La sortie, c'est par là ! Comment ont-ils débuté ?
Comment ont-ils débuté ? Y a-t-il une recette infaillible pour devenir pilote de Grand Prix ? Hélas non ! Pour devenir champion du monde, suffit-il de connaître quelques trucs que l'on apprend dans les livres ? Encore moins. Sinon, nous serions tous champions du monde. Le chemin qui mène de la première course de côte ou de la première course nationale à la première ligne d'un Grand Prix est long et parsemé d'embûches.

Ni recettes, ni trucs, mais beaucoup de courage et de persévérance, voilà ce qu'il vous faut pour réaliser ce rêve que beaucoup caressent et que peu atteignent: devenir pilote de Grand Prix. Il faut aussi de la chance, beaucoup de chance, mais le courage permet justement de forcer cette chance dans la plupart des cas. Il est impossible de comparer les débuts de deux pilotes, de vouloir trouver des constantes qui permettent de dire: "Si je fais comme ceci, si j'imite tel coureur, je parviendrai à faire comme 1ui".

Autant d'individus, autant de cas d'espèce. Mais si vous tenez tout de même à vous faire une petite idée de la façon dont les champions en place ont débuté en course, lisez ce qui suit. Huit pilotes de Grands Prix, et parmi eux quatre champions du monde, sont devenus célèbres en quelques années grâce aux courses de motos. Ce sont des vedettes à part entière du Continental Circus. Vous rêvez de les imiter ?

En revoyant quels furent leurs débuts vous trouverez peut-être ce supplément d'énergie qui est indispensable à tout pilote débutant. Et si vous trouvez que c'est vraiment trop difficile, vous pourrez tout de même vous remonter le moral en constatant que pour la moitié de ces vedettes, les premières sorties en piste n'ont pas été de tout repos.
Patrick Pons. Le don et la chance.
Patrick Pons. Bien qu'elle n'ait pas été aussi rapide que celle de Cecotto, la carrière de Patrick Pons est un modèle de réussite. Ce garçon qui a besoin de la compétition pour s'exprimer a réussi à s'imposer très vite en dépit d'erreurs énormes qui auraient pu le décourager lors de sa première année de course. Né à Paris le 24 décembre 1952, Patrick Pons est fils d'une famille de grands sportifs. Son père a toujours été un joueur de golf passionné, et il a aussi beaucoup joué au rugby.

L'hiver, ses parents et ses quatre soeurs font du ski. Le sport et la compétition sont donc un sujet de conversation habituel à la maison. A l'âge de neuf ans, Patrick est mis en pension dans les Alpes. Il supporte difficilement ce régime, mais découvre le ski, sport qu'il pratiquera un peu plus tard en compétition. Ce qu'il adore aussi, c'est le vélo ; bref, tout ce qui lui permet d'aller vite.

Pendant les vacances, il va dans la maison de ses parents située près de Rouen, au bord de la Seine. Là, Patrick va découvrir les plaisirs de la vitesse avec le bateau à moteur hors-bord et surtout les cyclomoteurs de ses soeurs. Avant même d'avoir l'âge de les conduire sur les routes, il s'en sert pour effectuer d'interminables slaloms entre les arbres du parc. La destruction accidentelle de l'un de ces cyclomoteurs l'obligera à exiger le sien dès qu'il sera en âge d'en avoir un. Ses soeurs ne veulent plus lui prêter les leurs ! Passionné par les revues d'auto et de moto, Patrick Pons ne songe pas vraiment à courir, mais à posséder un engin à moteur le plus vite possible. Dès l'âge de seize ans, il achète sa première moto, une 125 Yamaha, qu'il se fera voler quinze jours plus tard. D'autres machines vont suivre, une 350 Honda notamment qui aura l'occasion d'exploser plus souvent qu'à son tour.

De toute évidence, Patrick ne devait pas la ménager. La 350 Honda sera suivie d'une 450, puis d'une 500 Kawasaki, le tout dans la même année. Lorsqu'il achète cette Kawasaki, Patrick a sa petite idée en tête. Elle lui est venue petit à petit, et il découvre qu'il a envie de courir. D'après les livres et journaux qu'il lit, cette Kawasaki semble être la moto de route la plus proche d'une moto de course. Ignorant tout de la course, y compris de l'art et la manière de prendre une licence, Patrick décide de se rendre à la Bastille pour y rencontrer des motards. Là, il y rencontre Pierre-Louis Tebec, tout auréolé de sa "gloire" de pilote. Il va lui faire confiance, à tort malheureusement. Tebec lui propose de lui construire une partie cycle de course pour héberger le moteur de la 500 Kawasaki.

Patrick accepte et commande ce cadre, qu'il recevra en retard et très incomplet. Chez lui, il ne possède ni outils, ni pièces de rechange, et il ignore tout de la préparation d'une moto. Heureusement, Tebec lui propose un coéquiper pour participer aux Dix Heures de Montlhéry. Ce coéquipier, c'est Daniel Moser, dont le père est un bon préparateur. En voyant la P.L.T., cette 500 Kawasaki à cadre Tebec, le père Moser s'arrache les cheveux. Il parvient pourtant à en faire quelque chose qui tient debout dans la nuit précédant le départ des fameuses Dix Heures de Montlhéry. Daniel Moser fit le premier relais et passa la moto à Patrick qui n'avait pas pu faire un seul tour complet aux essais car le moteur avait serré sans arrêt.

Sans aucune hésitation, Patrick enfourcha la moto et partit à fond de train sur le circuit de Montlhéry qu'il n'avait jamais vu autrement qu'en photo ou dessiné sur les journaux spécialisés. Dans sa tête, il ne devait pas y avoir de chicane nord sur le circuit. Or, il y en avait une, et il arriva au bout de la ligne droite à fond de train et vint percuter le mur de bottes de paille avant même d'avoir fini son premier tour. Le pilote n'eut aucun mal, mais la moto était bien endommagée, la fourche en particulier étant complètement tordue. Pour réparer, il ne fallait plus compter sur Tebec. Heureusement, le père de Daniel Moser décida d'aider ce garçon, et il lui remit cette moto en état. Deux mois après, Patrick Pons s'engagea dans une course qui devait avoir lieu à Reims.

