La sortie, c'est par là ! Bernard Fau
Le coeur ou la raison
Bernard Fau. Bernard Fau. "Ce qui m'intéresse est, dans un domaine précis, de me perfectionner, de tirer une expérience et d'arriver à un niveau élevé de travail. Le parfait dans la course: y tendre au maximum. Avec mon coeur et de mon mieux".

Ainsi parle Bernard Fau, le plus Anglais des pliotes Français. très populaire Outre-Manche, il n'a pas en France, les éloges qu'il mérite. Battre Barry Sheene sur son terrain, sous la pluie, n'est pas au palmarès de beaucoup de pilotes...

Il n'a pas la grosse tête, il ne se vante pas, ce qui explique peut-être, qu'il n'ait pas toujours les gros titres de nos journaux. Bernard aime les circuits rapides. Amoureux de la course sans barrière, ni arrière pensée. Un passionné qui reste le même après six ans de compétition.
Bernard Fau: tête d'affiche
Une petite maison isolée dans un grand parc... Au bout du parc, anachronique, une bâtisse du siècle dernier. Les arbres sont jaunes et roux. Il fait bon, et tout respire le calme. De la petite maison sort la voix de Bob Dylan, en sourdine. Des chats gris et noirs passent, hautains devant nous. Et le maître des lieux nous convie à nous installer chez lui, près d'un feu de bois, qui nous fait oublier un instant que nous venons de la Capitale.

Ici, ce n'est plus pareil. Nous sommes en compagnie de Bernard Fau, jeune homme athlétique, le bras droit dans le plâtre. L'homme qui a battu Barry Sheene... Garçon modeste, souriant, qui se situe parmi les meilleurs pilotes, et qui traverse la vie avec passion, tendresse et amitié.
Tranche de vie
Bernard tel qu'on le voit souvent. Volontaire et hargneux. Un angle de prise de vue peu courant. Ici, à Dijon en 750, avant de plonger dans la cuvette. Le pneu avant se déforme sous la violence de l'effort qu'il doit fournir. la formule 750 est la seule où un privé peut encore faire de très bonne place. LA COUPURE DE PRESSE. Tirée de notre confrère Britannique Motor Cycle New, elle représente le meilleur souvenir de Bernard. A Snetterton, Il précède Steve Parrish, Mick Grant, Barry Ditchburn, Pat Hennen et Tony Rutter, c'est la course des 1000 et il devra s'arrêter au 4ème tour. Mais en 750, la course suivante, il gagnera devant Sheene lui-même, se vengeant ainsi de son abondant précédent, sous une ovation du public Anglais. Une victoire sous la pluie, que beaucoup aimeraient avoir à leur palmarès. Comme il y a un début à tout, il faut bien commencer par la naissance de Bernard. C'est le 22 février 1953 que ça s'est passé, à Paris. Il a d'abord vécu à Nanterre, puis a émigré à Sartrouville à 10 ans, où la campagne remplace la grisaille de nos chères cités concentrationnaires. Indépendant, déjà amoureux de la nature Bernard doit, quand même, aller s'enfermer à l'école, comme tout bon gamin qui se respecte. Mais c'est le fiasco à la 3ème:

"Plus aucun intérêt pour l'école... problèmes disciplinaires en plus ! A cette époque, je faisais du football, mais j'ai arrêté à 15 ans, à cause d'une fracture de la jambe !"

Garçon très doux, très calme, Bernard découvre avec la campagne, un irrésistible besoin d'indépendance. Il sort de cocon. Et avec les copains, ce sont les grandes ballades en forêt... De retour à Paris, il fait ses premières armes avec un scooter, le fameux engin casse-gueule de l'époque. Son intéret pour le dessin le pousse à entrer aux Arts Deco desquels il sort, après avoir griffonné quelques centaines de petites motos. Cette dernière passion est la plus forte, il n'y résiste pas.

