La sortie, c'est par là ! ELF-4
L'épreuve par 4 - Présentation de la ELF 4
Cliquez sur l'image pour l'agrandir. Pour la première fois de sa carrière, qui approche les dix ans, la Elf est dotée d'un moteur top-niveau. Avec le honda Y4 usine, la Elf 4 va se retrouver au pied du mur. On peut considérer que, sa phase de tâtonnements étant passée, elle est condamnée à faire des résultats à la hauteur de sa motorisation. C'est ce qu'elle a réalisé par le passé avec le trois-cylindres, mais cette fois il s'agit de viser plus haut. Le challenge est extrêmement ambitieux, tel était bien le but de la Elf depuis sa création. L'équipe de Serge Rosset et de Daniel Trema voit arriver ce moment avec une impatience teintée d'une angoisse légitime. La 4 version de la Elf a été conçue pour être avant tout efficace. Quant au pilote, Ron Haslam, il a prouvé depuis le début de saison qu'il se place parmi les meilleurs. Le temps du verdict est arrivé. Joie et angoisse, espoirs et craintes.

On peut imaginer facilement ce qui doit se passer dans la tête des responsables de la Elf 4. Au début de son histoire, la Elf était considérée par beaucoup comme un exercice de style ou une grosse opération promotionnelle pour la marque. Au fur et à mesure des années et de ses évolutions, la machine Française a gagné en efficacité et en crédibilité. La moto créée par André de Cortanze s'est d'abord consacrée aux courses d'endurance entre 1980 et 83. La Elf est alors propulsée par un moteur officiel Honda. Son apparition dans les GP 500 date de 1985. Serge Rosset, qui vient Cliquez sur l'image pour l'agrandir. de mener Christian Sarron au titre mondial en 250, préside à ses destinées en compagnie de Daniel Trema. Côté pilotes, on trouve Christian Le Liard qui poursuit la mise au point de la Elf-2 et Didier de Radiguès qui pilote une Honda d'usine, confirmant les accords privilégiées entre le constructeur Japonais et le grand pétrolier Français.

En 1986, la Elf-3 évolue encore et inaugure le train avant VGC (Variable Geometric Control) qui constitue maintenant l'âme de la Elf. Si Christian Le Liard teste une partie-cycle en magnésium lors des quatre derniers GP de la saison, Ron Haslam donne à la Elf ses premiers résultats notoires en se classant 9ème du championnat du monde et en remportant le Grand Prix de Macao. Même si la partie-cycle révolutionnaire se montrait souvent au moins aussi efficace que certains châssis conventionnels, le trois-cylindres Honda usine ne pouvait rien contre les V4. La Elf-4 ne pourra pas se retrancher derrière cette excuse. Cette fois, avec un moteur, un pilote et un team au top-niveau, le seul élément inconnu qui fera la différence dans un sens ou dans l'autre, c'est bien la conception de la partie-cycle.
La différence
Le montage d'un amortisseur Fournalès à l'avant et de plus grandes possibilités de réglages en empattement, chasse et angle de chasse à partir du train avant. L'effet d'anti-plongée a été diminuè. Quels changements entre la 3 et la 4 ? Bonne question. Il faut signaler que, depuis l'arrivée de Serge Rosset, la Elf a beaucoup évolué dans le sens de l'efficacité. Sans remettre en cause les options principales comme le moteur porteur sur lequel viennent s'accrocher un train avant et un train arrière, la Elf s'est épurée pour ne garder que sa substance. Plus question de réservoir sous le moteur ou de direction à palonniers. Même si cette dernière n'est pas définitivement abandonnée, elle a été écartée pour ne pas ajouter un paramètre encore mal maîtrisé à tous les autres. Revenons à la Elf-4. Pour faire avancer le projet, Daniel Trema est parti au Japon pendant l'hiver pour récupérer les plans de la NSR et les cotes du V4. A partir de là, il a dessinné sa partie-cycle. Mais, quand le moteur est arrivé, fin février, tout ne collait pas parfaitement. Le 4ème cylindre avait du mal à trouver sa place. D'où la présentation tardive de la Elf-4. Etant donné la date d'arrivée du moteur et le programme chargé des GP, Serge Rosset, Daniel Trema et toute l'équipe ont battu tous les records pour construire la moto. Le point de départ étant la Elf-3, ils se sont attaché à éliminer tous les défauts repérés en 86: après un guidonnage, les disques repoussaient les plaquettes de frein et les pistons des deux étriers, ce qui rendait le freinage inefficace au virage suivant ; la Elf-4 n'a plus qu'un étrier placé dans l'axe de la fourche. Avec l'ancien train avant, il était impossible de maintenir un empattement constant en changeant la chasse ou l'angle de chasse ; la Elf-4 comporte des platines réglables à chaque point d'encrage du train avant afin de modifier séparément chacune de ces données. Le bras unique arrière réagissait à la torsion sur toute sa longueur. La Elf-4 reçoit un renfort en forme de pont sur sa partie avant au milieu duquel passe la chaîne. Enfin, toute la géométrie de la Elf-4 (empattement, chasse, angle de chasse, positionnement du moteur...) est identique à celle de la NSR usine afin de jauger immédiatement l'apport que représente sa conception.

