La sortie, c'est par là ! Patrick Pons
La carrière
Je me souviens de l'une de ses dernières courses de la saison, sur le circuit Bugatti au Mans. Cette course avait cinq ou six leaders différents, dont Patrick. Mais il était tombé trois fois et, chaque fois, il était reparti, revenu en seconde ou troisième position pour chuter de nouveau et repartir de plus belle. Là, il nous avait tous impressionnés. La carrière de Patrick, avant même qu'il ne parvienne à la plus modeste des réussites, c'est avant tout l'histoire d'une passion: celle de la vitesse. Comme beaucoup de pilotes, sur deux sur quatre roues, Patrick n'allait pas être long à découvrir les seules choses qui l'émeuvent en ce bas monde. Il aime aller vite, le plus vite possible, et n'est guère regardant, dans ses débuts, sur le type et le genre des engins qui peuvent le lui permettre. Tout près de la maison de campagne de ses parents, il escalade à vélo la grande côte qui, dans l'autre sens, va lui permettre d'atteindre, à grands coups de pédales, les vitesses relativement imposantes qui lui font tant d'effet.

Et puis très vite, parce qu'il l'avoue lui-même, "il est fatigant de pédaler", c'est vers les engins motorisés qu'il se tourne: la lancia Zagoyo de son père, dans laquelle il n'est encore que passager, les bateaux et, très bientôt, les cyclomoteurs que ses quatre soeurs ont bien du mal à lui refuser. Le premier moteur qu'il va piloter, c'est le rapide hors bord de son père qu'il mène tambour battant sur la Seine voisine. "J'aurais sûrement, confiera-t-il plus tard, opté pour la compétition en bateau si l'argent n'y avait pas pris une telle importance".

En fait, et pour des raisons purement matérielles, c'est la compétition en ski qui va l'attirer la première. Pour continuer ses études secondaires Patrick est alors pensionnaire en montagne à quelques kilomètres de cette station de Val d'Isère qu'il fréquentera assidûment toute sa vie. Sur ses planches, depuis l'âge de sept ans, Patrick manifeste déjà ce goût de la vitesse et ce sens de l'équilibre que l'on retrouve à la fois chez les skieurs et les pilotes de vitesse. Il n'est pas rare, d'ailleurs, de constater à quel point les bons skieurs vont vite en moto ou en voiture et inversement. C'est en ski, d'ailleurs, qu'il fera connaissance avec les chutes: mais trois fractures de la jambe n'auront aucune influence sur son amour pour le ski.

C'est justement avec une jambe plâtrée, à l'âge de seize ans, qu'il passe la licence A1 qui permet, à l'époque, de conduire ces vélomoteurs de moins de cent-vingt-cinq centimètre cubes. Nanti du précieux document, Patrick fait l'acquisition de cette première moto qui doit avantageusement remplacer le cyclomoteur de ses quatorze ans. Mais toujours à cause de cette jambe, il passe de longues journées à contempler, et seulement cela, cette première moto qui est aussi sa première Yamaha. Bien longtemps après, lorsque le Patrick adulte pilotera les motos les plus puissantes du monde à des vitesses plus qu'impressionnantes, il gardera intact le souvenir de cette première moto: "j'ai ressenti, la première fois que j'ai démarré avec elle, une fantastique impression de puissance et d'accélération. Je pense que jamais plus, même avec des machines qui frôlaient les trois cents à l'heure et qui accéléraient d'une façon démente, je n'ai éprouvé le même sentiment de puissance que ce jour-là..."