En 1970, il a enfin sa Matchless, qu'il a mis un an et demi à bricoler. Et ce sont les premiers balbutiements, la recherche d'un peu d'argent, quelques bons résultats et une année 1972 assez mauvaise, il est essoufflé et veut arrêter la course. Partir... En Afrique peut-être. Mais ensuite, c'est le Grand Prix de Rungis, et Bernard, spectateur, se sent des fourmis dans les mains. Tout est là pour le décider à repartir. Il lui faut un peu d'argent. Ce sont alors les retrouvailles avec le dessin pendant trois mois, ce qui permet de se mettre de côté un petit pécule, suffisant pour être présent à Magny-Cours, où il termine deuxième derrière Husson !
La remontée
En 250 au Grand Prix d'Espagne, devant Tom Herron. Dans quelques instants, Bernard va chuter, s'abîmant le pied. Il assistera à la panique générale, lorsque Katayama fauchera un pompier imprudent. L'incompétence des organisateurs, plonge tout le monde dans un cauchemar. « C'était l'horreur, et dans ce moment là, j'ai pris conscience du danger et de l'insécurité dans laquelle on courait ». Bernard, assez baraqué, plutôt poilu. Le côté relax du parc coureur. « On y retrouve les gens qu'on aime, et les autres. C'est comme ailleurs. Je ne supporte pas les changements de caractère de certains qui prennent vite la grosse tête ». Tous les espoirs sont alors permis. Pourquoi ne pas en profiter ? Bernard s'offre une troisième place confortable au Championnat de France. Sur sa lancée, il multiplie des records du tour, un peu partout (au Ricard: 1' 57" 8 avec une H2 ; à Magny-Cours: 1' 45" toujours avec une H2...).

"Ce n'était pas mal, mais je n'ai eu qu'une victoire à la Coupe des Quatre Saisons en 500. En 750, je n'ai jamais réussi à gagner. J'étais toujours deuxième... Deuxième ou par terre ! Il y avait un problème qui, cette année commence enfin à me quitter: c'était le manque de confiance en moi. Les types qui ont confiance en eux, ont déjà une supériorité sur les autres. Husson avait cela pour lui. Beaucoup de gens, pourtant croyaient en moi... sauf moi ! L'année d'après, en 1974, je trouve G.P.A comme sponsor qui m'achète une moto, et en juin, j'obtiens mes premiers résultats".
Bernard en Angleterre
A Imatra, sur la fameuse bosse. Grand Prix de Finlande 76 en 500 avec une 350 Yamaha. Sans couper, le nez dans la bulle, Bernard, tout en longeant les poteaux télégraphiques qui bordent le circuit, décolle de la roue avant: « Après le problème Elf, je me suis retrouvé sans sponsor. GPA, Solamor et Motul, m'ont alors permis de continuer, et j'ai ainsi pu prouver que l'écurie telle que Elf la concevait, n'était pas bonne. Mes résultats et les contre-performances de l'écurie me donnèrent raison ». En 74, à Mallory Park en 350 cc. J'ai fait mon premier bon résultat en inter, 3ème devant Pons, Newbold, Rutter... sous la pluie. Pour moi à ce moment, tous les grands pilotes étaient Anglais. C'était donc là, qu'on devait voir les plus belles courses, les meilleurs circuits. Je n'ai pas été déçu. La première fois que je suis allé à Mallory Park, c'était exactement comme je me l'imaginais.

Je me suis adapté rapidement. En trois ou quatre tours, on doit apprendre à connaître le circuit, à être dans le rythme. Mon meilleur souvenir restera toujours cette place de troisième à Mallory Park, devant des gars connus comme Pons, Rutter, Grant...

J'ai dû sérieusement me bagarrer durant toute la course. Les pilotes inter, à part les Grands Prix, n'ont pas beaucoup de choix en France. En ce qui me concernait, il ne me restait que l'Angleterre, où on peut courir assez souvent. Et c'est ce que je désirais, pour apprendre, me faire remarquer, obtenir des résultats... Sheene, dernièrement, me conseillait de continuer en Angleterre, parce que j'y ai une bonne image de marque. Se faire un nom dans ce pays, c'est très important. Ça fait vite boule de neige, et les résultats sont alors connus des autres pays. Bernard Fau, l'Anglais d'adoption, se plaît à faire remarquer le sens de l'organisation britannique:

