La sortie, c'est par là ! Essai 250 Kawasaki Usine
Une petite merveille
Cliquez sur la photo pour l'agrandir ! Alors que la 750 Kawa fait un peu dépassé, la 250 sent la machine d'usine à plein nez: sa personnalité, la finition, la recherche de poids, la finesse des formes, c'est pour moi la 250 de l'année, la moyenne cylindrée de course la plus originale de ces demières années. Et c'est pas la peine d'essayer de promener un aimant sur les parties métalliques pour voir ce qui est en acier: à part les tubes de fourche, c'est tout en alliages, aluminium, magnésium, titane et compagnie ! Une vraie merveille... Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'elle ne mérite pas d'être critiquée, mais tout de même, chaque détail est fignolé, pensé. En plus Kawasaki a adopté un certain nombre de solutions originales dont l'efficacité n'est pas à démontrer. L'architecture du moteur est splendide: c'est de loin la meilleure solution pour un twin à distributeurs rotatifs. A cela il faut ajouter la suspension arrière à flexibilité variable, et l'ancrage de frein arrière, identique à celui de la 750. Trois éléments qui confèrent à cette moto son originalité et expliquent en partie ses qualités en piste.
Cet amour de moteur
La suspension arrière à flexibilité variable est composée d'un levier articulé sur le bras oscillant agissant sur un culbuteur qui pousse sur l'amortisseur vertical situé juste au-dessus de l'axe du bras oscillant. La pédale de frein est un bel exemple de bidouillage déparant nettement sur une telle moto d'usine. Ah le moteur, c'est une merveille. Kawasaki n'a copié sur personne pour le sortir et cela donne cette pièce originale qui présente bien des avantages. D'abord, un bicylindre face à la route muni de distributeurs rotatifs est très large à cause des carburateurs saillants. En mettant un cylindre devant l'autre comme Kawasaki, on gagne sur tous les tableaux. D'abord parce qu'en 250, on n'a pas le choix: le règlement impose deux cylindres. Reste à décider de l'alimentation: objectivement les distributeurs rotatifs sont la meilleure solution. C'est la seule technique qui permette à la fois d'obtenir souplesse et puissance avec le plus de chances de succès (bien que Harley-Davidson a prouvé l'inverse mais personne n'a vu l'intérieur de leurs cylindres). Kawasaki a donc construit ce moteur avec cylindres l'un derrière l'autre et distributeurs rotatifs: ce cocktail signifie donc étroitesse, puissance, souplesse et accessoirement légèreté. (On y reviendra).
Tiens v'là du rotatif
Cliquez sur la photo pour l'agrandir ! Une parenthèse sur le distributeur rotatif: pour avoir de la puissance sur un moteur, il faut du couple à haut régime. Mais pour arriver à haut régime, il faut un moteur capable d'avaler beaucoup de gaz, donc pour avaler beaucoup de gaz il faut un temps d'admission très long. Avec l'admission classique par jupe du piston l'ouverture maximum se situe au P.M.H (point mort haut). Plus on met d'avance à l'admission et plus on met de retard à la fermeture, puisque c'est le piston qui détermine l'un et l'autre. Plus on met de retard à la fermeture et plus le moteur s'accorde haut en régime: donc on perd en souplesse. On peut bien sur tricher avec des formes d'admission qui gênent le refoulement des gaz mais on est vite limité. Avec le distributeur rotatif, par contre, l'ouverture maxi n'est plus dépendante du P.M.H. et on peut mettre de l'avance à l'admission sans mettre de retard à la fermeture. On fait exactement ce que l'on veut et en déterminant un temps d'admission très grand on obtient à la fois puissance et souplesse.