Et tous ceux qui se souviennent encore de leur première moto comprendront aisément ce qu'il voulait dire là. Patrick ne conservera d'ailleurs pas longtemps cette 125 Yamaha qui lui sera volée quelques semaines plus tard. Il achète alors une 350 Honda, puisqu'il vient de passer le permis A, puis sept mois plus tard, une 450 de la même marque qui lui permet de commencer à rouler réellement. C'est avec elle qu'il découvre les joies de la route et les inconvénients inévitables des gardes au sol trop réduites: la quatre et demie, parce qu'elle touche trop aisément dans les courbes, lui vaut quelques bonnes gamelles qui, pas plus que les chutes à ski, ne refroidissent un moment son ardeur: elles le font, tout au plus changer de monture et c'est vers une 500 Kawasaki (la bombe de l'époque) que Patrick va se tourner. Il emprunte à tous, notamment à ses soeurs, et se retrouve propriétaire, à dix-sept ans, de l'une des machines les plus performantes du marché. Il ne lui en faut pas plus dès lors, pour songer à courir.
La compétition
Bien qu'inscrit dans ce but au Moto Club de France, Patrick ne va pas se tourner tout de suite vers les courses de moto: il veut courir en grosses cylindrées et doit attendre, pour cela, d'avoir dix huit ans révolus. Pour se familiariser un peu avec la course, et théoriquement pour y perfectionner son Anglais, Patrick part avec la Kawa découvrir l'Angleterre. Il commence aussi, en France et sur la grande île, à fréquenter les circuits: il ne tardera pas, comme quelques autres, à y trouver deul modèles très conformes à son état d'esprit personnel: André Luc Appieto et Bill Ivy.

Tous deux, le Français et l'Anglais, ont cette même hargne de vaincre qui les pousse à chaque course dans leurs derniers retranchements. Comme lui, Bill et André Luc ne conçoivent la course que dans un but unique: vaincre, terminer devant tout le monde et démontrer, en premier lieu à eux-mêmes, qu'ils peuvent se surpasser. Comme lui, ses deux modèles ne chercheront jamais, en quelque circonstance, à jouer la carte de la prudence savamment calculée. Mais Patrick, à l'époque, ne connaît rien à la course. Comme beaucoup de jeunes motards passionnés, c'est à la Bastille et surtout Alésia qu'il va traîner ses guêtres. C'est là, dans les petites réunions très spéciales du vendredi soir qu'il côtoie pour la première fois de "vrais" pilotes de course.

Il y fera très vite la connaissance de Pierre-Louis Tebec qui au guidon de ses propres machines, les P.L.T., (ses initiales) jouit d'une réputation établie sinon discutable. Sans connaissances techniques, sans vraies relations dans le monde de la course, Patrick est alors fasciné par le personnage Tebec et décide de lui faire confiance: il commande donc un cadre dans lequel il mettra ce moteur de 500 Kawasaki qui devrait lui permettre immédiatement, de disposer d'un engin dans le coup. Christian Huguet, avec un tel moteur, n'avait-il pas remporté haut la main le championnat national ? Ce premier pas dans le monde de la course sera catastrophique.

Tebec, qui est très loin d'être aussi sérieux qu'il ne semble, traîne sur la fabrication des motos et c'est avec une véritable épave que Patrick s'inscrit à sa première course: les Dix heures de Montlhéry. Il fait plus ou moins équipe, alors avec Gérard Garnier qui a cru lui aussi à Pierre Louis Tebec. Mais Garnier, à la différence de Patrick, possède pour sa part de bonnes notions de mécanique tout comme le père de celui qui devait être, ce jour-là, le coéquipier de Patrick.

Cette première course, il faut bien le reconnaître, fut un véritable désastre. Sur un circuit qu'il ne connaissait absolument pas (il avait manqué les essais préliminaires et devait passer toutes les heures des essais officiels à terminer la machine) Patrick va piloter dans des conditions déplorables: arrivé sur le circuit quelques minutes seulement avant le vrai départ, il laisse le guidon à son coéquipier qui parvient, malgré tous les problèmes techniques de cette bien piètre machine, à terminer son relais dans des conditions pratiquement acceptables. Et lorsque Patrick doit à son tour prendre le guidon, il saute sur la moto sans cette réelle appréhension qu'il devrait éprouver: sa connaissance du circuit, purement livresque puisqu'il n'y a jamais tourné, ne fait aucunement état de cette chicane nord que les organisateurs, pour certaines courses, installent au beau milieu de l'anneau de vitesse.