Il s'y rendit en compagnie, d'amis, dont Gérald Garnier. Ils arrivèrent dans la nuit du samedi au dimanche, plantèrent leur tente et essayèrent de dormir un peu avant les premiers essais. Inter et nationaux couraient ensemble, mais il y avait deux classement séparés. Patrick prit donc le départ aux côtés de Rougerie, Ravel, Appietto, Bourgeois et consorts. Tout le monde cassa ou presque, et Pons termina en seconde position derrière Michel Rougerie, remportant le classement des pilotes nationaux. Patrick interrompit là sa saison 71. Puis il passa et réussit son bac. Cela lui permit d'obtenir de ses parents suffisamment d'argent pour racheter l'ex-Yamaha 250 TDA de Daniel Moser, une vraie moto de course.

L'histoire de Patrick Pons est lièe à celle de la coupe Kawasaki. Remarquez sa position au guidon. Les parents de Patrick ne voyaient pas d'un très bon oeil la passion de leur fils, mais comme ils l'avaient toujours laisser libre de faire ce qu'il voulait, ils ne s'opposèrent pas vraiment à sa carrière. De toute façon, Patrick avait de qui tenir, notamment le frère de son père qui avait longtemps participé à des courses automobiles. En dépit des difficultés rencontrées en 71 avec cette P.L.T., la saison 72 s'annonçait bien.

En revendant la P.L.T., Patrick décida d'acheter une 350 Kawasaki pour participer à la coupe du même nom, afin de pouvoir courir le plus souvent possible. Cette saison 72 fut ce que l'on sait: en dépit de nombreuses chutes, Patrick remporta la Coupe Kawasaki. De même, il batailla pour le titre national en 250 avec sa Yamaha toujours préparée par Moser, et en fin de saison, Kawasaki lui prêta une 250 pour faire le criterium.

Pour sa vraie première année de courses, Patrick avait donc participé régulièrement à trois catégories et, avec la Yamaha TD2, il s'était familiarisé avec une vraie moto de course. Avec l'argent de la Coupe Kawa et de la revente de cette Yamaha, Patrick Pons racheta une autre 250 Yamaha début 73: une troisième place à Rouen et une neuvième place au GP de France suffirent à décider Jean-Claude Olivier, le patron de Sonauto, à engager Patrick dans son écurie. Son avenir était dès lors tout tracé.
Phil Read. Tout pour devenir champion.
Phil Read. "Mes parents sont partis en voyage de noce sur deux motos rutilantes, dit Phil Read. Pouvait-il y avoir autre chose dans ma vie que la moto ?"

La carrière de Phil Read est en effet née sous d'heureux auspices. Ses parents étaient des passionnés de moto, conduisant chacun la leur. Le père de Phil n'avait jamais couru, mais sa passion était réelle. Il allait souvent voir des courses de motos et emmenait son fils sur le tan-sad derrière-lui. Non contente de conduire sa propre moto, la mère de Phil Read enseigna à son fils l'art de conduire ces engins dès qu'il fut en état de le faire. A treize ans, il parvint à acheter une 250 Matchless à soupapes latérales pour une cinquantaine de francs.

Sa mère commença par lui apprendre comment on démarre une moto à la poussette. Puis il se mit à démonter et à remonter cette vieille Matchless jusqu'à la connaître par coeur. Sa passion pour les motos et pour la mécanique pouvait s'assouvir pleinement. Aussi, lorsqu'il fut temps pour lui de quitter ses études secondaires, il décida d'aller suivre les cours du collège technique de Luton, ville familiale où il était né le 1er janvier 1939. Pendant toute son adolescence, Phil Read rêva de courir au Tourist-Trophy. Il y était allé avec des amis alors qu'il était encore au collège, et cette course avait été une révélation.

Il avait vu courir et lutter Geoff Duke, John Surtees et Bob Mac Intyre qui étaient les grandes vedettes de l'époque. En voyant passer ses héros, Phil Read se jura qu'un jour il viendrait lui aussi pour courir dans l'Ile de Man. A seize ans, il quitta le collège technique pour devenir apprenti mécanicien dans un garage. Chaque sou gagné était autant d'économisé pour réunir la somme nécessaire à l'achat d'une bonne moto. Ce fut une 350 Vélocette, avec laquelle Phil tourna et retourna sur toutes les petites routes du pays en cherchant quelqu'un avec qui se tirer une bourre. Ce gamin avide de sensations fortes était devenu l'ami d'un pilote qui habitait Luton et chez qui il passait de longues heures à regarder comment on prépare une machine de course.

Alors qu'il venait d'avoir dix-sept ans, Phil Read vendit sa Vélocette et commanda une BSA Gold Star, machine parfaitement adaptée aux courses de clubs pour débutants. Trop pressé de courir, Phil démonta tous les accessoires de cette moto, phare, plaque d'immatriculation, et s'aperçut alors qu'il devait utiliser cette moto pour se rendre à Mallory Park, lieu de sa première course. Il fallut donc tout remonter pour l'enlever à nouveau une fois arrivé sur le circuit. Ces préparatifs fébriles furent exécutés sous l'oeil de Mme Read qui, loin de vouloir décourager son rejeton, fit toujours tout ce qui était en son pouvoir pour l'aider. Ainsi, pour cette première course à Mallory Park, elle décida d'accompagner son fils.

Phil partit sur sa BSA et sa mère suivit en voiture, en emmenant la tente et les outils. Ils partirent le samedi après-midi pour la course qui devait avoir lieu le lendemain. Phil dormit sous la tente avec sa moto et sa mère dans la voiture. Cette première tentative à Mallory Park fut moyenne: après s'être fait une bonne chaleur aux essais en bloquant son frein arrière, il chuta à l'épingle sans se faire de mal, remonta en selle et se classe treizième. C'était une course en deux manches qualificatives et une finale, et il aurait fallu finir dans les dix premiers pour pouvoir courir en finale.

Un peu déçu et furieux contre lui-même, Phil Read rentra chez lui, déterminé à faire mieux la prochaine course. Il s'y rendit une nouvelle fois en moto, accompagné cette fois d'un copain qui conduisait sa propre moto. Les deux machines étaient chargées d'outils et de pièces de rechange, mais pas de toile de tente. Les deux fanas avaient décidé qu'ils se débrouilleraient bien pour trouver un lit !