"Les Anglais savent organiser n'importe qu'elle course. Le public est extraordinaire, et sur un circuit, il n'y a pas l'ombre d'un flic. C'est un réel plaisir de courir en Angleterre".
La compagne des circuits
Sophie, Bernard, le pain complet, un chat parmi beaucoup d'autres, un chat qui chipe dans l'assiette un morceau de la quiche lorraine préparée par Bernard. Du vin de pays, et une alimentation très équilibrée. « Nous mangeons macrobiotique depuis deux ans, et je pense en retirer mon équilibre ». Mais cette année, se terminera très mal, avec le drame en Espagne à Barcelone. Une odeur de mort, la panique... "Là, si on nous présentait une feuille à signer, sur laquelle vous vous engagiez à arrêter tout de suite peut-être que... J'avais mal, bien sûr, mais ce n'était pas là le plus terrible. C'était l'horreur, autour la réaction des gens, l'incompétence. Quand tu es par terre, tu vis un véritable cauchemar. Plus rien ne ressemble à rien. Blessé plus gravement, j'aurais peut-être pu crever. Je dois l'avouer, ça m'a fait très peur. Jusqu'ici, je n'avais jamais vraiment pensé aux problèmes de la sécurité. Quand on débute, on se croit invulnérable. Il faut parfois ce genre d'expérience pour réaliser combien le danger est présent à chaque tour de roue". Cette mort, compagne des circuits, Bernard Fau sait maintenant qu'il l'a croisée parfois... Et quand il en parle, il ne triche pas. L'interrogation existe en bout de course. Il n'en a pas peur, cela fait partie de l'aventure. Jouer à ne pas la rencontrer, c'est un peu son métier.
La danse des sponsors
Chevauchant la Triumph qu'il remet en état: « J'ai enfin réussi à trouver des pots neufs d'origine, sans soudure apparente, à Mosport, au Canada ». Au premier plan, la 750 que Bernard a aussi rapporté de Mosport. Selle plus du tout aérodynamique... L'année 1975 commence sous un mauvais signe. En janvier, Bernard se casse le bras en faisant du trial. "Mais au niveau des sponsors, ça démarrait fort puisque j'avais toujours G.P.A., qui mettait à ma disposition du gros matériel (des 250, 350 avec cadre Cantilever Jacky Germain). Je faisais équipe avec Pierre Soulas comme mécanicien. Nous formions un duo de rêve. On s'entendait à merveille. Le drame, c'est que j'ai commencé tard la saison. J'ai rechuté une fois sur mon bras cassé, à Nogaro. J'étais complètement déboussolé. Je n'avais pas repiloté depuis 7 mois. J'avais peur de ne plus pouvoir "accrocher le wagon".

C'était la première fois de ma vie, que j'étais dans les derniers, et que j'arrêtais. Je ne devais pas m'affoler. Il me fallait recommencer tout doucement. J'ai décidé "de prendre sur moi", et j'ai couru le Grand Prix d'Allemagne, où j'ai fait 16ème. En Italie, ça a été mieux avec une place de 9ème, et mes premiers points pour le Championnat du Monde. Après Chimay, où j'ai fait les meilleurs résultats de l'année, j'avais enfin rattrapé mon niveau. Je n'ai jamais cassé de l'année. C'est à peu près à cette époque, que tout a commencé avec Elf. Je leur ai présenté une maquette de l'Ecurie, du camion, des trois motos peintes pareillement. C'était propre.

Le design avait été "chiadé". L'effet avait plus à EIf, et on avait aussitôt sympathisé. Donc, nous avions décidé qu'on réaliserait une "Ecurie canon" l'année suivante. En juillet, j'arrête les courses après Spa, pour préparer la saison 76. C'est là que Coulon a été incorporé dans l'Ecurie. Avec ce dernier, je m'entendais parfaitement. Mais là-dessus, se sont greffés des problèmes d'organisation interne. Elf a mis en place des gens pas très compétents, et je n'avais plus Pierre Soulas comme mécanicien, puisqu'il avait décidé de courir... Les directives qu'on distribuait ne me semblaient pas bonnes, il y eut, bien sûr, quelques frictions...

Je suis prêt à écouter des ingénieurs, des mécaniciens, car j'ai tout à apprendre d'eux, mais quand des gens non valables dans ce domaine, veulent à tout prix imposer leurs idées, cela va à contre sens de la recherche des bons résultats. En plus de tout ces problèmes, Rougerie est arrivé. Une écurie à trois, dans ces conditions, n'était plus possible. Rougerie demandait beaucoup de matériel, et de la sorte, il devenait aussi, premier pilote. Cela voulait dire qu'il y en avait un qui devait partir ! Naturellement, dans ces cas-là, c'est celui qui n'est pas d'accord qui paye les frais !"