Et Patrick attaque l'anneau persuadé qu'il peut y prendre sa vitesse maximum lorsque, à quelques mètres de l'obstacle, il s'aperçoit trop tard de l'étendue du désastre. C'est évidemment la chute, hautement spectaculaire diront les témoins, et la ruine quasiment totale de la pauvre moto. Pour Patrick, c'est surtout le temps de la désillusion et de l'amertume, que son copain Garnier parvient heureusement à atténuer quelque peu. Quelques semaines avant l'épreuve du Bac, Patrick se retrouve à Reims avec Garnier le bienfaiteur (c'est lui qui a restauré la P.L.T accidentée et qui a enfin réussi à la régler proprement) et le sort, enfin, se montre plus favorable. Pour Patrick, qui finira second derrière Michel Rougerie, c'est la première victoire nationale à l'issue des deux manches et la passion, définitivement ancrée, pour les courses de vitesses.
La Coupe Kawasaki
Après une demie-saison en 1971 (Patrick y a surtout passé son baccalauréat) il décide, comme il est alors logique de le faire, de s'attaquer à la plus évidente des formules de promotion: la coupe Kawasaki Moto Revue. Bien qu'elle n'en soit encore qu'à sa seconde année d'existence, "la coupe Kawa" jouit déjà d'un renom plus que certain dans le monde de la moto. Y briller, et encore plus la gagner, c'est en même temps apprendre la vraie compétition et commencer, auprès des éventuels sponsors, à acquérir un début de notoriété. Inscrit à la faculté de Dauphine, qui lui laisse un maximum de temps libre, Patrick va axer sa saison 72 sur trois tableaux: dans le championnat national, et au guidon d'une 250 Yamaha rachetée à Daniel Moser, son coéquipier malheureux de la catastrophe de Montlhéry.

La coupe Kawasaki et, au guidon d'une moto que lui confiera Xavier Maugendre l'importateur Kawasaki en France, ce "Criterium" que la FFM considère alors comme une autre formule de promotion. C'est au cours de la coupe Kawasaki que Patrick va révéler son véritable caractère: sur le plan technique, il a encore beaucoup de choses à apprendre et ses erreurs vont un moment lui causer un préjudice certain. Mais conjointement, parce qu'il s'agit là de sa vraie nature, il se remet en cause à chaque épreuve avec une impétuosité qui force l'admiration générale.

Notre copain Jean-Pierre Frisquet, qui était alors l'un de ses adversaires dans cette coupe 72, écrit dans le livre de Patrick "Pari sur la chance":

"Je ne pense pas que Patrick était le meilleur pilote de la coupe Kawasaki. A mon avis, Gougy et Crassard (avec lesquels il devait se battre jusqu'au bout) étaient meilleurs et Patrick arrivait juste derrière eux... Patrick était celui qui chutait le plus souvent, souvent en début de saison... Au début, il faisait faute sur faute et Gougy ou moi craignions un peu la bagarre avec lui parce que dans un virage ou dans un freinage délicat, nous savions que Patrick ferait n'importe quoi pour être en tête, au risque d'accrocher l'un de nous ou de tomber juste devant lui... Je me souviens de l'une de ses dernières courses de la saison, sur le circuit Bugatti au Mans. Cette course avait cinq ou six leaders différents, dont Patrick. Mais il était tombé trois fois et, chaque fois, il était reparti, revenu en seconde ou troisième position pour chuter de nouveau et repartir de plus belle. Là, il nous avait tous impressionnés. Une chose est sûre: il n'aime pas perdre: c'est un gagnant qui n'admet pas la défaite et se met vite en colère. L'une de nos blagues favorites, avec William Gougy, consistait à gonfler nos temps et venir lui annoncer que nous avions réalisé, au tour, une ou deux secondes de moins que lui. Il était dans tous ses états rien qu'en pensant qu'il n'arrivait pas à aller aussi vite que nous..."

