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Saarinen et Pasolini |
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Il y a 30 ans, Saarinen et Pasolini se tuaient à Monza |
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Le 20 mai, c'est mon anniversaire. Le 20 mai 1973 se courait à Monza le GP d'Italie. Le Cauchemar. La Chute collective dans la Curva Grande, onze pilotes au tapis, deux au paradis des motards: Jarno Saarinen et Renzo Pasolini.
"Merde ! Vous ne voyez pas que Villa a perdu de l'huile ?" Comment le dire aux commissaires de piste Italiens ? On est dans la course des 350 cm3, juste avant les 250. La 350 Benelli quatre cylindres de Walter Villa perd suffisamment d'huile pour attirer mon attention au travers de mon téléobjectif.
Mes gesticulations n'y feront rien. Après la course, remportée par Agostini sur sa MV, je fonce vers la piste pour pointer du doigt les traces d'huile... et me fais jeter manu militari par les commissaires.
Les haut-parleurs annoncent le départ des 250. Depuis Lesmo II, on entend clairement la clameur des pots de détente et je m'attends à voir surgir Jarno Saarinen en tête sur sa Yamaha officielle.
Le nouveau champion du monde 250 a déjà remporté les trois premiers Grands Prix de la saison. Puis c'est le silence, l'attente. Quelques pilotes passent Lesmo, Dieter Braun, Mario Lega, Roberto Gallina, puis plus rien. |
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L'horreur |
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Il s'est passé quelque chose. Je pense à l'huile et cavale vers les stands. Partout des ambulances, des gens qui courent dans tous les sens, hagards. Le speaker hurle dans le micro des informations contradictoires. Il ne sait pas, personne ne sait c'est la folie.
Au bout de la ligne droite du départ, cachée par un rideau d'arbres, la Curva grande, d'où s'élève un nuage de fumée noire. C'est une moto qui finit de brûler. Aller voir pour comprendre.
Bottes de paille explosées, morceaux de motos éparpillés et sur le bas-côté, le réservoir de la Yam de Jarno, son casque éclaté comme un oeuf près de celui de Villa, intact. Horrible réalité qui vous prend à la gorge et vous fait serrer les poings.
Et si c'était l'huile ? J'ai pris une photo de ces sinistres restes - un geste instinctif, comme celui de fermer les yeux d'un mort -, mais cette photo, jamais vous ne la verrez. C'est après cet accident dramatique que sera construite la chicane juste après le départ. Avant il n'y avait qu'une ligne droite qui vous faisait attaquer la Curva grande, une courbe sans aucun dégagement, à plus de 200 km/h. |
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La folie |
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Dans le paddock où je suis revenu, le décès de Jarno est officialisé. Celui de Renzo Pasolini le sera plus tard. Il a été percuté par la moto de Mortimer alors qu'il se relevait. Chas Mortimer est parmi les blessés, comme Villa, Kanaya, Jansson, Palomo, Giansanti...
Le speaker, sous le coup de l'émotion, diffuse des informations catastrophiques: la mort de Villa... et celle de Mike Hailwood, qui, ce jour-là, disputait une course de bagnoles en Allemagne !
La course des 500 est bien sûr annulée. Tard dans la soirée, les vraies infos nous parviendront. Les blessés ne le sont pas gravement, et Hailwood n'a pas eu d'accident. Les Français qui étaient au départ des 250, Olivier Chevallier, Christian Bourgeois et Patrick Pons (dont c'était le premier GP), ont encore du mal à réaliser ce qui s'est passé. Ils ont eu de la chance... pour cette fois. |
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Pourquoi ? |
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Expliquer l'accident est l'urgence du moment, comme pour l'exorciser. Je ne suis pas le seul à avoir vu que la Benelli de Villa perdait de l'huile. Johnny Dodds aussi, qui la suivait durant la course.
Il a même mis en garde les pilotes des 250 sur la grille de départ. L'huile sur la piste serait donc la cause du drame.
Je ressens de la haine envers ces commissaires qui ne m'ont pas cru. Plus tard, bien plus tard, l'enquête officielle, révélera que l'Aermacchi de Pasolini a serré, qu'elle s'est mise en travers de la piste et qu'elle a été percutée par la Yamaha de Saarinen.
Un accident qui nous rappelle que la course moto, aujourd'hui encore, n'est pas un jeu de PlayStation. |
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