La course se déroulait de nouveau en deux manches qualificatives et une finale. Pendant la manche qualificative, Phil Read se trouvait en neuvième position après un très mauvais départ lorsque le pot d'échappement se détacha et tomba sur la piste. Avant que Read ait eu le temps de le ramasser, plusieurs pilotes avaient roulé dessus et le pot était tout aplati. Non seulement il n'était pas question de faire la finale avec ça, mais il allait s'agir de réparer pour pouvoir revenir à la maison. Heureusement, un gars dans le paddock possédait un pot de rechange et le prêta à ce jeune débutant qui put ainsi rentrer chez lui. Mais il n'avait pas eu le temps de remonter le phare.

La nuit tomba et il fut contraint de s'arrêter. Tous ces déboires auraient pu décourager Phil Read, mais il en fallait plus pour lui saper le moral. Après avoir effectué quatre autres courses au guidon de la BSA, il la revendit pour acheter une 350 Manx Norton, une vraie machine de course. La saison 58 lui permit de réaliser son rêve, courir dans l'Ile de Man. Il participa au Manx Grand Prix, qui se déroule sur le circuit du Tourist-Trophy et est réservé aux pilotes nationaux Britanniques. Après s'être classé troisième dans une course qualificative de quatre tours, Phil Read termina en dix-septième position la course du Junior.

Mallory Park 1957, Phil Read et sa Norton emmènent le peloton à Devil's Elbow. Passée cette saison, Phil Read aborda la course en vrai professionnel. A partir de 1959, il commença à toucher des primes de départ, courant avec deux Manx Norton 350 et 500 cc qu'il avait achetées neuves. Il retourna au Manx Grand Prix pour finir treizième en 500 et septième en 350. Mais Phil Read voulait absolument remporter une victoire dans ce Manx Grand Prix: il l'obtint enfin cette victoire, dans le Senior 1960, et cela lui permit de démarrer pour de bon sa carrière internationale.

A partir de 1961, Phil Read occupa une place de choix parmi les meilleurs pilotes privés Britanniques, les rois des gros monocylindres Norton, A.J.S. ou Matchless. Ses prestations lui permirent de se faire prêter des motos par Syd Lawton ou Tom Kirby. En 1961, il remporta le Tourist Trophy en 350 cc. Deux ans plus tard, il était engagé par la Scuderia Gilera de Geoff Duke. Puis Yamaha l'engagea à la fin de 1963, et il remporta son premier titre mondial en 1964. Depuis il en a remporté six autres et il est devenu le grand Phil Read...
Michel Rougerie. Une affaire de famille.
Michel Rougerie. Fils unique adoré par ses parents, Michel Rougerie a toujours trouvé en eux un soutien moral et financier pour tout ce qu'il désirait entreprendre. Son père avait toujours aimé la moto. Aussi lorsque son Michel manifesta le désir de courir, il n'y eut aucune opposition paternelle, bien au contraire. Michel Rougerie est né le 21 avril 1950 à Montreuil, mais assez rapidement ses parents se sont installés dans un pavillon à Rosny-sous-Bois. Parmi tous les jeux de son enfance, celui dont il se souvient avec le plus de satisfactions, c'est déjà la course.

Une course de vitesse avec les copains de son âge où le véhicule n'était qu'une caisse en bois munie de roulettes, avec laquelle on dévalait ventre à terre toutes les descentes des environs. Puis il entama des études secondaires qu'il interrompit au niveau de la troisième: les cours l'ennuyaient copieusement.

Mais comme il était fort en math il décida de suivre les cours d'une école d'électronique. En principe, il en devait sortir ingénieur en sept ans. Il n'eut jamais le temps d'aller jusque là: car la passion de la moto était déjà en lui.

Dès quatorze ans, il parvient à réaliser un vieux rêve en décidant sa mère à lui acheter un cyclomoteur sport, un Paloma Flash Spécial Johnny. Son père n'avait pas été dur à convaincre, mais sa mère était tout de même un peu inquiète à l'idée de le laisser conduire cet engin qui n'était pas bridé et pouvait atteindre allègrement 90 kilomètres heure.

Le Paloma va servir de monture d'entraînement pendant deux ans ; dans la tête de Michel Rougerie, l'envie de courir est déjà puissante. Mais il faut attendre d'avoir seize ans et surtout trouver une machine plus compétitive. Pas question de commençer à courir avec une "tasse"! A seize ans donc, nanti de son permis moto, Michel obtient de ses parents la mise de fonds nécessaire à l'achat d'une 350 Honda.

Toute première apparition de Michel Rougerie sur un circuit en mars 1968, avec sa 350 Honda à Montlhéry. Les parents de Michel n'étaient pas spécialement riches, mais ils ont toujours tout fait pour venir en aide à leur fils. Avec la 350 Honda, Michel se familiarise à la conduite d'une grosse moto. C'est l'époque où il allait tourner avec des copains devant le siège du M.C.F. boulevard Péreire. Tous les membres du club qui le voyaient passer se demandaient qui pouvait bien être ce jeune fou et ne trouvaient à dire en conclusion que "... ce petit imbécile ferait mieux d'aller courir en circuit ". C'était bien son intention.

Mais pour des tas de raisons, Michel n'effectua sa première course qu'à la Côte Lapize en mars 1969. La 350 Honda avait été transformée pour être mieux adaptée à la course. C'est au cours de cette préparation que Michel rencontra un homme qui allait lui donner sa première chance: Robert Assante, qui à l'époque travaillait chez Jean Murit. C'est lui que Michel vint voir pour demander des pièces racing en vue d'équiper la Honda.

La saison avec cette moto ne se déroula pas trop mal puisque Michel termina troisième pilote national au championnat de France. Les 1000 kilomètres du Mans se déroulaient quinze jours avant le Bol d'Or réorganisé pour la première fois en septembre 1969. Michel décida de courir les 1000 Bornes avec un copain et vint trouver Assante qui était parti chez Japauto pour lui demander des pièces.

Il apprit par la même occasion que la 750 Honda quatre cylindres allait arriver en France et, sans perdre son sang-froid, il demanda à Assante si Japauto pourrait lui en préparer une pour le Bol d'Or. C'était sans grand espoir, mais c'est un trait caractéristique de Michel Rougerie: il sait se mettre en avant et faire remarquer qu'il existe lorsqu'il sent que quelque chose peut lui être bénéfique. A priori, Christian Villaseca le patron de Japauto ne songeait pas à Michel Rougerie pour piloter sa 750 Honda du Bol d'Or. Il voulait la confier à Daniel Urdich qui avait fait une bonne place aux 1000 kilomètres du Mans sur une 250 Honda.