Cette hargne, cette volonté désespérée de se montrer le meilleur allait permettre à Patrick de finir, avec sans doute la complicité de la chance, en tête de cette coupe Kawasaki. Cette réussite, la plus brillante de cette première véritable saison de course, lui permet à la fois d'amorcer la suivante dans des conditions satisfaisantes et de se conforter dans cette impression qu'il n'a pas été long à ressentir dès qu'il a pris son premier départ: la course, et elle seule, sera l'unique objet de ses aspirations.
1973: Les débuts en inter
L'année 73, qu'il entamait avec de relatifs moyens matériels, prenait pour lui valeur de véritable test: "je me donnais deux ans, dira-t-il plus tard, pour réussir vraiment dans la compétition professionnelle". Pour lui, cette première saison au plus haut niveau lui permet surtout de se mesurer à tous les " grands " inters et de vérifier, du même coup, le niveau réel de ses possibilités personnelles. A Rouen, pour la première course, il signe finalement le troisième temps des essais dans un plateau qui regroupe quasiment les meilleurs Français et quelques individualités marquantes de la vitesse étrangère: il confirmera sans problème en terminant troisième de la course elle-même.

Et quelques semaines plus tard, sur le circuit Paul Ricard, Patrick participe à son premier Grand Prix. Cette chronologie, qui nous paraît aujourd'hui évidente, est quand même assez exceptionnelle si l'on considère que Patrick, en dehors de la coupe Kawasaki qui n'est qu'une formule destinée aux pilotes débutants, n'avait alors aucune expérience de la compétition au niveau que représente les Grands Prix de vitesse. Mais Patrick est passé, sans aucune autre appréhension, vers cette course au sommet de laquelle il était déjà décidé à consacrer toute sa vie. Et ce premier Grand Prix, au cours duquel il allait prendre la neuvième place après une bataille homérique avec André Luc Appieto, justement, devait surtout entraîner une rencontre qui allait marquer toute la carrière de Pons.

En France, l'importation des Yamaha Japonaises est assurée par Sonauto dont le responsable, Jean-Claude Olivier, n'est pas seulement un homme d'affaires efficace. Fervent adepte du sport moto sous toutes ses formes, il vient de créer le team Sonauto et cherche un second pilote pour seconder Christian Bourgeois. Son choix, à la veille du Grand Prix de France 1973, n'est pas encore fixé puisqu'il hésite entre André Luc Appieto et un pilote plus jeune qu'il pourrait incorporer à son équipe. C'est en raison de sa jeunesse, principalement, qu'il donne rendez-vous à Patrick pour le surlendemain et qu'il l'intègre immédiatement dans le team. De tempérament assez froid et peu expansif, Jean-Claude Olivier est séduit par le calme de Patrick et les dons incontestables dont il a déjà fait preuve. Et de ce jour, entre les deux hommes, va naître une sympathie puis une amitié qui ne se démentira plus jamais dans l'avenir. Faits de confiance réciproque et d'estime commune, leurs rapports, et ceci est assez rare dans le milieu pour qu'on y insiste, resteront jusqu'au bout très proches de la perfection.

Voici donc Patrick Pons, en ce début 73, coéquipier de Bourgeois au sein de chez Sonauto. Cette entrée dans ce qui est alors le seul team structuré de notre pays, est incontestablement une chance évidente pour le jeune homme. Mais le début de la saison sera marqué par deux accidents qui vont profondément marquer Patrick. A Bourg-en-Bresse, quinze jours après ce GP de France, Patrick termine second en 750, mais au guidon d'une trois et demie qu'il pilote pour la première fois. Mais Appieto, avec lequel il venait de passer plusieurs jours chez Christian Maingret, le mécanicien de Sonauto, s'accroche avec Charlie Charrier qui restera plusieurs jours dans le coma. Mais Appieto, l'idole de la jeunesse de Patrick, est tué pratiquement sur le coup. Et puis deux semaines plus tard, pour son second Grand Prix qui devait être, le premier à l'étranger, Patrick a la chance de rater le départ des deux et demie: lorsqu'il arrive dans la "Curva Grande", il passe au ralenti au milieu des motos répandues sur la piste et des corps immobiles sous le soleil Italien.