L'inconvénient du distributeur rotatif est double: d'abord il fait perdre un peu de puissance en raison de frottements du disque sur les parois du carter, ensuite ce mécanisme supplémentaire est déséquilibré puisque le disque est percé sur un tiers de sa circonférence (ou alors c'est juste une plaquette excentrique). Mais Kawasaki a résolu ces deux inconvénients en utilisant des disques en plastique antifriction (un nylon ultra léger) et en fixant des petits contrepoids sur la portée centrale. Ultime inconvénient enfin du distributeur rotatif, difficile à pallier: il avantage un transfert par rapport à l'autre, ce qui n'intervient pas sur une admission classique. Mais, je le dirai toujours, cette disposition des cylindres est géniale. Ils sont légèrement décalés l'un part rapport à l'autre pour permettre aux disques rotatifs de se chevaucher. Un autre avantage c'est que cette disposition permet d'avoir deux petits vilebrequins, légers qui tournent en sens inverse et dont l'effet gyroscopique est ainsi très réduit. II y a donc un minimum de contraintes imposées aux carters qui peut être réduit et allégé d'autant, sans risques de se tromper. Occasion splendide pour les faire en magnésium sans craintes de les voir se déformer au bout d'une course.
Faut c'qui faut
Cliquez sur la photo pour l'agrandir ! Le bloc cylindres d'une pièce est chromé dur et comporte trois transferts plus un échappement classique. Là-dessus le Japonais ne m'a pas donné beaucoup de détails sinon que les deux pistons montent en même temps. C'est ce qui a permis parait-il de réduire les vibrations qui ont nuit autrefois à ce moteur lorsque les deux pistons étaient décalés et tapaient l'un après l'autre (mais je pense que ce n'est pas la seule mesure anti-vibrations, il y a dû en avoir d'autres).

Au résultat, ce moteur se montre très souple mais pas très puissant: on l'a bien vu à Spa circuit de vitesse pure où les Yamaha étaient les plus rapides avec les Harley. Les Kawa étaient larguées. En fait, en innovant sur cette disposition des cylindres Kawasaki a agit très librement par rapport à Yamaha dont les moteurs de courses sont en principe dérivés des modèles de tourisme existants. La boite de vitesse est elle aussi une merveille: elle est toute petite et tous les pignons sont interchangeables sans changer la rampe.

Cela offre un évantail de 36 possibilités pour adapter la moto au circuit. Bien sûr la boite n'est pas séparée du moteur et il faut tout ouvrir pour changer les pignons. Mais les pilotes bénéficient d'un avantage net sur ceux des Yamaha (en fait je me dis "heureusement que ce système n'existe pas sur les Yam" on a déjà assez de boulot comme ça avec les rapports finaux pour ne pas être emmerdés avec les rapports internes de la boite. Il n'y a pas un pilote sur vingt qui saurait les choisir correctement).

Mais c'est contradictoire: cette Kawa très souple peut changer tous ses rapports internes alors que ces Yam super pointues ne le peuvent pas. C'est pas logique ! Le carter de boîte en magnésium est ajusté au plus près, le plus petit possible. Résultat: il contient très peu d'huile, 500 cm3 seulement ce qui par rapport à une Yamaha qui en emmène un litre de plus représente un gain de poids de près de 800 grammes. L'embrayage est identique à celui de la 750: il est muni de disques acier et bronze: on ne sauve pas de poids là-dessus mais en fait comme le diamètre est tout petit ça revient au même qu'un embrayage de plus fort diamètre avec des disques légers.
Comme un vélo
La partie cycle est un bel exercice de recherche pour sauver du poids (comme le moteur en fait). Le cadre n'est pas révolutionnaire: c'est un double berceau au dessin très classique mais cela ne veut pas dire qu'il est mal fait. Il est réalisé en tube léger de bonne qualité, (au chrome de molybdène) il est bien soudé (sous argon) et ne comporte pas de renforts inutiles. Il obéit à deux impératifs: rigidité et légèreté.

Les deux avantages qui en découlent sont l'assurance d'obtenir un bon résultat et la facilité de réalisation. Les suspensions méritent un examen en détail notamment celle de l'arrière qui en raison de son originalité a obligé le constructeur à mettre le moteur un peu trop en avant en raison de la présence de l'amortisseur vertical en avant du bras oscillant. De la fourche avant, rien à dire: elle est très classique, tout au plus peut-on remarquer qu'elle est étroite et qu'elle a peu de chasse.
De la flexibilité variable
La suspension arrière par contre relève d'une étude toute particulière est prouve l'efficacité des chercheurs de Kawasaki lorsqu'ils s'y mettent. Le bras oscillant est relié à l'amortisseur par l'intermédiaire d'un culbuteur: c'est cela qui donne la flexibilité variable. Panacée de tous les maux de suspensions, appliquée depuis longtemps sur les Formule Un, la flexibilité variable fait ses premiers pas en moto mais objectivement tout le monde sera obligé d'y venir. Le progrès a entrainé la nécessité d'avoir des suspensions souples. Sur un système classique le rapport suivant: mouvement de la roue/mouvement du ressort est constant.