Mais le coéquipier d'Urdich ne pouvait participer au Bol d'Or. Il fallut lui trouver un remplaçant. C'est à ce moment là qu'Assante se souvint de la proposition de Michel et c'est ainsi qu'il fut décidé qu'il serait le coéquipier d'Urdich pour le Bol d'Or. Aussitôt, Michel se rend chez Japauto et commence à préparer la moto dans l'atelier, mais second coup de chance, Christian Villaseca a réussi à obtenir une machine d'usine des Japonais, parfaitement préparée.

Il ne reste plus à Michel Rougerie et Daniel Urdich qu'à l'enfourcher, et les voilà partis pour une victoire que personne n'attendait. Avant même la fin de sa première année de course, Michel se faisait remarquer par un coup d'éclat. Ce succès et le désir de courir de plus en plus sérieusement vont décider Michel à abandonner toute forme d'études. Désormais il veut courir sans arrêt. Le problème est que le matériel se fait plutôt rare. On est fin 69 et il reste très peu de machines compétitives, les premières Yamaha compétition client sont rarissimes.

Michel achète une 125 Bultaco à refroidissement liquide et essaye d'améliorer encore sa 350 Honda en lui adjoignant un carénage, un nouveau kit qu'il a pu faire venir des Etats-Unis et beaucoup d'imagination. Mais ces efforts ne sont pas suffisants. Il ne suffit pas de montrer que l'on est brave, il faut aussi faire des résultats. Or la Honda n'est vraiment pas assez compétitive et la Bultaco casse sans arrêt. S'il n'avait possédé un courage et une détermination à toute épreuve, Michel Rougerie aurait trouvé plus d'une fois prétexte à se décourager en 1970, lorsqu'il se battait crânement contre des motos infiniment plus rapides que les siennes.

Michel et la Bultaco à refroidissement liquide qui fut sa première vraie machine de course. Malgré tout, ces efforts ne seront pas perdus pour tout le monde: lors de la dernière course de la saison sur le circuit Paul Ricard, Michel se bat comme il peut avec sa Honda face à des Yamaha. Robert Lecomte, l'importateur Aermacchi-Harley-Davidson se trouve en bord de piste, et il ne manque pas de remarquer le cran de ce jeunot qui s'attaque aux plus grands noms sans aucune hésitation.

Lecomte et Rougerie feront connaissance un peu plus tard au salon, et l'importateur annonce à Michel qu'il pourra lui prêter une 125 pour la saison 71. De son côté, Michel réunit ses maigres économies, fait encore appel à la générosité paternelle et achète une 500 Kawasaki H1R, une moto fragile qu'il va préparer lui-même tout au long de la saison 71. C'est avec cette moto qu'il remporte son premier titre de champion de France, battant des pilotes assistés par l'importateur Kawasaki.

Cette fois, il n'est plus l'outsider de ses débuts, il est devenu l'un des leaders de la vitesse en France. Robert Lecomte lui propose alors les 250 et 350 Harley-Davidson officielles pour 1972. Cette association se soldera par deux titres de champion de France, puis cette marche irrésistible vers le titre de vice-champion du monde des 250 cc en 1975.
Barry Sheene. Il avait de qui tenir.
Barry Sheene. Frank Sheene est un personnage dans le monde Anglais de la moto: ancien coureur, il a commencé à sponsorer des pilotes dès qu'il s'est arrêté de courir. Les sponsors Anglais comme Frank Sheene, Tom Kirby ou Tom Arter étaient des passionnés qui possédaient une ou deux motos de course et les prêtaient à quelques pilotes. Pas question de leur donner de l'argent bien-sûr. Mais jusqu'en 1969, les sponsors de la vieille école étaient nombreux et ils permirent à la majorité des grands pilotes Britanniques de s'en sortir à leurs débuts. Rien d'étonnant donc si Barry Sheene, fils cadet de Frank Sheene ait été plongé dès son enfance dans le milieu de la course.

Ses parents habitaient en plein centre de Londres, dans un collège dont Frank était le gardien. Au fond de la cour de ce collège, deux immenses garages tenaient lieu d'atelier. Tout petit, Barry assistait à la préparation d'un 50 Itom qui fut prêté à Bill Ivy, puis des 125 et 250 Bultaco qui furent prêtées à ce même Bill Ivy ainsi qu'à Phil Read. Chez Sheene, on vivait moto et on ne parlait que de ça. Toute l'enfance de Barry se passa sur les circuits de vitesse, car toute la famille accompagnait Frank Sheene lorsqu'il emmenait ses motos quelque part. Barry eut l'occasion de cotoyer les plus grands pilotes du moment. La silhouette de Frank Sheene, surnommé Franco à cause de son amour pour les motos Espagnoles dont les Bultaco, était toujours accompagnée de celle d'un gamin avide de voir tout ce qui se passait autour de lui.

Un gamin qui était d'ailleurs peu enclin à faire des études et qui décida de quitter l'école dès quinze ans, pour devenir livreur au volant d'une camionette. A force de voir son père prêter des motos aux autres, il eut envie d'essayer lui-même. Franco renacla un peu, mais au fond de lui-même il n'était pas mécontent de voir que son fils avait envie de courir. Les Bultaco étaient toujours parfaitement préparées. Un beau jour de 1968, Barry décida de faire une tentative. Il avait eu l'occasion de faire quelques épreuves de trial auparavant, mais au lieu d'essayer d'apprendre les zones, il passait son temps à attaquer dans les petits chemins. Le trial lui plaisait mais n'était semble-t-il pas assez rapide pour lui.

Ce premier essai sur une moto de course lui parut sympathique et, huit jours plus tard, il se retrouvait sur la ligne de départ à Brands Hatchs au guidon d'une Bultaco préparée par son père. Tout marcha au mieux puisqu'il termina quatrième de la finale des 250 cc. Il avait également pris le départ en 125, mais là, il fut arrêté par un serrage du moteur alors qu'il se trouvait en seconde position. Là-dessus, Lewis Young lui proposa de l'accompagner comme mécanicien pour faire le Continental Circus. Barry oublia momentanément son envie de courir et partit pour six mois sans savoir ce qu'il allait réellement faire. Il préparait les motos de Young, utilisant ses connaissances techniques acquises, on s'en doute, en aidant son père à préparer les motos.