Jarno Saarinen, champion du monde en titre, et Renzo Pasolini, deux personnalités profondément attachantes de ce sport, sont tués sur le coup: pour le monde de la course, cette catastrophe remet un instant beaucoup de choses en question. Pour le jeune Patrick, qui découvre en même temps le pire et le meilleur de la course, Monza reste un souvenir qui le marquera très longtemps. Mais la saison continue: après une course magnifique à Nogaro, où il finit devant toute la vitesse Française. C'est la grève de Charade, le million et l'espérance, souvent déçue, d'être accepté en Grand Prix. Car Patrick Pons, s'il commence sérieusement à être connu en France, reste un complet inconnu sur les circuits étrangers. Refusé en Hollande, il ne peut participer qu'à une catégorie pour le Grand Prix de Belgique, et prend la septième place. Il part ensuite en Tchécoslovaquie et découvre, avec une sorte d'horreur, le tracé de Brno et ses quatorze kilomètres: cinquième en 250, septième en 350, la nouvelle recrue du team Sonauto remplit parfaitement son contrat. Suède puis Finlande viennent confirmer l'évidence même si certains pilotes n'hésitent pas à critiquer le jeune Français: en Finlande, Patrick commet en effet une faute de jeunesse et chute sans gravité en entraînant le Brésilien Santos.

Critiqué, relativement conscient de son erreur, Patrick décide de rentrer en France et ne retrouvera le Continental Circus que pour le Grand Prix d'Espagne, à la fin de la saison: il y prendra la troisième place en 350 et termine ainsi parfaitement sa première saison de Grand Prix. Il est onzième au classement final des 250 et treizième chez les trois et demie: le bilan, pour un début est, plus qu'encourageant. La saison suivante, toujours au sein du team Sonauto, est encore plus probante: le métier commence sérieusement à rentrer et les résultats s'améliorent avec une belle régularité: troisième en Italie et en Suède, quatrième en Hollande, il prend la seconde place du GP de Yougoslavie sur le circuit d'Opatija. Dans la catégorie supérieure, celle des trois cent cinquante, il accumule des résultats pratiquement identiques qui lui permettent de finir, dans les deux catégories, à la troisième place du championnat du monde. Cette même année, il commence à courir dans la plus imposante des cylindrées moto, celle des 750, et prend la troisième place du MJ 200 sur le circuit Paul Ricard.

Cette cylindrée nouvelle pour lui parait convenir immédiatement à ses aspirations profondes puisque dans le cadre de ce qui allait devenir le championnat du monde des 750, mais qui n'est alors que le Trophée FIM des 750, il prend deux fois la première place et finit troisième du classement définitif. Sa carrière, sanctionnée en Grand Prix par deux places de cinquième, parait prendre enfin le chemin qui doit être le sien lorsqu'il termine très mal sa saison sur le circuit de San Carlos au Venezuela: une mauvaise chute et une fracture compliquée de la jambe le tiennent éloigné des circuits pendant de trop longs mois. Pour Patrick, qui ne pense toujours qu'à courir, c'est la nécessité de s'astreindre au repos, d'abord, puis aux inévitables séances de rééducation. Avec beaucoup de courage, il se force à l'un comme à l'autre et attaque la saison 76 dans une forme physique presque parfaite: à Daytona, et malgré un départ déplorable, il revient sur les hommes de tête et termine à la cinquième place. Après une course brillante en Yougoslavie, il finit second derrière Agostini qui remporte à Assen, sa dernière course au guidon d'une MV officielle.