Bernard Fau a donc payé les frais. Il a été licencié de chez Elf, en janvier 1976. Situation difficile. Il se retrouve alors sans rien. Mais une nouvelle fois, G.P.A. mise sur lui, en achetant du matériel, et en l'aidant à monter une écurie.
Puis Solamo intervient
A Mettet, en 75, devant Pons. « J'aime plus particulièrement les circuits rapides. Les grandes courbes passant à plus de 200 km/h me permettent de m'exprimer pleinement ». Et Fau, avec Jean-Claude Meilland, est reparti...

"En 76, je fais l'erreur de garder une vieille 700, et de vouloir l'utiliser un peu. Elle ne tenait pas tellement le coup. Cela a été assez néfaste, car on prend rapidement de mauvais plis, avec une moto qui ne "tient" pas, et qui ne va pas assez vite.

J'aurai dû rester en 250 et 350. Des résultats sont quand même venus, surtout en Angleterre, et Assen, où j'ai fait 7ème en 500 avec une 350. Bilan: année moyenne. Elle a été moins dramatique que je ne l'aurais pensée au début. Finalement, j'ai sauvé les meubles... Et mes sponsors ont été satisfaits, puisqu'ils ont décidé de reconduire leurs engagements pour l'année suivante, avec la participation de Motul".
1977 est l'année qui m'a le plus apporté
Toujours tirée de Motor Cycle News, une série plutôt burlesque. Alors que Bernard est 3ème en superbike, Dave Potter tape dans sa roue arrière, au freinage de l'épingle à Mallory. Ce qui entraîne la chute des deux pilotes, et un embouteillage mémorable. "Au niveau de la maturité, de l'expérience de la course, des contacts, c'est réellement la saison la plus enrichissante que j'ai eu jusqu'ici, malgré ce bras cassé à Mosport. L'une des raisons de cette dernière chute, c'est que je n'avais plus le moral à cause du nombre de casse, que j'ai supportées depuis juillet, ce qui m'a fait perdre des places, des points au Championnat du Monde, et de l'argent... Mosport, est un circuit très difficile, défoncé, dangereux. Ce jour-là, il pleuvait. Le moral remontait un peu. La pluie ça remet tous les pilotes à la même dimension... Le circuit était très glissant. Comme si il y avait eu de la glace. Les gars tombaient... Au premier tour, je suis passé 9ème. Je suis remonté 6ème en trois tours, et à une grande courbe, j'ai mal "trajecté", j'ai mal balancé, et la moto est partie. Ça a été la chute dans le rail. J'ai été très heureux de ne me casser que le bras !"
Bernard en bagarre gagne devant Sheene
La batterie. Bernard en joue, et bien. Le papa, plutôt fier: « Je n'ai jamais aidé Bernard, et à ses débuts, je n'étais pas d'accord, j'aurai préféré le voir faire du cyclisme... Mais j'admire sa tenacité, et surtout l'honnêteté qu'il a su garder dans ce milieu ». "Quelques jours auparavant, en 750 à Brands, j'avais eu une grosse déception, car j'ai cassé dans cette manche Anglaise du Trophée FIM. J'étais 4ème, quand la boîte de vitesse a sauté . J'étais déçu, écoeuré, d'autant plus que Brands, j'adore ; et le soir de cette casse, j'ai hésité. Je ne voulais même pas aller à Snetterton. Finalement, nous y sommes allés. Le circuit se trouve à 150 km de Norwich, en pleine campagne. On a planté la tente, le mardi, le circuit était désert. Ambiance de vacances et j'ai passé une semaine calme.

Contrairement aux autres courses où il faut rentrer à Paris, courir après les pièces, démonter, remonter, repartir. Donc une semaine cool, tranquille et relaxe, les petits ennuis de la moto ne me gênaient plus. Aux essais, j'ai commencé par faire un 1er temps en 350, un 7ème temps en 1000 et un 3ème temps en 750. Première course: les 1000. Je pars en tête devant tout le gratin Anglais habituel: Grant, Hennen, Sheene, Ditchburn, William, Potter, Woods, Newbold... Pendant 4 tours, j'ai mené, puis le godet du reniflard rempli d'huile projetait sur la poiqnée de gaz et sur la poignée de frein, puis sur toute la moto. J'ai alors préféré m'arrêter.

