à quel point la RD/TD avait un comportement moderne.

Rick a conservé les cylindres alu traités intérieurement au chrome d'origine, ainsi que les pots qui étaient dessus et s'est abstenu de toute préparation supplémentaire. Seul le vilebrequin a été refabriqué par Kevin Cameron, ce qui explique sans doute son actuelle fiabilité.
Une machine championne
Un poste de pilotage réduit à sa plus simple expression. Un changement notable par rapport à la TD1B, le compte-tours fonctionne même moteur débrayé. Dès sa première saison complète Rick fut sacré champion du Canada en "vintage", l'équivalent de nos courses AFAMAC, raflant le titre en catégorie 250. Et Rick avait mis son point d'honneur à courir avec une machine strictement d'origine. "J'avais été voir Gary Nixon avec ma moto, nous confie t-il, et il l'avait formellement identifiée comme étant celle avec laquelle il avait couru. Il me prêta des photos qui me permirent de la reconstituer fidèlement, entre autres au niveau de la peinture. Les gens aiment bien voir de telles machines authentiques à l'historique connu, et ça me fait d'autant plus de peine lorsque je l'abîme en tombant".

Il est certain qu'une des causes du succès de Rick est qu'il dispose du cadre RD, largement supérieur à celui de la TD1C. Pour en avoir pilotée une il y a longtemps, je dois dire que son cadre m'avait impressionné par sa tendance à saucissonner au-delà du raisonnable. Le cadre de la RD n'est pas parfait, mais il est bien supérieur à celui qui équipa la Bultaco à cadre Yamaha TD de Barry Sheene, ainsi qu'à l'ensemble de la production Européenne de la fin des années 60.

De leur côté, les pneus Michelin qui équipent la machine accrochent mieux que les pneus triangulaires de l'époque, même s'ils ne sont pas exceptionnels. La fourche (tubes de 32 mm) n'a plus grand chose à voir avec celle de la YDS3 dont elle est dérivée. Elle se révèle étonnamment efficace sur le circuit bosselé de Loudoun, même avec le surcroît d'adhérence apporté par les pneumatiques modernes. Toutefois, comme beaucoup de fourches de cette époque, Japonaises en particulier, elle apparaît à l'usage trop dure quoi que bien amortie, et marque une nette tendance à plonger lors des freinages soutenus autorisés par l'impressionnant frein avant à tambour.

Pour une machine à refroidissement à air légère (105 kg) ce frein se révèle être un point fort, mais il ne faut pas hésiter à tirer très fermement sur le levier pour que ses quatre garnitures fassent leur office. D'un côté, cela a l'avantage de vous mettre à l'abri d'un blocage de roue avant, mais de l'autre, vous n'êtes jamais sûr de vos distances de freinage. Des gamitures modernes du genre Ferodo pourraient améliorer les choses, mais il est probable que seule la monte de ressorts de fourches moins raides permettrait d'éviter les sautillements qui se manifestent au freinage du fait d'un avant trop rigide.

Bien qu'elle date un peu au niveau de ses suspensions et de son freinage, la Yamaha est étonnamment modeme en terme de comportement. Et ceci malgré un configuration mécanique ancienne au niveau du dessin de l'admission (sans valves évidemment) et de l'allumage confié à une magnéto comme à l'origine. Yamaha avait essayé un des tout premiers allumages électroniques à Daytona en 1967, mais aussi bien Murphy que Duff durent abandonner en course sur ennuis d'allumage. C'est pourquoi à Indianapolis, Nixon préféra revenir à la magnéto.

Cette photo permet d'apprécier le frein à tambour ventilé doté de quatre garnitures. A l'époque, c'était pratiquement ce qui se faisait de mieux, mais il ne fallait pas hésiter à tirer virilement sur le levier. Autre changement par rapport à la course de Daytona, la lubrification. Le système "autolube" avec le réservoir d'huile logé dans le dosseret de selle n'était plus installé à Indianapolis, pas plus que les carburateurs Amal de 30 mm d'origine. La machine dispose d'une paire de Mikuni de 32 mm, et le réservoir en alu contient 18 litres de mélange à 4%. Ayant récemment trouvé des Amal d'origine, Rick se propose de les monter pour voir si le résultat obtenu sera comparable avec le rendement des carbus actuels plus modernes.

Quoi qu'il en soit, même avec les Mikuni, le démarrage de l'engin réclame un fameux doigté. Il faut commencer par pousser tout gaz coupés, puis ouvrir tout doucement, et dès que le moteur commence à accrocher, on peut embrayer franchement. On est loin des départs instantanés des deux-temps actuels ! L'embrayage à cinq disques tournant dans l'huile était d'un nouveau dessin à Daytona, puisque monté en bout d'arbre primaire, et non plus en bout de vilebrequin. Du reste, cet ancien montage qui le faisait tourner à la vitesse du moteur était une faiblesse notoire de la TD1B qui avait une fâcheuse tendance à exploser son embrayage au moindre rapport loupé.

Plus de problème de ce côté donc avec la TD1C, dotée en plus d'une commande douce, ce qui est appréciable sur un circuit plein de recoins et de virages lents comme Loudoun. Enfin, sur le modèle de l'essai, le compte-tours fonctionnait même débrayé, ce qui n'était pas le cas sur la TD1B. Heureuse époque, où le pilote devait estimer à l'oreille son régime moteur sur la ligne de départ au milieu du vacarme des autres motos !
Vers des temps nouveaux
La TD1C, pionnière de l'ère des deux-temps modernes, est donc un peu la grand-mère des motos que nous voyons en course aujourd'hui. Le métissage de RD56 et de TD1C que possède Rick Soles a permis à Yamaha d'accoucher de la TD1C définitive, et à ce titre, c'est une machine importante dans l'histoire des motos de compétition.
Fiche technique
Moteur
Twin deux-temps incliné à 80°, refroidissement à air, admission par la jupe du piston.
Côtes: 56 x 50 mm.
Cylindrée: 247 cm3.
Puissance: 44 chevaux à 11200 tours.
Carburateurs Mikuni de 32 mm.
Allumage magnéto Hitachi.
Balayage: à 4 transferts plus une lumière d'échappement.
Boîte de vitesses: à 5 rapports.
Embrayage: 6 disques acier et 5 disques garnis en bain d'huile.

Freins
Avant: à tambour Yamaha de 215 mm à 4 garnitures.
Arrière: à tambour Yamaha de 210 mm à 2 garnitures.

Cadre
double berceau complet (type featherbed) en tubes ronds.
Empattement: 1320 mm.

Pneumatiques
Avant: 10/64 - Michelin 18/TV12, jante WM1.
Arrière: 13/66 - Michelin 18/TG22, jante WM2.
Poids: 105 kg à sec.

Vitesse de pointe: 216,8 km/h (Mike Duff à Daytona en 1967).
Année de construction: 1967.
Informations tirées de Moto Journal.
Par Alan Cathcart, traduction Frédéric Fossaert.
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