En 750, également, il commence fort bien la saison avec une troisième place lorsque son camarade Palomo, au cours du départ suivant, le heurte violemment sur sa jambe blessée au Venezuela: c'est une nouvelle fracture, beaucoup plus grave celle-ci dans la mesure où c'est la même jambe, et dans un si court intervalle, doit entamer une nouvelle convalescence. 1976, d'ores et déjà, est une année ratée. Mais sans même songer un instant à raccrocher son cuir, Patrick prépare déjà son retour sur les pistes. Boitant bas, perpétuellement suivi par son médecin, il recommence une longue rééducation qui l'affecte physiquement certes, mais sans atteindre son moral. Il faut dire, ici, que Jean-Claude Olivier n'est pas que l'ami des bons jours: il lui conserve à la fois son amitié et la place qu'il occupe au sein du team Sonauto. Et quand Patrick reprend le collier, début 77, tout paraît aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les premiers résultats, d'ailleurs, confirment parfaitement ce retour en grande forme jusqu'à ce triste jour, sur le circuit Paul Ricard, où Patrick chute à vitesse moyenne dans la chicane de l'école.

Apparemment, les blessures sont légères et Patrick devrait bien vite se retrouver sur pied. Mais il n'en est rien. Touché à la tête, Patrick est victime de perpétuels vertiges qui deviennent vite inquiétants. Privé d'une bonne partie de ses moyens (il souffre entre autres de sérieux troubles de l'équilibre) Patrick ne fait plus que de timides tentatives très vite abandonnées. Cette période, et il le reconnaîtra quelques mois plus tard, est pour lui douloureuse: frustré par l'inactivité, éloigné de ces circuits et de cette course qu'il aime plus que n'importe quoi, Patrick sait aussi qu'il est très critiqué. Sa réussite, sa chance et ses succès des années précédentes ont fait grincer les dents ici et là, de ces envieux inévitables qui ne sont pas longs à parler: "Pons est fini... Il a eu toutes les chances et il ne les a pas utilisées... On ne le reverra plus sur les podiums etc..." Tout cela, Patrick le sait, ne le comprend pas et en souffre profondément. Désormais, en plus de cette rage de vaincre absolument intacte, il est animé maintenant d'un autre désir nouveau: celui de prendre une revanche, incontestable, sur ceux qui le remettent en question.

Et vint 1978: en se consacrant plus à fond à la catégorie 750, Patrick reprend sa place dans le gratin de la vitesse ; 5ème au championnat mondial, il ne commet pratiquement aucune faute et retrouve un moral intact qui lui permet d'aborder dans les meilleures conditions la saison 79. Nous savons tous, bien sûr, que cette année faste allait marquer le sport mécanique Français puisque, pour la première fois, l'un de nos compatriotes allait être sacré champion du monde. Mais c'est sans doute pendant cette saison 78 que Patrick devait accomplir le véritable tour de force en revenant, progressivement, au premier plan de la vitesse après deux saisons ratées. Le reste, désormais, fait partie intégrante de la légende de Patrick: une saison exemplaire et, enfin, ce minimum de chance sans laquelle il n'est pas de vrais résultats: régulier, maîtrisant parfaitement des qualités de pilotage qui sont restées intactes, Patrick est champion du monde de cette catégorie 750 qui connaît cette année là sa dernière saison. L'impact auprès de la presse et de l'opinion Française est incontestable: interviewé, filmé, raconté en détails par tous les supports Français, Patrick Pons fait découvrir à la France une autre image de la moto: le motard inconnu et vaguement redouté de l'imagerie populaire cède le pas à ce jeune homme aux yeux clairs que toutes les mères de France aimeraient avoir pour gendre.

Sans forfanterie, sans cette gloriole naïve qui entache si souvent les résultats sportifs, Patrick découvre ce qui est sans doute le plus vrai de ses aspects: celui d'un garçon passionné, comblé, mais dont la réussite ne parvient pas à estomper la timidité. Et quand il gagnera, quelques mois plus tard, la grande course de Daytona Beach, le même engouement populaire mettra en évidence la même gentillesse et la même modestie. Pour lui, malgré deux résultats fantastiques qui en auraient comblé quelques-uns, la route n'était pas terminée. Il savait, alors, qu'il lui faudrait encore se battre contre lui-même et contre les autres pour réussir, également, dans le but qu'il s'était assigné: la catégorie 500. Et dès le début de la saison, comme il l'avait toujours fait, Patrick devait donner le meilleur de lui même.