J'étais en tête, déçu, mais content de me sentir dans le coup. Puis la course des 750 a suivi. Il s'est mis à pleuvoir, et tout le monde a changé de pneus. Je suis parti 4ème. Hennen était en tête, devant Grant et Haslam. Premier virage je passe Haslam, deuxième, je passe Grant, et je me retrouve en tête avec Hennen. Tous les deux, nous sommes alors partis, à raison de 2" par tour. Ma 750 complètement lessivée n'avançait plus, et je revenais à tous les freinages sur Hennen. Je passais pratiquement à chaque tour en tête devant les tribunes. Je voyais que j'étais à l'aise.

Je rigolais. Je n'ai pas fait un seul travers, pas une seule amorce de chute, alors qu'Hennen devant moi, a mis trois fois le pied par terre. Réflexe typiquement Américain, qui leur permet souvent d'éviter la chute. A un moment, en passant Hennen au freinage, alors que je ne pense pas l'avoir gêné, au tour suivant, il est venu à ma hauteur, et m'a emmené en dehors de la trace sèche, dans les flaques, avec le poing sorti. J'ai pensé que, ne me connaissant pas, ça l'ennuyait de se battre avec moi. Un côté dépit, qui était dû au fait que je l'énervais certainement à l'attaquer sans arrêt. Et puis le même problème qu'en 1000 m'est arrivé: poignée de gaz et de frein recouvertes d'huile, et heureusement, Hennen a cassé. J'ai pensé: chacun son tour...

J'ai fair comprendre que je voulais être panneauté, et on m'a montré: 12 secondes devant Sheene. Et là, j'ai eu très peur. Il ne restait que quatre tours à faire, avec la poignée pleine d'huile. Je devais m'y reprendre à plusieurs fois pour accélérer. mais je voulais a tout prix gagner, huile ou pas, sur la bulle, les gants, ou les pneus. C'est dans ces moments-là qu'un pilote peut faire une "connerie". J'étais prêt à aller très loin, c'est là que la griserie t'envahit. Je n'osais même plus me retourner.

Je pensais être rattrapé à tout moment. Mais je devais être en bon "feeling", je ne me suis pas énervé, je décomposais tout calmement, et j'ai gagné. C'était très très bon. Sheene, après l'arrivée, m'a félicité. Il a vraiment été sympa. Quant à Hennen, il ne m'a jamais dit bonjour".

Après cette course, Bernard a franchi une marche dans sa maturité, et dans sa popularité en Angleterre. Le Championnat Anglais est important, et très suivi, et Sheene ne manque pas une course. Un Français qui battait Sheene chez lui... A la suite de quoi. la presse Anglaise a placé Bernard dans les vingts meilleurs pilotes internationaux.
La saison 78
Sur la 500 Suzuki: « J'ai du abandonner les 500 en cours de saison, pour des raisons financières ». A l'extrême droite: Bernard Fau, Didier Convard, dans un duo de saxo loufoque. Plus que jamais, Bernard est en forme, pour sa prochaine saison.

"Je compte faire le Championnat Anglais en 750, la façon intégrale pour essayer de finir dans les dix premiers, et puis après, le Championnat du Monde en 750. J'ai envie de courir moins, mais mieux. La quantité ne m'intéresse plus. La qualité est plus importante. Au début, le pilote a besoin de départs, mais après, il faut savoir choisir. Cette saison, sur 50 meetings je peux en mettre 20 au panier. Je commencerai par Daytona, pour essayer de terminer par Macao et la Nouvelle Zélande. Et puis, le côté voyage me plaît beaucoup, et la formule 750 le permet. Rencontrer de nouvelles personnes, c'est l'aventure tout court".

"A Mosport, pour trouver une pièce, j'ai emprunté la voiture Américaine de l'hôtel, et suis parti à Toronto. La grande ville, avec l'embouteillage sur l'autoroute, pour y parvenir, tout seul, sous la pluie, avec un décalage d'ambiance par rapport au circuit, cette ville immense. Quatre heures pour rapporter la pièce !"