D'un seul coup, deux mois plus tard, alors qu'il assistait à une course du bord de la piste, il eut de nouveau envie de courir, envie rendue encore plus aigue parce qu'il constata qu'il aurait pu aisément finir dans les cinq ou six premiers au regard de ce qu'il avait fait à Brands Hatch peu de temps auparavant. De retour en Angleterre en fin de saison, il expliqua à son père que cette fois il avait l'intention de courir pour de bon, et non pas seulement pour voir ce que c'est.

Barry Sheene remplaça ses premières Bultaco par cette 125 Suzuki avec laquelle il se lança en Grands Prix. Frank Sheene engagea aussitôt son fils dans la dernière course de la saison à Brands Hatch. Là, il remporta la course des 350 et celle des 125, non sans être le premier étonné. Il s'attendait à plus d'opposition. Ces deux victoires sur des Bultaco allaient être déterminantes pour la saison suivante. En effet, Bultaco avait décidé d'arrêter non seulement la compétition, mais également la production de machines de course. Avec son père, Barry se rendit à Barcelone à l'usine Bultaco où il rencontra le Senor Bulto, boss de l'usine. Ils lui expliquèrent qu'ils avaient besoin de pièces et de moteurs pour pouvoir faire une saison entière en Angleterre et essayer de remporter si possible un titre mondial.

Barry profita de l'occasion pour rester un certain temps en Espagne et apprendre l'espagnol. Puis il rentra en Angleterre pour préparer sa saison 1970. Les Bultaco étaient rapides mais malgré tout plus assez compétitives. Malgré cela, Barry remporta un certain nombre de victoires, mais pas le titre de champion d'Angleterre. En 125 cc, il fut battu de justesse par Chas Mortimer qui disposait d'une Villa bien plus rapide que la Bultaco. Jusque là, Barry Sheene était encore un inconnu pour tout le monde, y compris les Anglais.

Mais en fin de saison se présenta une chance qui allait lui permettre de changer de registre. Stuart Graham, ex-pilote d'usine pour Suzuki possédait toujours sa 125 de Grand Prix, avec laquelle il avait couru quelquefois en Angleterre en 1968 et 1969. Ayant décidé d'abandonner la moto au profit de l'auto, il chercha un acquéreur pour cette 125 Suzuki, le dernier modèle construit par l'usine avec le cadre en magnésium interrompu sous le moteur. Les Sheene sautèrent sur l'occasion: Frank accepta d'avancer l'argent nécessaire à l'achat de cette machine, et Barry réalisa aussitôt qu'il avait entre les mains une moto capable d'être championne du monde.

Dieter Braun venait en effet de remporter le titre mondial en 125 avec une Suzuki ex-usine antérieure d'un an à celle que vendait Stuart Graham. Après avoir remporté la première course qu'il disputa au guidon de cette Suzuki en Angleterre, Barry effectua une tentative dans le dernier Grand Prix de la saison, à Barcelone en Espagne. Là, il termina en seconde position, manquant de peu la victoire derrière Angel Nieto. Cette performance le décida à tenter l'expérience des Grands Prix dès 1971. Il ajouta une 250 Yamaha à la Suzuki et partit pour faire le Continental Circus. Malgré trois victoires en Belgique, Suède et Finlande, il manqua de peu le titre mondial, battu d'extrême justesse par Nieto. Mais il était devenu un membre à part entière au sein du Continental Circus.
Giacomo Agostini. L'obsession de la course.
Giacomo Agostini. Le 16 juin 1942, à Brescia dans le Nord de l'Italie, Amelia et Vittorio Agostini célèbrent la naissance de leur fils Giacomo. Vittorio Agostini déménagera peu après avec toute sa famille pour aller s'établir au bord du lac d'Iseo. Il dirige une compagnie de transports routiers et fluviaux et mène un train de vie d'industriel aisé.

Giacomo sera suivi de trois frères mais il fut le premier à s'intéresser aux engins à deux roues pourvus d'un moteur. Dès l'âge de huit ans, il a à sa disposition un mini scooter de 50 centimètres cubes avec lequel il peut rouler dans le parc de la maison familiale. Puis très vite, il va avoir toutes sortes de cyclomoteurs entre les mains: un Bianchi que son père lui achète pour ses dix ans, puis un Parilla avec lequel il fait du tout-terrain.

En achetant à son fils tout ce qu'il voulait, Vittorio Agostini faisait naître sans s'en douter la passion qui allait déterminer la carrière de son fils. D'autant que les petites routes sinueuses abondent sur les bords du lac d'Iseo, et qu'il y avait toujours une bande de copains avec lesquels Giacomo, que tout le monde surnomme Mino, trouvait le moyen d'organiser des courses ou des gymkhanas. A dix-sept ans, l'idée de courir pour de bon commença à germer dans l'esprit de Mino Agostini.

Les premières manoeuvres consistèrent à faire acheter par son père une machine qui serait valable pour faire des courses de côte ou des épreuves sur circuit. La 175 Morini était une moto idéale. En se gardant bien de dire qu'elle était parfaite pour courir, Giacomo parvint à persuader ses parents... des parents qui, bien que très compréhensifs, commençaient à s'inquiéter.

Ils réalisaient que leur fils ne pensait qu'à courir en moto et ils y étaient fermement opposés. Entre-temps, Giacomo avait décidé de quitter l'école et son père lui avait procuré du travail dans l'entreprise. Lorsque l'on a dix-sept ans, une envie dévorante de courir et la passion de la moto, ce n'est pas très drôle de passer ses journées dans un camion qui transporte du sable ou tout autre matériau. Mais le jeune employé de l'entreprise Agostini n'avait pas vraiment de souci à se faire: à la maison il ne manquait de rien. La Morini tant attendue succédait à une Guzzi et à une Gilera, deux machines qui n'étaient vraiment pas adaptées à la course. En réalisant que son fils allait tout de même essayer de courir, Vittorio Agostini effectua une ultime tentative, lui proposant de lui offrir une voiture s'il renonçait à la course. Peine perdue.

Le 18 juillet 1961, au volant de l'Alfa Romeo paternelle attelée à une remorque qui transportait la précieuse 175 Morini, Giacomo Agostini partit pour la course de côte du Bondone, totalement ignorant des choses de la course. Le coffre de la voiture renfermait plus de provisions pour le week-end que d'outils pour la moto ; une moto qui d'ailleurs n'était pas du tout préparée, totalement standard, sans compte-tours et avec une démultiplication de route trop longue vraiment peu adaptée à la course de côte. Mais tous ces trucs de préparation, Giacomo Agostini les ignorait. Tout ce qu'il voulait, c'était enfourcher sa moto et courir.