A partir de là, il sera possible de faire évoluer la machine point par point en contrôlant toutes les données. Le fait que le team dispose d'une NSR standard pour effectuer des comparaisons est un plus appréciable. Si la suspension arrière ne pose pas trop de problèmes avec son amortisseur d'origine, le train avant, qui fonctionne aussi avec un amortisseur unique, constitue le plus gros point d'interrogation. Celui qui avait été réalisé par l'équipe de Serge Rosset l'an dernier à partir d'éléments White Power ne donnant pas satisfaction, c'est l'artisan François Fournalès qui a eu la charge de fabriquer celui de la Elf-4. Le gros problème étant que les efforts demandés à un amortisseur classique n'ont rien à voir à ceux qu'encaisse une fourche avant. Serge Rosset présente les éléments en carbone qui devraient équiper la Elf-4 avant la fin de l'année. Pour l'instant ils sont encore au stade des tests de résistance à l'Ecole Centrale de Lyon. En particulier lors des compressions haute vitesse où l'amortissement doit être diminué. Il faut s'attendre à un certain nombre de modifications au niveau de l'amortisseur avant pour que celui-ci soit au point. Si le disque arrière est en carbone, surtout pour une question de poids, le disque avant est métallique. Le carbone n'atteignant toute son efficacité qu'à 400°, cette solution n'est pas toujours appréciée des pilotes. Si sa température de fonctionnement descend à 200°, comme il en est question, la Elf pourrait l'adopter.

Ce qui est plus probable, c'est l'arrivée du carbone dans les éléments de la partie-cycle avant la fin de la saison. L'Ecole Centrale de Lyon, qui fait autorité en la matière, se charge de tester la résistance des éléments en carbone. Quand les résultats seront positifs à 100 %, le bras arrière et une partie du train avant seront en carbone. Pour l'instant, à l'exception du bras de fourche et de la direction qui sont et resteront en magnésium, tout le reste est en mécano-soudé en aluminium. Il n'y a que les deux tirants supérieur et inférieur (destinés à soulager les contraintes sur le carter moteur en magnésium) qui sont en 15 CDV 6. Le débattement des suspensions (125 mm à l'avant et à l'arrière) est plus important de 5 mm que sur la NSR.
Faire glisser l'avant
Pour Ron Haslam, le plus gros progrès que peut apporter la Elf sur une machine conventionnelle concerne la perception de l'avant. " La NSR a beaucoup progressé en partie-cycle, mais je pense que la Elf peut faire mieux. Ce n'est plus en vitesse de passage en courbe qu'un pilote peut faire la différence. Pas plus qu'en sortie de Pour Ron Haslam, le plus gros progrès que peut apporter la Elf sur une machine conventionnelle concerne la perception de l'avant. courbe car on peut parfaitement doser l'accélération jusqu'à la dérive du pneu arrière. Comme la Elf permet de sentir beaucoup mieux les réactions de l'avant, il faudrait pouvoir faire glisser l'avant en entrée de courbe et au freinage, comme on le fait avec l'arrière. Je pense qu'on doit pouvoir y arriver et, là, il suffira de regarder le chrono pour constater la différence. L'ambiance dans le team est excellente. Chacun travaille dur mais de façon amicale, grâce à la confiance mutuelle entre chaque membre de l'équipe. Quand on fait des essais, je tente d'abord d'expliquer le plus clairement possible à Serge ce qui se passe sur la moto. Ensuite, j'émets un avis sur la façon d'y remédier.

Si Serge n'est pas de mon avis, il effectue quand même le réglage que je demande et ensuite on essaie ce qu'il pense être bon. C'est le verdict du chrono qui permet de découvrir la meilleure solution. Même si ce que je demande ne doit logiquement pas marcher sur le papier, Serge me fait confiance. C'est comme cela qu'on progresse. Le fait de voir toute l'équipe travailler aussi dur et croire aussi fort en la Elf me pousse à me surpasser au guidon. Cette dynamique est très importante. Elle constitue aussi un de nos plus gros atouts. Même si la Elf-4 demande un ou deux Grands Prix de mise au point, tout porte à croire qu'elle fera bientôt parler d'elle, d'autant que Ron Haslam est un excellent metteur au point et un pilote d'exception. Après la première victoire à Monaco d'une Formule 1 à suspension hydraulique (celle mise au point par Gérard Ducarouge, encore un Français, sur la Lotus d'Ayrton Senna), à quand la victoire en GP d'une moto Française équipée de suspensions inédites ?
Par Gilbert Roy. Photos Jean-Pierre Boulmé
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