Course après course, circuit après circuit, il a tenté désespérément, d'aller encore plus vite pour être le meilleur. Jusqu'au bout, jusqu'à ce dimanche d'août sur un circuit Anglais, Patrick n'a fait que ce qu'il aimait. Et comme il l'aimait...
Jean-Pierre Brunier chargé des Relations presse de Gauloises, parle de Patrick Pons
C'est justement sur le circuit de Silverstone, en 1974, que j'avais fait la connaissance de Patrick. Je voulais lui parler de son entrée éventuelle dans l'écurie Gauloises qui devait se former à partir de 1975. Depuis cette époque, nous avons toujours travaillé ensemble, ce qui représente plus de six ans de collaboration ininterrompue. Je crois que la première chose qui me vient à l'esprit, en évoquant Patrick, c'est sans doute la constance de son caractère. J'estime que c'est là quelque chose d'important dans la carrière d'un champion. En ce qui concerne Patrick, on peut dire que c'est un garçon qui n'a jamais changé dans ses rapports avec les gens qui l'entouraient et ceci malgré les pressions que peuvent excercer la gloire ou l'argent.

Je sais qu'en ce qui me concerne, nos rapports étaient d'abord professionnels mais qu'ils n'ont pas tardé à devenir amicaux en grande partie à cause d'une estime réciproque et des grandes qualités humaines que possédait Patrick. Mais la seconde chose qui me frappe, en pensant à Patrick, c'est l'effort constant qu'il a pu faire vis-à-vis de la course moto et des jeunes. Je pense même que c'est là l'élement exemplaire sur lequel il faut insister. Depuis à peu près cinq ans, c'est-à-dire depuis que ses revenus lui permettaient un certain confort matériel, il n'a jamais cessé d'apporter son aide à ceux qu'il considérait comme ses amis. C'est de cette façon qu'il a aidé Marc Fontan, Christian Sarron, Le Bihan, Courly ou Bernard Fau.

Cette aide était d'ailleurs nationale et internationale puisque cette saison le Belge De Radigues a couru en deux et trois et demie avec l'aide de Patrick. Vis-à-vis du public, également, Patrick savait faire les sacrifices qu'il fallait à travers ce Fan's club dont je me suis occupé pendant des années et qui, je le sais, posait de sérieux problèmes financiers. Mais Patrick voulait aider le public comme il aidait les pilotes et c'est lui, bien souvent, qui assurait finançièrement le fonctionnement de son club. J'ai aussi été frappé par l'honnêteté de Patrick et je suis bien placé pour cela puisque, depuis quelque temps, c'est un peu moi qui préparais les contrats qui le liaient avec ses sponsors.

En six ans, je n'ai jamais constaté que la parole de Patrick, quelle qu'elle soit, avait été mal tenue: c'est assez exceptionnel pour que l'on s'y arrête. Et puis il émanait de lui une sorte de rayonnement qui retombait forcément sur la moto en général. Au lieu de se cantonner au strict milieu moto, Patrick savait faire passer une image de marque qui a fait beaucoup pour le monde dans lequel nous vivons. Il entretenait des rapports avec les milieux de l'automobile ou du show-business qu'il avait ainsi attirés vers cette moto qu'il aimait.

Même au niveau des sponsors, on peut dire que l'arrivée de gens comme Sartec ou Coca Cola est également l'oeuvre de Patrick. Je souhaite seulement que sa philosophie de la course et de la vie se retrouve chez ceux qui lui étaient proches et chez ceux qui l'admiraient. A une époque ou la moto est fortement attaquée, il savait en donner une image sécurisante et accessible qui ne pouvait amener que plus de monde encore. Je pense que les jeunes peuvent sans hésiter prendre modèle sur Patrick et sur ses qualités de modestie, de gentillesse et d'honnêteté vis-à-vis de tout le monde.
Informations tirées de Moto-Revue N° 2474 du 4 septembre 1980.
Par Ph. Michel.
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