Arbre-à-cames course, frein double came, préparation moteur, étaient des notions élémentaires qui lui étaient étrangères. Mais c'était sans compter avec sa détermination: rattrapée à mi-pente par un pilote plus rapide que lui, Giacomo Agostini s'accrocha à cette roue arrière et parvint à ne pas la perdre de vue. Cet effort lui valut la seconde place. C'était plutôt encourageant pour un début. A la maison, ce résultat ne déchaîna pas l'enthousiasme, mais apaisa un peu Agostini père. Et puis, surtout, cette performance permit à Mino de faire la connaissance d'un agent Morini de la région qui se proposa pour donner à la moto le minimum de préparation nécessaire en vue des prochaines courses.

Il suffisait de l'alléger en supprimant les pièces inutiles et de changer le pignon de sortie de boîte et la couronne arrière. Après trois courses de côte, Agostini s'engagea dans une course de vitesse sur un petit circuit. Après avoir terminé troisième dans sa manche qualificative, il perdit du terrain en finale, à cause du moteur. Ce fut tout pour cette saison 1961, mais ce fut déterminant. Tout content de ces premières courses qui s'effectuèrent sans drame ni heurt important, Giacomo Agostini entendait bien aller de l'avant.

Les débuts du maître sur la Morini d'usine ex-Provini. Cette saison lui avait permit de faire briller les couleurs de Morini face à une meute de Motobi. L'usine Morini avait toujours prêté une petite machine à un jeune pilote à titre d'encouragement. C'était une moto de série, mais préparée par les mécaniciens de l'usine. Pour la première course de la saison 1962, sur le circuit de Cesenatico, Agostini alla directement trouver les responsables du team Morini et leur demanda cette moto. Ceux-çi acceptèrent de la lui prêter ; dans les premiers tours de la course, Agostini partit en tête, mais en doublant un attardé, il fit une fausse manoeuvre et chuta.

Il repartit pour finir troisième après avoir été obligé de s'arrêter à son stand pour faire détordre le sélecteur. Mais chez Morini, on ne lui tint pas rigueur de l'incident, et il disposa de cette 175 pour le restant de la saison. A cette époque-là, le pilote officiel de la Morini était Tarquinio Provini, champion d'Italie régnant en 250 au guidon du célèbre monocylindre double arbre. Pour la saison 1963, Morini proposa à Agostini de faire partie intégrante de l'écurie, mais pour participer aux courses de juniors. En fin de saison, lors du Grand Prix d'Italie à Monza, Morini prêta à Agostini une moto similaire à celle de Provini.

Il y avait une fine brochette de champions au départ, Provini bien sûr, mais aussi Phil Read et Mike Duff sur les Yamaha d'usine, Redman, Robb et Taveri sur la Honda officielle... Agostini parvint à rester en tête pendant deux tours... Cet exploit lui valut non seulement la sympathie du public Italien mais aussi le droit de passer chez les seniors. Cette fois, sa carrière démarrait pour de bon. Et en 1964, il remportait le championnat d'Italie en 250, battant son ex-chef de file Tarquinio Provini.

Cette année-là, Morini fit quelques Grands Prix et Agostini eut l'occasion de se frotter quelquefois aux ténors du Continental Circus. Mais la petite usine Morini ne voulait pas lui offrir une saison de Grands Prix complète pour 1965. MV Agusta, toujours à la recherche d'un pilote Italien, proposa une place à Agostini. C'était le début d'une collaboration qui allait lui permettre de remporter treize titres de champion du monde de 1966 à 1973, avant de passer chez Yamaha en 1974.
Johnny Cecotto. Une exception entre toutes.
Johnny Cecotto. Nous sommes en janvier 1976: parmi les champions du monde couronnés au cours de la saison 1975 figure un jeune garçon qui était encore inconnu du Continental Circus il y a un an. Ce prodige, qui a pu remporter un titre mondial dès sa première année de Grands Prix, c'est Johnny Cecotto, un Vénézuélien d'origine Italienne âgé de dix-neuf ans. Johnny Cecotto est né à Caracas le 25 janvier 1956, cinq ans après l'installation de ses parents au Venezuéla. Son père avait décidé de quitter l'Italie pour ouvrir un garage à Caracas et tenter de faire fortune sur le nouveau continent. Automobiles, mécanique et motos de course, c'est dans ce milieu qu'Alberto Cecotto, qui préfère se faire appeler Johnny a grandi.

Son père n'était pas seulement un passionné de moteurs: il courait lui-même en moto et sa passion s'est tout naturellement communiquée à son fils. Mais, à vrai dire, Johnny n'a pas manifesté son désir de courir dès sa plus tendre enfance. Elève doué et studieux, il décida d'entreprendre des études de mécanique, après avoir achevé ses années de lycée. Courir en moto, il n'y pense pas vraiment. Faire de la moto, il en a envie et décide son père à lui acheter une 750 Honda. Les ballades avec les copains deviennent vite autant de mini compétitions au cours desquelles ont peut se faire la main. Encouragé par des amis, Johnny décide de s'engager dans une course au guidon de cette 750 Honda totalement d'origine.

C'est d'ailleurs son seul moyen de locomotion, et il se rend sur le circuit situé à 300 kilomètres de Caracas au guidon de la moto avec laquelle il va courir. Le départ de la course était donné moteur arrêté ; il fallait partir en poussant la moto pour la faire démarrer. Johnny Cecotto n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler un costaud. Une 750 Honda, c'est lourd à pousser. Lorsque le moteur consent enfin à démarrer, les autres concurents ont déjà effectué un demi-tour. Mais Johnny ne se décourage pas, il attaque, attaque tant et plus, si bien qu'il revient en troisième position. Mais il doit abandonner à cause d'un bris de chaîne. Mais notre homme n'est pas déçu: il a pu voir qu'il était capable de se battre avec les autres pilotes. Il refera une tentative avec cette Honda, dans une course où le grand favori disposait d'une 500 Suzuki Daytona.