Bernard a prouvé cette saison, qu'il lui a manqué très peu de matériel pour prétendre aux meilleurs résultats.

"Je travaille en confiance avec mes sponsors, ces rapports me plaisent, mais je n'aimerai pas devoir aller chercher, ma valise à la main, un nouveau sponsor. Le côté représentant de commerce me déplaît".

La réussite est intimement liée à l'argent, et au matériel dont dispose le pilote, et il est certain que pour être Champion du Monde, il faut être pilote d'usine ou disposer d'un budget colossal. L'an prochain, Bernard possédera un atout supplémentaire, en la présence de son frère.

"Mon frère qui vit au Canada avec sa femme, m'a proposé de venir m'aider et c'est une chance fantastique. Je le connais bien et ai une grande confiance en lui. Et en plus, je prendrai un autre mécano. De toutes façons, j'aurai un très bon mécano. Et puis, avec mon frère, ce sera un juste retour des choses, lui qui m'a donné cette passion".

Les chats sont calmes. Dehors il fait nuit. Bernard nous montre les photos de ses courses passées, depuis la toute première. Il feuillette son album de souvenirs. Puis il s'arrête là... 1978 approche ; il faudra remplir de nouvelles pages. Mais avant les photos, avant le "clic" du reporter, il devra vivre des moments privilégiés, passionnants, angoissés et parfois dangereux. Bernard ne pense plus à "la compagne des circuits ". Il sourit. Il rêve de sa passion.
Bernard Fau et les Etats Unis
Bernard Fau. "La vitesse n'intéresse pas les Américains. Je croyais qu'en Californie, soi-disant le berceau de la moto, ça allait être terrible ! Non. A Laguna Séca, il y avait tout juste 10 000 pectateurs. Aux U.S.A., en vitesse, il n'existe vraiment que Daytona. Par contre, le Dirt-Track, qui est plus violent et spectaculaire, leur plaît beaucoup. C'est plus à l'image de l'esprit Américain. Ces gars-là, ont un sens inné du spectacle. Ils ont cinq, six types impressionnants, qui possèdent un rythme démentiel. Il faut citer Baker, bien sûr. Quant à Hansford, c'est certainement l'un des plus grands pilotes du monde. Il me fait penser à Williams. On ne parle pas beaucoup de lui, et, pourtant, il a une grande classe, il pilote avec finesse. Aucun travers, pas de genou qui frotte, mais il va vite, vite, vite...

Askland, c'est vraiment le mec qui monte aux Etats-Unis. Il gagne énormément de courses, même en Dirt-Track. Là, il faut assister au festival de glissades contrôlées, de roues arrière, aux travers. Chez eux, sur trente types au départ, on peut en compter vingt-huit ou vingt-neuf à l'arrivée. Ils ne tombent jamais. En plus, comme ils ne courent pas souvent, ils ont peu de casses, car ils ont le temps préparer leurs motos. Les pièces ne sont pas chères, donc les engins sont toujours en bon état, et ils ne courent pas "façon Championnat". Ils courent une course comme une autre... Ils sont hargneux et motivés. Un type comme Askland, doit avoir 2l ans à tout casser ! Il a une sacrée santé. Ce qu'il faut dire aussi, c'est que certains prennent du speed. Là, ça m'a un peu effrayé. Ce n'est pas parce qu'ils se shootent qu'ils vont vite, mais ça les aide peut-être.

Mais ça, c'est inclus dans la société Américaine. C'est dans les moeurs. A 14 ans, les gosses sont mis sur une moto, et ils courent. A Miami, une nuit, j'ai assisté à une course de gosses de 10, 12 ans. Les parents étaient déchaînés et hurlaient. Ces gosses sont habillés de cuirs à la Roberts, coupés et ajustés à leurs mesures, ils ont la "godasse" en plomb, le Bell à leur taille... Des modèles réduits, quoi. Tout y est. Le père transformé en mécano ; le speaker annonce les gamins qui se présentent un par un. Moi, ça me fait peur... Ce pouvoir qu'on donne aux gosses, a quelque chose de terrifiant. La famille se reporte sur leur progéniture !"
Informations tirées de Moto Presse du 2 au 8 novembre 1977.
Par Didier Convard et Marc Tournaire.
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