Donc pour avoir une suspension souple on n'a d'autre solution que de prévoir un grand débattement pour ne pas talonner. Mais plus le débattement est grand, plus le changement d'assiette est important entre l'accélération et le freinage. C'est l'inconvénient des Yamaha qui piquent du nez et lèvent la roue arrière au freinage (le ressort à spires variables atténue un peu ce problème). Sur une suspension à flexibilité variable le rapport mouvement de la roue/mouvement du ressort n'est pas constant en raison de la présence du culbuteur. Il permet ainsi d'avoir une partie molle et une partie proportionnellement plus dure.

La partie molle joue dans les positions de la roue qui servent régulièrement (la suspension est alors très souple). La partie dure joue dans les circonstances exceptionnelles (bosses etc...). On arrive ainsi à limiter le débattement et l'on obtient une meilleure tenue d'assiette. L'inconvénient de la flexibilité variable vient de ce qu'elle est délicate à régler et qu'elle oblige à travailler sur la piste en collaboration avec la planche à dessin (en F1 ils utilisent des ordinateurs pendant les essais). Cette flexibilité variable a déjà été étudiée pour la moto (par Offenstadt mais aussi le Japonais Némoto qui en avait installée sur sa Yam) mais le système de Kawasaki est l'un des meilleurs actuellement. Son seul inconvénient, je l'ai dit, vient de la position de l'amortisseur qui oblige à avancer le moteur donc à faire une moto trop longue et qui diminue la motricité à la roue arrière.

Mais en fait, ce qui compte sur une moto de course, c'est l'homogénéité: et de ce côté-là les ingénieurs de Kawasaki ont vraiment pondu une merveille. Les qualités compensent amplement les défauts ; je me suis renseigné sur son entretien. La moto ne réclame pas de soins particuliers, les démontages de vérification réservent rarement des surprises. Les vilebrequins sont changés tous les 500 kilomètres (et jamais refaits), les pistons sont changés tous les 600 kilomètres environ. Les segments sont changés à chaque démontage ce qui est normal. En résumé, cette 250 Kawa est une merveille: sérieux de la réalisation, originalité d'un bon nombre de solutions techniques, homogénéité de l'ensemble. Elle mérite de devenir championne du monde...
Fiche technique
Moteur
Deux cylindres 2 temps
Alésage-course: 54 x 54 mm
Compression: 7 à 1
Régime maxi: 12000 t/mn
Allumage: CDI Denso
Admission: par deux disques rotatifs et deux carburateurs Mikuni de 32 mm

Transmission

Embrayage multidisque à sec de 140 mm de diamètre
Boîte à six rapports interchangeables (36 combinaisons)

Partie cycle

Cadre double berceau
Suspensions: avant fourche télescopique, arrière suspension à flexibilité variable et gros amortisseur unique
Freins à disque: avant de 30 mm de diamètre, arrière de 24 mm de diamètre (disques alu sur frettes magnésium)

Dimensions

Hauteur de bulle: 114 cm
largeur de bulle: 44 cm
largeur de carénage: 40 cm
Hauteur de selle: 75 cm
Hauteur repose-pieds: 37 cm
Longueur bras oscillant: 45,5 cm
Garde au sol: 20 cm
Hauteur moteur: 31 cm
Longueur moteur: 40 cm
entr'axes: 138 cm
Réservoir essence: 24 litres
Réservoir d'eau: 2 litres
Poids maximum: 100 kilos...
Par rapport à une Yamaha
Comparée à une 250 Yamaha TZ, la Kawasaki est:

- 6 cm plus basse
- 6 cm plus longue
- 2 cm plus large
- 26 kg plus légère
- Utilisable sur une plage de plus de 2000 tours

Essai dirigé et réalisé par Jacques Bussillet avec la colaboration d'Olivier Chevallier sur la piste et d'Alain Chevallier pour la technique.

Les photos sont de Christian Lacombe, exceptés les documents techniques du moteur ouvert réalisés par Alain Cochez.

Comme pour la 750, cet essai n'aurait pu être réalisé sans la collaboration de l'équipe Kawasaki Angleterre avec à sa tête Stan Shenton, secondé par sa fille Déborah et son fils Stuart. L'ingénieur Takeo Suzuki a donné toutes les précisions techniques requises (sauf l'angle de chasse et la puissance du moteur) tandis que Jean-François Baldé a mis son moteur à disposition pour qu'il puisse être démonté et photographié (avec l'accord de Xavier Maugendre). Moto Journal les remercie pour cette aide qui a permis d'essayer une aussi belle machine.
Informations tirées de Moto Journal N° 347 du 19 janvier 1978.
Par Alain Chevallier.
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