Pendant toute la course, Johnny Cecotto tient tête à cette moto au guidon de la fidèle Honda ; mais au dernier tour, alors qu'il allait gagner, il est victime d'une chute qui endommage gravement la moto. Ces deux expériences lui avaient fait découvrir d'un seul coup une soudaine passion pour la course. Il se procura une 750 Kawasaki et essaya de courir avec, mais elle n'était pas compétitive. Ne sachant que faire, il eut l'idée de demander des motos à Andres Ippolito, l'importateur Yamaha au Venezuela, qu'un de ses amis connaissait. Ippolito, nullement surpris de cette requête, accepta de prêter des motos de course, des vraies cette fois, à ce jeune garçon qui n'avait pas eu peur de réclamer.

L'association Ippolito/Cecotto conclue fin 73 va immédiatement obtenir succès sur succès. Au guidon d'une 350 Yamaha, Johnny Cecotto devient imbattable en Amérique latine. Au Venezuéla, au Brésil, il remporte course sur course, devient champion d'Amérique du Sud avec une aisance surprenante. Ippolito, qui a senti de quels dons dispose son poulain, va prendre en main sa carrière. Au début de 1974, il 1'emmène aux 200 Miles de Daytona puis d'Imola. Perdu dans la masse des pilotes Nord-Américains et Européens, Johnny Cecotto ne parvient pas à se faire remarquer.

Daytona 1974: Cecotto est encore perdu dans la masse des pilotes Nord-Américains et Européens. Il a envie de courir en Europe, de participer aux épreuves comptant pour les championnats du monde, mais deux tentatives pour se faire engager échouent. Cecotto rentre au Venezuela où il continue à gagner, remportant toutes les courses sans exception chaque fois qu'il prend le départ. Johnny Cecotto, c'est vraiment une exception dans le monde des courses. Aucune carrière n'a démarré aussi rapidement que la sienne. Début 1975, Ippolito décide de délaisser les courses Sud-Américaines.

Johnny ira courir les 200 Miles de Daytona puis il fera une saison en Europe. A Daytona, il part dernier à cause d'un ennui de moteur, mais remonte tout le monde et finit troisième. Quinze jours plus tard, au Grand Prix de France, il remporte coup sur coup deux courses en 250 et 350 cc. La semaine suivante, il s'impose dans les 200 Miles d'Imola. Cette fois, ça y est, Johnny Cecotto figure parmi les idoles du Continental Circus. Ces victoires du début de saison seront concrétisées par un titre mondial en 350 cc. Le plus jeune champion du monde de tous les temps en moto n'a que dix-neuf ans !
Olivier Chevallier. Dilettantisme et persévérance.
Olivier Chevallier. Au sein de la petite confrérie des pilotes Français qui participent à toutes les épreuves de championnat du monde, Olivier Chevallier a su se faire une place, et cela dès 1971. Lui aussi est allé vite en besogne une fois qu'il eut décidé pour de bon qu'il allait courir. Mais avant cela, que de temps perdu. Né le 6 février 1949, Olivier Chevallier est l'un des nombreux fils d'une famille ultra-sportive où la compétition automobile est une vieille tradition.

Son père a participé à de nombreux rallies automobiles, et ses frères aînés ont tous plus ou moins couru en voiture. Le virus de la lutte, de la compétition, fut transmis aux turbulents enfants Chevallier par leur père qui prenait prétexte de n'importe quelle occasion pour déterminer un gagnant et un perdant: course à pied, en vélo, tout était bon.

Et cela leur inculqua très jeune le goût de la victoire. Olivier Chevallier passa une bonne partie de son enfance à Vendôme chez sa grand-mère. Son grand-père possédait un vélomoteur Peugeot de 100 cc, une relique, qui permit aux gamins de faire leurs premiers tours de roue sur un engin à moteur. Olivier aime cela et parce que ses frères ainés se destinent à la compétition automobile, Olivier songe sérieusement à la moto, pour rompre un peu la tradition.

A dix-sept ans, il parvient à s'acheter un 50 Motobi avec ses économies. Puis vint sa chance. Georges Monneret organisa une formule de promotion idéale pour les jeunes pilotes, l'Opération Jeunes Tigres. Financée par Esso, cette opération consistait à fournir aux jeunes coureurs une moto et un équipement pour une somme modique avant chaque course. Les motos étaient des 50 cc Mondial Special Monneret.

Ces "Jeunes Tigres" ont annoncé bien en avance les épreuves de promotion du type "Casque Total" où les motos sont fournies aux jeunes coureurs, ou du type "Coupe Kawasaki" où l'on recherchait au départ l'égalité entre les machines. Les courses de Jeunes Tigres se déroulaient sur différents circuits. Olivier finit second à Montlhéry, remporte deux courses à Magny-Cours et sixième à la finale qui devait déterminer une superfinale. Mais le fait d'avoir remporté deux épreuves en cours de saison lui permit de courir cette finale qu'il remporta. Cette victoire devait être récompensée par une monte officielle pour le compte de l'importateur Aermacchi en France.

Pour la saison 67, Olivier Chevallier eut donc à sa disposition une 250 Aermacchi Ala d'Oro, une vraie moto de course. Mais à cette époque les championnats de France étaient assez désorganisés pour les pilotes nationaux. Le règlement prévoyait une formule sport courue avec des motos de route. Cette Aermacchi n'avait donc pas le droit d'y participer. Aussi, Olivier Chevallier effectua une saison tronquée qui lui permit tout de même de se familiariser avec une vraie moto de course, cette 250 Aermacchi étant tout de même radicalement différente du 50 Mondial Monneret de ses débuts. Ces deux années de course vont être suivies de deux années d'inactivité ; Olivier aimerait bien continuer à courir, mais son père ne l'entend pas de cette oreille.

Après son succès aux Jeunes Tigres, Olivier et son Aermacchi Ala d'Oro. Il tient à ce que son fils réussisse son baccalauréat et entame des études supérieures. Voilà donc Olivier obligé d'abandonner la moto, le temps de réussir son bac et de rentrer aux Beaux-Arts. Il y travaille sans conviction, attendant la première occasion pour recommencer à courir, mais sérieusement cette fois.

Début 70, Olivier parvient à convaincre son père de lui prêter l'argent nécessaire à l'achat d'une 250 Yamaha, une TD1B, modèle déjà ancien qui casse sans arrêt. A mi-saison, dégoûté, Olivier décide de s'en débarrasser, et il rachète une autre Yamaha, une TD2, vraiment compétitive et plus solide que l'ancienne. Il est encore national et il ne reste que trois courses auxquelles il peut participer.

Il les remporte toutes les trois, principalement parce que ses adversaires sont moins bien équipés que lui. Cette supériorité de sa machine, Olivier la reconnaît sans difficulté. Mais au moins, cette demi-saison positive lui permet d'obtenir sa licence internationale qui lui ouvrira les portes des courses "sérieuses". A la fin de cette saison-là, le second Bol d'Or de la reprise se déroulait à Montlhéry. Il manquait un pilote pour la Honda de l'Anglais Darvill. Ce dernier demanda conseil à Georges Monneret qui se souvint du premier vainqueur des Jeunes Tigres. C'est ainsi qu'Olivier Chevallier put disposer de cette Honda et finir en seconde position avec Darvill, derrière la Triumph d'usine de Smart-Dickie. Cette fois, Olivier Chevallier était définitivement en selle: son père lui avança de l'argent pour acheter du nouveau matériel, et notre ami parvint à décider un magasin de moto de Vendôme, Dynamic moto, à lui acheter une 350 Yamaha. C'était parti pour une saison en trois catégories, 125, 250 et 350 cc. Voulant tout de suite progresser, Olivier s'engagea dans des courses internationales, alla en Angleterre. Et dès ce moment-là, on le retrouva en tête du peloton des meilleurs pilotes Français de vitesse.
Angel Nieto. Grâce à Derbi pour l'Espagne
Angel Nieto. Ce gamin qui naquit le 25 janvier 1947 dans le quartier de Valeras, faubourg de Madrid, savait-il qu'il deviendrait un jour l'un des personnages les plus célèbres d'Espagne ? C'est peu probable ! Car Angel Nieto a passé son enfance comme tout ces gamins Espagnols perdus dans le grand Madrid, vivant le plus souvent dehors, livrés à eux-mêmes, sans beaucoup de contact avec les adultes.

Des jeux de l'enfance, Angel Nieto garde le goût de la compétition, mêlé au tempérament Espagnol qui veut que les vrais hommes fassent preuve de courage en toutes circonstances. Sa passion pour la moto, il la découvre très tôt. Sa petite taille qui lui a valu le surnom de "El Niño" (l'enfant), lui a aussi valu quelques moqueries. Nieto ne dit rien, garde tout cela au fond de lui-même. Rira bien qui rira le dernier. Il veut courir à moto et il est bien déterminé à devenir célèbre aussi vite que possible. Ses copains de l'époque sont passionnés de tauromachie.

Ils rêvent de revêtir l'habit de lumière avec son clinquant. Angel ne dit rien. Lui, il rêve d'un autre costume, d'un cuir noir comme on les porte à l'époque. Ses copains vont aux arènes. Lui n'y va pas. Il économise car s'il veut courir, il faut d'abord acheter une moto. Il est évident que personne ne prêtera une monture à ce gamin qui crève d'envie de devenir pilote. Et de cela il est conscient quand, un beau jour, il parvient à obtenir sa première moto. Ses premières armes, il les effectue au guidon d'une 250 Ducati puis d'une Bultaco dans des courses locales.

Mais ce n'est pas encore ce qu'il cherche. La course, à cette époque-là en Espagne, ne rapportait rien du tout, et il fallait être richissime pour y parvenir, ce qui n'était pas le cas de Nieto. N'oublions pas qu'il commença à courir à l'âge de dix-sept ans, et que ses débuts eurent donc lieu en 1964. A ce moment-là, les championnats du monde de vitesse étaient dominés par les usines Japonaises, Honda, Suzuki et Yamaha. En Espagne, deux marques seulement essayaient de résister à cette invasion, Bultaco et Derbi. Derbi construisait ces petits 50 cc compétition client. Nieto en acheta un et dès ses premières courses il se fit remarquer par l'usine Derbi qui cherchait un jeune pilote pour succéder à José Busquet qui avait décidé d'abandonner la moto.

La carrière de Nieto fut indiscutablement marquée par les Derbi qu'il pilota dès 1964. Fin 1964, dans l'année de ses dix-sept ans, Angel Nieto est donc intégré à l'écurie de l'usine Derbi. C'est une chance pour lui car il est probable qu'il n'aurait pu mener à bien sa carrière sans cette offre providentielle. Mais qui dit monte d'usine ne dit pas automatiquement succès. A partir de 1965, Derbi envoie Angel Nieto sur tous les circuits de Grands Prix pour participer aux championnats du monde. "El Niño" va apprendre son métier en rongeant son frein car son Derbi monocylindre est impuissant pour lutter contre les bicylindres Honda et Suzuki qui font la loi.

De 1965 à 1969, Nieto attend son heure, plaçant toujours son Derbi du mieux qu'il le peut derrière les motos d'usine Japonaises. Sa patience sera récompensée puisqu'à partir de 1969, il se retrouve en piste pour le titre mondial, en dépit de l'opposition serrée du Kreidler Van Veen Hollandais. En fin de saison 1969, Angel Nieto remporte son premier titre de champion du monde: dès lors il va jouer les Agostini en petites cylindrées, ajoutant d'autres titres en 50 à son palmarès ainsi que celui des 125, toujours au guidon des Derbi qui lui ont permis de donner à l'Espagne un champion du monde sur une moto Espagnole. Et viva España.
Qu'en penser
De tout ceci, que conclure ? D'abord que même si les débuts sont difficiles, comme ce fut le cas notamment pour Phil Read et Michel Rougerie, il ne faut pas renoncer. Mais qu'aussi il faut beaucoup de chance, car plus on parvient vite à se faire prêter des machines et plus on a de chances de réussite.

Il ne faut pas oublier que tous ces coureurs qui se firent prêter des motos dès leur seconde ou troisième année de course étaient très peu payés ou même pas du tout. Qui dit contrat ne dit pas automatiquement primes ou salaire.

Il faut en effet faire ses preuves et montrer de quoi l'on est capable avant de pouvoir demander à être payé pour courir. Mais en dernier ressort, ne comptez jamais que sur vous-mêmes. Et suivez le conseil de tous ces champions, qui savent de quoi ils parlent:

"Si tu veux courir, fais le d'abord pour t'amuser, sans ambition. Cela te permettra de voir ce que tu vaux par rapport aux autres. Si tout va bien, alors tu peux essayer de continuer, mais ce sera dur et ça te coûtera cher..." A bon entendeur...
Informations tirées de Moto.
Texte Luc Taillefer.
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